Question orale n° 1256 :
Fin programmée des réseaux d'éducation prioritaire

15e Législature

Question de : Mme Sylvie Tolmont
Sarthe (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Sylvie Tolmont interroge Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l'éducation prioritaire, sur la fin programmée des réseaux d'éducation prioritaire. Depuis quarante ans, l'éducation prioritaire permet de donner, selon la formule, « plus à ceux qui ont le moins », c'est-à-dire d'accorder des moyens supplémentaires pour aider les établissements scolaires situés dans des zones socialement défavorisées. Elle vise, en somme, à compenser une inégalité sociale par des moyens renforcés afin de garantir la pleine unité du service public de l'éducation. Si le bilan de la politique de l'éducation prioritaire n'est pas à la hauteur des espérances, il ne justifie toutefois pas son abandon mais, au contraire, son renforcement. Ceci est d'autant plus vrai avec la crise sanitaire qui a substantiellement accentué les inégalités sociales et scolaires. Or, aujourd'hui, sous couvert d'expérimentations dans trois académies, ceci sans concertation préalable, c'est bien la suppression des REP qui est visée. Arguant d'effets de seuils et de structures laissées au bord du chemin, le Gouvernement entend passer d'une politique nationale à un système de contrats passés entre les rectorats et les établissements en difficulté, et ceci à travers des critères encore tout à fait opaques. Ce faisant, il rendra aléatoire l'attribution des moyens supplémentaires nécessaires aux établissements visés et participera à la dissolution de ce qui fait les dimensions proprement prioritaire et sociale de cette politique. Sous couvert de « souplesse » et d'« analyse plus fine », il crée, en réalité, les conditions d'une mise en concurrence entre les établissements et renforcera un management contractuel axé sur un pilotage par « résultats » et une rémunération au « mérite ». L'atteinte au service public de l'éducation sera également renforcée par ce boulevard créé au profit de l'enseignement privé, lequel pourra prétendre à ces moyens supplémentaires. Face à un tel renoncement du cœur même de l'éducation prioritaire, elle ne peut qu'exprimer sa totale opposition et sa profonde inquiétude. En conséquence, elle lui demande de lui indiquer les garanties que le Gouvernement entend apporter pour que les ressources supplémentaires propres aux actuels REP soient préservées.

Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2021

RÉSEAUX D'ÉDUCATION PRIORITAIRE
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour exposer sa question, n°  1256, relative aux réseaux d'éducation prioritaire.

Mme Sylvie Tolmont. Madame la secrétaire d'État, après votre audition écourtée devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation la semaine dernière, je veux revenir sur le sujet très important de l'éducation prioritaire.

Depuis quarante ans, l'éducation prioritaire permet de donner plus à ceux qui ont le moins, c'est-à-dire d'accorder des moyens supplémentaires pour aider les établissements scolaires situés dans des zones socialement défavorisées. Cette politique est encore plus cruciale aujourd'hui dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons, lequel a substantiellement accentué les inégalités sociales et scolaires.

Or, sous couvert d'une expérimentation dans trois académies, sans concertation préalable, c'est bien la suppression des réseaux d'éducation prioritaire – REP – qui est actuellement envisagée. Le Gouvernement affirme qu'il s'agit uniquement d'une voie parallèle, qui n'entamerait en rien le caractère national de cette politique, et que l'idée n'est pas de modifier la carte de l'éducation prioritaire mais d'en élargir le champ. Toutefois, à ce stade, aucune garantie ne corrobore ces affirmations et nous ignorons toujours les critères de cette voie parallèle.

S'agissant du financement, vous déclarez, après avoir dit le contraire, qu'un financement spécifique sera dégagé, mais nous n'avons aucune visibilité à son sujet. Vous défendez un système de contrats passés entre les rectorats et les établissements en difficulté, ce qui rendra aléatoire l'attribution des moyens et créera un risque de concurrence entre les territoires et les établissements. Nous considérons que vous participez sciemment à la dissolution des dimensions proprement prioritaires et sociales de cette politique. De plus, l'atteinte au service public de l'éducation sera aggravée par le boulevard que vous tracez à l'enseignement privé, qui pourrait capter les moyens supplémentaires propres à l'éducation prioritaire.

Face à un tel renoncement, je ne peux qu'exprimer mon opposition totale et ma profonde inquiétude, notamment pour les zones d'éducation prioritaire d'Allonnes et Sablé-sur-Sarthe, situées dans ma circonscription.

Madame la secrétaire d'État, quelles garanties le Gouvernement entend-t-il apporter pour que les ressources supplémentaires propres aux REP, gage de réussite de l'éducation prioritaire, soient préservées ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Je vous remercie pour cette question, madame Tolmont : elle me permet de revenir sur l'expérimentation que nous allons mener à partir de septembre prochain dans trois académies, celles de Lille, Nantes et Aix-Marseille. Vous m'interrogez sur les critères et le financement de cette expérimentation. Il me semble pourtant avoir été assez claire lors de mon audition devant la commission des affaires culturelles.

Vous avez raison : l'éducation prioritaire, c'est donner plus à ceux qui ont moins. Toutefois, c'est aussi donner mieux. Tel est précisément le sens de l'expérimentation à venir.

Vous n'ignorez pas ce qui a été fait en faveur de l'éducation prioritaire depuis le début du quinquennat, notamment à destination des REP et des réseaux d'éducation prioritaire renforcée – REP+. Rappelons, en particulier, la revalorisation indemnitaire des personnels, ainsi que le dédoublement des classes de CP et de CE1, et prochainement, comme je l'ai annoncé, celui des grandes sections de maternelle. Reste que l'évolution de l'éducation prioritaire est nécessaire pour s'adapter à la fois aux mutations des territoires et à celles de la société, comme l'ont souligné différents rapports, celui de la Cour des comptes, celui de la mission territoires et réussite remis par Pierre Mathiot et Ariane Azéma, et celui de la mission orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes rendu par Salomé Berlioux.

Je le redis une fois encore de la manière la plus claire : le Gouvernement ne modifiera pas la carte des REP et des REP+ à la rentrée scolaire 2021 et les moyens qui leur sont attribués resteront inchangés.

Contrairement à ce que vous avez dit, madame la députée, c'est étayée par de nombreux échanges avec les acteurs de terrain et avec des élus que l'expérimentation relative à la création des contrats locaux d'accompagnement – CLA – entend répondre aux constats formulés. Elle vise, en effet, à introduire plus de progressivité dans l'allocation des moyens en créant des contrats en faveur des écoles et des établissements socialement proches de l'éducation prioritaire ou situés dans des territoires confrontés à une perte d'attractivité ou à un choc conjoncturel.

Il ne s'agit donc pas de rendre aléatoire l'attribution des moyens supplémentaires aux établissements visés, mais plutôt de répondre à la diversité des territoires et des publics par une approche beaucoup plus fine du terrain et par la mobilisation de moyens gradués. Les CLA permettront ainsi de traiter les difficultés des territoires ruraux et périphériques et de répondre à la problématique des écoles orphelines ou des lycées professionnels.

Comme je l'ai dit, trois académies ont été choisies et l'expérimentation sera engagée dès la rentrée de septembre 2021. Elle fera évidemment l'objet, tout au long de l'année scolaire 2021-2022, d'un suivi fin et précis de la part des services du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ainsi que de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche – IGESR.

Données clés

Auteur : Mme Sylvie Tolmont

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation prioritaire

Ministère répondant : Éducation prioritaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2021

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