Sécurité des habitants de la Seine-Saint-Denis
Question de :
M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise
M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l'intérieur sur la sécurité des habitants de la Seine-Saint-Denis. « La ville est anxiogène », « on ne peut pas être une zone de non droit », « en Seine-Saint-Denis, la justice est ailleurs » : ces mots sont ceux d'habitants de la circonscription de M. le député, à Aubervilliers et Pantin, et en particulier au quartier des quatre chemins, à la limite des deux villes. Il les entend tous les jours dans ses permanences parlementaires, ses rencontres avec les citoyens ; il les lit tous les jours sur les réseaux sociaux. Ces mots traduisent une réalité, inacceptable en République, et pourtant installée de longue date, aux quatre chemins, et ailleurs en Seine-Saint-Denis. L'insécurité pourrit la vie de très, de trop nombreuses personnes de son département. Les habitants n'en peuvent plus d'appeler une police qui ne vient pas, de déposer des plaintes qui restent lettre morte. Les fonctionnaires de police sont trop souvent épuisés : l'un d'entre eux s'est suicidé à la fin de son service, au cœur même du tribunal de Bobigny, en octobre 2019. Les élus sonnent l'alerte, mais ne sont pas entendus. En quelques mois, il a posé deux questions écrites, il a écrit trois fois au préfet pour signaler l'aggravation de la situation aux quatre chemins, il a écrit au ministre de l'intérieur, au Premier ministre, au Président de la République : rien ne bouge. Quel est le résultat des efforts de M. le ministre ? L'échec. Les interventions de police manquent leur but : les descentes ponctuelles n'assèchent pas les trafics. Les bavures et dérives sont nombreuses et elles sont trop souvent impunies. À Aubervilliers, en mars 2020, une jeune femme, Ramatoulaye, était frappée, tasée par des policiers ; son crime était d’être sortie faire des courses pour nourrir son bébé, avec une attestation manuscrite ! La fuite en avant s'engage : devant l'impuissance de l'État, un nombre croissant de villes comme Aubervilliers ou Saint-Denis arment leur police municipale, une mesure qui accroît les inégalités territoriales et augmente les tensions. Les habitants se sentent abandonnés et désespèrent de constater que rien ne change. Alors, il lui demande pourquoi il ne change pas de politique, pourquoi il n'alloue pas réellement à la Seine-Saint-Denis les moyens de police nationale dont elle a besoin, pourquoi il ne change pas la doctrine d'emploi des forces de police, en conjuguant une vraie police de proximité, formée pour des missions de prévention et de surveillance, avec une politique de démantèlement des filières qui sont responsables des trafics. Il lui demande aussi pourquoi il ne sanctionne pas résolument les policiers qui se rendent coupables de bavures et pourquoi il n'engage pas le grand chantier de la reconstruction des services publics et de la lutte contre la précarité, qui asséchera le terreau sur lequel prospère la délinquance. En somme, il souhaite savoir pourquoi il ne mène pas un grand plan pour la sécurité et tranquillité publique, aux quatre chemins, en Seine-Saint-Denis.
Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2021
SÉCURITÉ DES HABITANTS DE LA SEINE-SAINT-DENIS
Mme la présidente. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, n° 1230, relative à la sécurité des habitants de la Seine-Saint-Denis.
M. Bastien Lachaud. « La ville est anxiogène. » ; « On ne peut pas être une zone de non-droit. » ; « En Seine-Saint-Denis, la justice est ailleurs. » : ces mots sont ceux d'habitants de ma circonscription, à Aubervilliers et à Pantin, en particuliers d'habitants du quartier des Quatre-Chemins, situé à la limite des deux villes. Je les entends tous les jours dans mes permanences parlementaires et dans mes rencontres avec les citoyens ; je les lis tous les jours sur les réseaux sociaux. Ces mots traduisent une réalité inacceptable dans une République et pourtant installée de longue date aux Quatre-Chemins et ailleurs en Seine-Saint-Denis.
L'insécurité pourrit la vie de très nombreuses – de trop nombreuses – personnes de mon département. Les habitants n'en peuvent plus d'appeler une police qui ne vient pas, de déposer des plaintes qui restent lettre morte. Les fonctionnaires de police sont trop souvent épuisés : l'un d'eux s'est suicidé à la fin de son service, au cœur même du tribunal de Bobigny, en octobre 2019. Les élus sonnent l'alerte, mais ne sont pas entendus. En quelques mois, j'ai posé deux questions écrites, écrit trois fois au préfet pour signaler l'aggravation de la situation aux Quatre-Chemins, écrit au ministre de l'intérieur, au Premier ministre et au Président de la République : rien ne bouge.
J'entends déjà vos réponses. Vous allez reprendre la litanie des « moyens policiers supplémentaires » prétendument affectés au département : cent officiers de police judiciaire, deux quartiers de reconquête républicaine à Saint-Ouen et à La Courneuve, deux rénovations de commissariat à Aulnay-sous-Bois et à Épinay-sur-Seine. Comme si cela suffisait ! Vous allez, une fois encore, vous poser en défenseurs inconditionnels de la police et accuser de diffamation ceux qui, comme moi, dénoncent la situation, comme si nous ne souhaitions pas une police efficace, rassurante, respectée et républicaine ! Vous allez parler « d'ensauvagement », stigmatisant au passage toute la population des quartiers populaires, comme si elle était responsable de l'insécurité qu'elle subit !
Les mots n'y changeront rien : la vérité nue est là. Les moyens que vous déployez ne sont pas à la hauteur des vrais besoins. Les Quatre-Chemins sont classés « quartiers de reconquête républicaine » et dotés de vingt-cinq policiers supplémentaires, mais allez demander aux habitants s'ils voient la différence !
Pour lutter contre les points de deal, vous proposez un numéro vert ! La doctrine que vous utilisez n'est pas la bonne : les contrôles d'identité et la répression de la consommation de cannabis épuisent les policiers et sont autant de coups d'épée dans l'eau. La politique injuste que mène le gouvernement auquel vous appartenez accroît les inégalités sociales et territoriales, le désœuvrement et la pauvreté dont souffrent les villes populaires, et sème ainsi les germes de la petite délinquance. Vous déplorez les effets, mais vous créez les causes.
Le résultat de vos efforts ? L'échec. Les interventions de police manquent leur but : les descentes ponctuelles n'assèchent pas les trafics. Les bavures et les dérives sont nombreuses et trop souvent impunies. À Aubervilliers, en mars dernier, une jeune femme, Ramatoulaye, a été frappée et « tasée » par des policiers. Son crime ? Être sortie faire des courses pour nourrir son bébé avec une attestation manuscrite !
La fuite en avant s'engage : devant l'impuissance de l'État, un nombre croissant de villes comme Aubervilliers et Saint-Denis arment leur police municipale. Une telle mesure accroît les inégalités territoriales et augmente les tensions. Les habitants se sentent abandonnés et désespèrent de constater que rien ne change.
Pourquoi ne changez-vous pas de politique ? Pourquoi n'allouez-vous pas réellement à la Seine-Saint-Denis les moyens de police nationale dont elle a besoin ? Pourquoi ne changez-vous pas la doctrine d'emploi des forces de police en conjuguant une vraie police de proximité, formée pour des missions de prévention et de surveillance, avec une politique forte de démantèlement des filières responsables des trafics ? Pourquoi ne sanctionnez-vous pas résolument les policiers qui se rendent coupables de bavures ? Pourquoi n'engagez-vous pas le grand chantier de la reconstruction des services publics et de la lutte contre la précarité qui asséchera le terreau sur lequel prospère la délinquance ? En somme, pourquoi ne menez-vous pas un grand plan pour la sécurité et la tranquillité publique aux Quatre-Chemins, en Seine-Saint-Denis, pour garantir enfin aux habitants de notre département ce « droit à la sûreté » inscrit à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Afin de lutter contre la délinquance à laquelle vous faites référence, un quartier de reconquête républicaine, – QRR – dédié a été mis en place le 6 mai 2019 dans les quartiers Villette et Quatre-Chemins, avec une présence accrue des forces de l'ordre,…
M. Bastien Lachaud. Vingt-cinq policiers…
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . …sécurisante pour la population, en vue d'une lutte plus ciblée contre la délinquance. Ainsi une brigade territoriale de contact Villette-Quatre-Chemins a-t-elle été créée. Cette unité a notamment pour objectif d'améliorer la visibilité policière dans ces quartiers…
M. Bastien Lachaud. Ça ne se voit pas !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . …et de piloter de nombreuses opérations conjointes avec les polices municipales d'Aubervilliers et de Pantin, les sous-directions transversales de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne – DSPAP –, en particulier la sous-direction régionale de la police des transports et la sous-direction des services spécialisés, et les unités de forces mobiles. En 2020, ces opérations ont permis la verbalisation de 530 vendeurs à la sauvette.
M. Bastien Lachaud. Merveilleux !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . En parallèle, un groupe judiciaire dédié, la brigade judiciaire de reconquête républicaine, a été constitué. Il travaille de sa propre initiative sur les réseaux de vente de cigarettes, de médicaments, de psychotropes et de stupéfiants et sur le caractère sériel de nombreux vols. Cette judiciarisation constitue un moyen efficace de lutter en profondeur contre la délinquance et d'améliorer durablement la physionomie du quartier.
M. Bastien Lachaud. Il faut aller sur le terrain !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . D'autres mesures sont mises en œuvre par le commissariat d'Aubervilliers. Ainsi le partenariat entre les élus locaux et le commissariat a-t-il été renforcé. Une réunion bimensuelle est organisée entre le maire d'Aubervilliers, son cabinet, le directeur de la sécurité de la ville et le commissaire central et son adjoint. Les commissaires centraux participent également aux assemblées de quartier et de commerçants, et se déplacent constamment pour aller au contact des habitants. Les doléances des habitants et des élus sont systématiquement prises en compte.
Les actions menées par les services de police et les dispositifs mis en place ont permis une diminution de la délinquance en 2020. Cette baisse est particulièrement marquée en matière de vols violents, lesquels ont diminué de 24 % – 194 faits en 2020 contre 257 en 2019 –,…
M. Bastien Lachaud. Arrêtez ! Les gens n'osent plus sortir dans la rue !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . …mais aussi d'atteintes volontaires à l'intégrité physique, qui reculent de 7 % – 458 faits en 2020 contre 494 en 2019 – et présentent un taux d'élucidation de 41 %. Les atteintes aux biens ont également diminué de 12 % : 889 faits en 2020 contre 1 013 en 2019.
M. Bastien Lachaud. Oui, oui…
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . Écoutez les chiffres, monsieur le député !
M. Bastien Lachaud. Écoutez les habitants !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État . Les cambriolages ont, quant à eux, augmenté de 9 % : 74 faits en 2020 contre 68 en 2019. Leur taux d'élucidation est de 12,6 %. Ajoutons que 62 trafics de stupéfiants ont été élucidés dans ces quartiers, contre 46 en 2019, soit une hausse de 35 %. Enfin, en 2020, 1 588 individus ont été mis en cause et interpellés dans les quartiers Villette et Quatre-Chemins, et 461 ont été placés en garde à vue. La part des étrangers dans le nombre de mises en cause s'élève à 87 % ; celle des mineurs à 13 %.
Auteur : M. Bastien Lachaud
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2021