Désertification médicale
Question de :
Mme Marianne Dubois
Loiret (5e circonscription) - Les Républicains
Mme Marianne Dubois attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la désertification médicale. L'actualité de la crise sanitaire, sociale et économique place au second rang cette autre pandémie qu'est la désertification médicale qui ne cesse de progresser dans le pays, et plus particulièrement dans les territoires ruraux. Malgré les millions d'euros investis dans les infrastructures, les aides diverses et variées aux professionnels, l'organisation territoriale des professionnels de la santé et le salariat de médecins généralistes, le constat est invariablement le même et les interpellations des citoyens sont chaque semaine plus nombreuses. Préparer l'avenir ne saurait se résumer à produire des investissements financiers, aujourd'hui l'investissement humain est indispensable pour apporter à la population une sécurité sanitaire digne du XXIe siècle. Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour lutter contre la désertification médicale.
Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2021
DÉSERTIFICATION MÉDICALE
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour exposer sa question, n° 1249, relative à la désertification médicale.
Mme Marianne Dubois. L'actualité de la crise sanitaire, sociale et économique place au second rang une autre pandémie : la désertification médicale, qui ne cesse de progresser, plus particulièrement dans le Loiret. À l'échelon local, nous assistons à une course effrénée à la création de structures d'accueil de médecins et de professionnels de santé. À grand renfort de centaines de milliers d'euros, nombre d'entre elles ont été créées, avec des incitations diverses et variées. Nous assistons à une surenchère d'offres pour attirer les professionnels : voiture de fonction, logement, secrétariat.
À l'échelon local toujours, les professionnels de santé s'organisent à travers des communautés professionnelles de santé, avec d'excellents résultats, comme je peux le constater avec la communauté territoriale de santé Beauce-Gâtinais. Les quelque 235 professionnels participant à cette nouvelle organisation y voient un moyen d'améliorer leurs conditions d'exercice et de rendre les soins plus efficients, en optimisant les ressources.
La région Centre Val de Loire s'est engagée dans le salariat de 150 médecins. À y regarder de près, sur les trois premiers médecins recrutés par la région, l'un était déjà salarié dans une communauté de communes et les deux autres viennent du secteur libéral. En dépouillant le secteur libéral, le résultat net est négatif : il faut deux médecins salariés pour accomplir un temps de travail équivalent à celui d'un médecin libéral.
Comme nos concitoyens le constatent chaque jour, la politique sanitaire se résume à injecter des millions d'euros et à gérer la pénurie. Les vrais problèmes ne sont jamais abordés ou sont laissés sous le tapis, avec une suppression en trompe-l'œil du numerus clausus et des moyens insuffisants apportés à la formation professionnelle de santé. Des difficultés territoriales persistent, comme nous l'éprouvons en région Centre, où le centre hospitalier régional universitaire de Tours n'encourage pas suffisamment l'information et l'installation de jeunes médecins hors Indre-et-Loire et où il est impossible de doter le centre hospitalier régional d'Orléans de la vocation universitaire.
Préparer l'avenir ne saurait se résumer à produire des investissements financiers. L'investissement humain est indispensable pour apporter aux populations une sécurité sanitaire digne du XXIe siècle. Alors que le maintien à domicile de nos aînés est devenu une priorité, que puis-je répondre aux nombreuses sollicitations de personnes souvent âgées, isolées en milieu rural, qui n'ont plus de médecin traitant et qui ne maîtrisent pas les nouvelles technologies ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. La question de la démographie médicale est un sujet de préoccupation constant du ministère ; elle concerne aussi mon territoire. Elle a également été, vous en conviendrez, le sujet de préoccupation de gouvernements qui se sont succédé sans toujours trouver la solution, même si chacun a apporté sa pierre à l'édifice pour tenter d'y répondre.
Comme vous le savez, le nombre de médecins généralistes ou spécialistes en accès direct, exerçant en libéral, est en baisse régulière depuis 2010, baisse qui est susceptible de se poursuivre jusqu'en 2025. Aucun territoire n'est épargné, mais les disparités sont profondes. Le Gouvernement a fait de cette problématique une priorité, en proposant très rapidement un panel de solutions adaptables à chaque contexte local, car la réponse aux tensions démographiques n'est pas unique et doit être dentelée par endroits.
Nous avons choisi de faire confiance aux acteurs des territoires pour élaborer des projets et innover dans le cadre d'une responsabilité territoriale. Cette stratégie semble lentement porter ses fruits et commence à faire bouger les choses. La dynamique autour des CPTS – communautés professionnelles territoriales de santé – est un exemple assez éclairant et très concret de la capacité d'innovation des professionnels en matière d'accès aux soins. À travers ce dispositif, les professionnels de santé d'un même territoire sont incités à s'organiser entre eux pour répondre aux besoins. C'est un outil majeur pour garantir l'accès à des consultations sans rendez-vous et améliorer plus globalement les parcours de soins. La crise du covid-19 a d'ailleurs révélé une certaine capacité à mobiliser ces acteurs dans l'urgence, sur un territoire donné, pour organiser une prise en charge.
Je comprends votre impatience et croyez-moi, je la partage ; je suis appelée chaque jour par des élus de mon territoire à ce sujet. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner dans l'hémicycle, plusieurs mesures que nous avons instaurées ne peuvent avoir un effet immédiat, de par leur caractère structurant – je pense notamment à la suppression du numerus clausus. C'est pourquoi nous avons pris des mesures complémentaires à échéance rapide : la création de 4 000 postes d'assistants médicaux pour seconder les médecins dans leurs tâches ; le déploiement de 600 médecins généralistes dans les territoires prioritaires, dont 200 dans les territoires ruraux, en exercice partagé entre structures hospitalières et structures ambulatoires, voire salariés pour certains – comme vous l'avez évoqué, en effet, salarié n'est plus un gros mot dans le milieu médical. Enfin, le recours à la téléconsultation est un outil majeur, qui apporte une réponse immédiate aux besoins de santé de nos concitoyens. C'est donc en unissant nos efforts et en soutenant les initiatives territoriales que nous parviendrons à améliorer la situation, en particulier dans les territoires auxquels vous faites référence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois.
Mme Marianne Dubois. Merci, madame la ministre déléguée, de votre réponse. Les CPTS sont effectivement un bon outil, mais si celle de Beauce Gâtinais, dont j'ai parlé tout à l'heure, fédère 235 membres, aucun de ces derniers n'est nouveau, car tous sont en réalité présents depuis déjà un certain temps. Vous parlez aussi de télémédecine, mais un médecin est un homme – ou une femme – de confiance, auquel on peut confier des choses personnelles, voire intimes, tandis qu'un écran ou une caméra sont plutôt des barrières. Nous, élus de terrain, sommes démunis face aux appels et au désespoir de nos concitoyens qui n'ont plus de médecin traitant.
Auteur : Mme Marianne Dubois
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2021