Question orale n° 1262 :
Situation des traducteurs interprètes

15e Législature

Question de : M. David Corceiro
Val-d'Oise (6e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

M. David Corceiro attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des 9 000 traducteurs interprètes le territoire français. Ils exercent leurs missions sur réquisition des autorités de police ou judiciaire, sous le statut de COSP (collaborateur occasionnel de service public). Leur rôle s'avère essentiel lors de certaines procédures et leurs compétences sont précieuses pour la justice. Le statut des traducteurs interprètes entraîne une rémunération nette de charges sociales, le ministère de la justice s'étant engagé à régler lesdites charges conformément aux textes et décrets, alors qu'une polémique avait été soulevée et l'État porté devant les tribunaux. La situation apparaissait depuis stabilisée. À l'automne 2018, la direction des services judiciaires a décidé, sur seule recommandation de la sécurité sociale et de la Cour des comptes, que les COSP dont le chiffre d'affaires dépasserait 80 000 euros ne seraient plus pris en charge par le ministère de la justice. Or leur revenu s'en voit automatiquement amputé de 35 à 40 % sans capacité de compensation puisque leur grille tarifaire est fixée par le code de procédure pénale. Ils seraient par ailleurs lésés par rapport à leurs homologues dont le niveau d'activité se situe sous le seuil des 80 000 euros annuels, ceci dérogeant au principe d'égalité de rémunération entre les différents traducteurs-interprètes intervenant pour le ministère de la justice. Aucun texte n'officialise la décision de l'administration et aucune communication n'a été faite à ces COSP sur la perte de leur statut et sur l'impact social et financier pour leur activité. Il l'interroge sur le choix du ministère de la justice et sur un retour en arrière quant à cette décision.

Réponse en séance, et publiée le 17 février 2021

STATUT DES TRADUCTEURS INTERPRÈTES JUDICIAIRES
Mme la présidente. La parole est à M. David Corceiro, pour exposer sa question, n°  1262, relative au statut des traducteurs interprètes judiciaires.

M. David Corceiro. Les traducteurs interprètes judiciaires sont au nombre de 9 000 sur le territoire français. Ils exercent leurs missions sur réquisition des autorités de police ou judiciaires, sous le statut de COSP – collaborateur occasionnel du service public. Leur rôle s'avère essentiel lors de certaines procédures et leurs compétences sont précieuses pour la justice. Mais du fait de leur statut, ils perçoivent une rémunération nette de charges sociales. Alors qu'une polémique avait éclaté et que l'État avait été mis en cause devant les tribunaux, le ministère de la justice s'était engagé à régler lesdites charges conformément aux textes. La situation apparaissait donc depuis stabilisée.

Néanmoins, à l'automne 2018, la direction des services judiciaires a décidé, sur seule recommandation de la sécurité sociale et de la Cour des comptes, que les COSP dont le chiffre d'affaires annuel dépassait 80 000 euros ne seraient plus pris en charge par le ministère de la justice, amputant ainsi automatiquement leur revenu de 35 % à 40 %, sans capacité de compensation puisque leur grille tarifaire est fixée par le code de procédure pénale. Ils seraient de surcroît lésés par rapport à leurs homologues gagnant moins de 80 000 euros par an, en contravention avec le principe d'égalité de rémunération entre les différents traducteurs interprètes intervenant pour le ministère de la justice. Notons qu'aucun texte n'officialise la décision de l'administration et qu'aucune communication n'a été faite à ces COSP tant sur la perte de leur statut que sur l'impact social et financier qui en découle.

Comment expliquer ce choix du ministère de la justice ? Le garde des sceaux entend-il revenir sur une décision qui crée des problèmes alors que la solution paraissait trouvée ? Je rappelle que la réponse du Gouvernement, le 15 décembre dernier, à une question écrite, n'a malheureusement pas apporté de solution.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville. Monsieur le député, veuillez excuser l'absence de M. le garde des sceaux, qui m'a chargé de vous transmettre les éléments d'information suivants.

Tout comme vous, le ministère de la justice porte une attention toute particulière à la situation des traducteurs interprètes, ces acteurs indispensables au bon déroulement des procédures judiciaires. Il convient de rappeler qu'ils relèvent de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et sont donc susceptibles de bénéficier du statut de collaborateurs occasionnels du service public de la justice dans le cadre des prestations réalisées sur réquisition des magistrats ou des officiers de police judiciaire. Ce texte prévoit que sont notamment assujetties au régime général de la sécurité sociale « les personnes qui contribuent à l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif pour le compte d'une personne publique ou privée, lorsque cette activité revêt un caractère occasionnel […]. »

Si le Conseil d'État et la Cour de cassation n'ont pas encore eu l'occasion de préciser le sens qu'il convient de conférer au terme « occasionnel », la Cour d'appel de Paris a jugé par un arrêt du 14 juin 2019 que pour bénéficier du statut de collaborateur occasionnel du service public, la personne devait exercer son activité soit à titre exclusif, mais de façon discontinue, ponctuelle et irrégulière, soit à titre accessoire à une activité principale, celui-ci étant déduit de l'existence de deux points cumulatifs : la constatation d'au moins une autre activité exercée à titre principal et la comparaison entre le montant des revenus tirés de l'activité principale et le montant des revenus tirés de la participation au service public, ce dernier devant alors être moins important. Cette décision a fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation. Le 14 août 2020, le tribunal judiciaire de Paris a estimé que les mots « collaboration occasionnelle » devaient s'entendre comme l'activité non permanente du traducteur interprète qui peut être requis par l'autorité judiciaire vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui peut aussi supposer des périodes d'inactivité de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. Il a été interjeté appel de cette décision.

Il convient de noter que sur les 9 000 traducteurs interprètes que vous avez évoqués, seul une trentaine d'entre eux bénéficient de paiements annuels d'un montant au moins égal à 80 000 euros au titre de leur contribution au service public du ministère de la justice et ne justifient pas du caractère occasionnel de cette activité.

Données clés

Auteur : M. David Corceiro

Type de question : Question orale

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2021

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