Question orale n° 1233 :
Prise en charge des enfants et adultes en situation de handicap

15e Législature

Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Stéphane Peu attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur la prise en charge des enfants et adultes en situation de handicap.

Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2021

PRISE EN CHARGE DES ENFANTS ET DES ADULTES HANDICAPÉS
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour exposer sa question, n°  1233, relative à la prise en charge des enfants et des adultes handicapés.

M. Stéphane Peu. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, je souhaite vous poser deux questions sur la politique de la France vis-à-vis de nos concitoyens porteurs de handicap, cela à partir de deux exemples concrets que j'ai vécus dans ma circonscription.

Une mère est venue me voir à la suite du décès de son fils dans un établissement belge. Christophe, atteint de spina bifida, a été, comme 6 500 autres adultes et 1 500 enfants français, orienté, il y a maintenant quelques années, par les services français – à l'époque, la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, la COTOREP, depuis, les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH –, vers des structures d'accueil en Belgique parce qu'on n'en trouve pas en France. Ces structures, qui se multiplient en Belgique, ne vivent que des subsides versés directement par les finances publiques françaises, sans transiter par les familles, qu'il s'agisse des allocations aux adultes handicapés, les AAH, ou des autres aides que la nation leur apporte. Les établissements en question ne sont pas contrôlés, n'obéissent pas, par définition, aux normes sanitaires françaises, de même que les critères de formation des personnels y diffèrent des nôtres.

Forcément, toutes ces familles, et elles sont nombreuses, ne comprennent pas pourquoi, après tant et tant d'années, la France ne s'est pas dotée des moyens de disposer d'établissements plus proches des familles et conformes à nos règles sanitaires. J'ajoute que le décès de Christophe est survenu en Wallonie dans une structure où ne se trouvent que des Français. Sur les quatorze du pavillon où il séjournait, tous ont été contaminés par la covid-19 et trois en sont morts – dont Christophe. Et je vous fais grâce du récit de toutes les difficultés qui ont suivi pour rapatrier le corps, accompagner le deuil comme il le faudrait…

C'est ma première question : comment la France peut-elle se doter de structures en nombre suffisant, afin d'éviter le développement d'un business du handicap en Belgique grâce à des fonds français, cela au détriment des familles ?

Mon second exemple est également celui d'une mère, Linda, qui a entamé une grève de la faim – qu'elle a fini par interrompre – pour protester contre la situation insupportable des aidants familiaux. Cette mère, dont l'enfant est victime de troubles autistiques, n'arrive pas à négocier avec ses employeurs des aménagements de temps de travail : elle n'est entendue ni par les employeurs ni par Pôle emploi.

Je sais que des mesures ont été prises, elles me semblent néanmoins tout à fait insuffisantes. Il y a onze millions d'aidants en France. Le Gouvernement peut-il s'engager, comme mon groupe l'a proposé dans une proposition de loi, à ce qu'il y ait un véritable statut des aidants familiaux, avec à la fois des rémunérations et des aides, et surtout un cadre qui permette, dans le secteur privé comme dans le secteur public, des aménagements du temps de travail compatibles avec leur charge ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Permettez-moi de m'associer à la douleur des parents de Christophe à la suite de la perte de leur enfant.

J'ai participé la semaine dernière à la réunion de la commission franco-wallonne, parce que c'est un dossier que je suis de près. Dès mon arrivée au Gouvernement, nous avons relancé ces accords franco-wallons. Depuis quatre ans, plus aucun enfant ne part en Belgique, sauf si sa famille le souhaite. Il n'y a plus d'exil forcé pour les enfants et c'est ce que nous souhaitons aussi pour les adultes. Avec mon homologue, Mme Morreale, également très motivée, j'instaure ainsi un moratoire des places au 28 février 2021 pour pouvoir proposer des solutions aux parents qui veulent que leurs enfants ou leurs adultes reviennent.

Vous êtes tout à fait réaliste en disant que la situation est intolérable. C'est pour cela que, dès l'année dernière, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année dernière, nous avons dédié 90 millions d'euros à des actions visant à offrir un projet de vie de proximité à ces familles françaises et à leurs proches. Et même si la crise sanitaire nous a malheureusement freinés dans nos projets, c'est un sujet que j'ai pris à bras-le-corps. Nous travaillons en très bonne coopération avec les trois ARS, ou agences régionales de santé, des Hauts-de-France, du Grand-Est et de l'Île-de-France, qui sont celles qui connaissent les départs sont les plus nombreux. Nous suivons cela très attentivement. Nous mettons en place entre la Wallonie et la France des inspections communes dans les établissements pour garantir la qualité de la prise en charge, mais nous souhaitons trouver ces solutions de proximité au plus proche des besoins des parents et de leurs adultes.

En ce qui concerne les aidants, nous avons, comme vous l'avez souligné, mis en place le congé rémunéré de proche aidant – qui peut atteindre trois mois – pour que les personnes concernées n'aient plus à choisir sans cesse entre leur vie d'aidant et leur vie professionnelle. Ce n'est pas tout : nous créons des plateformes de répit pour les familles qui accompagnent des enfants handicapés ou des adultes en perte d'autonomie, soit huit millions de personnes qui s'occupent d'enfants et de plus âgés. Nous pouvons aussi prévoir du « baluchonnage », c'est-à-dire un relayage à domicile pour trois, quatre jours, mais le droit du travail nous freine un peu sur ce point.

Ce sont là des éléments de la stratégie aidants que nous avons mise en place avec les travaux menés par certains députés, notamment Annie Vidal, qui a été très active en la matière, et nous suivons très activement cette stratégie pour offrir aux aidants familiaux, qui sont indéniablement l'un des piliers de notre société, la prise en charge et l'accompagnement nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour vos réponses claires, notamment sur la première question, où elles marquent une avancée. J'ai tout de même un regret à propos des aidants familiaux. En effet, le dialogue entre l'aidant et son employeur – qu'il soit public, comme dans le cas de Linda, que j'ai cité, ou privé – ne connaît pas de cadre, et l'aménagement du temps de travail est donc au bon vouloir de l'employeur. Le rapport est totalement déséquilibré entre l'aidant qui essaie d'expliquer sa situation et l'employeur, qui peut faire ou non preuve de bonne volonté, et il y a là un vide qui est en défaveur des aidants.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Personnes handicapées

Ministère répondant : Personnes handicapées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2021

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