Question orale n° 1366 :
Détresse étudiante : à quand la République en actes ?

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

M. Alexis Corbière attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la précarité étudiante. Face à la crise sanitaire, des millions d'étudiants dénoncent leur « génération sacrifiée ». Assignés à résidence, souvent cloîtrés loin de chez eux, leur précarité ne cesse de croître et atteint un seuil critique. D'après l'observatoire de la vie étudiante, un tiers des 18-25 ans souffre de troubles dépressifs et confie avoir des pensées suicidaires, des pensées qui se traduisent en actes par des vagues de suicides que l'on ne peut ignorer. Face à cela, que fait Mme la ministre ? Le 21 janvier 2021, après de long mois d'indifférence, le Président Emmanuel Macron annonçait des mesures. Enfin ! Il affirmait alors : « les prochaines semaines vont être assez dures ». « Assez », le mot est faible. C'était un an après le début du chaos généralisé des confinements et déconfinements et deux mois avant l'annonce d'un troisième, encore et encore. La détresse étudiante n'en a été que renforcée. L'extension des repas à 1 euro par jour aux étudiants non boursiers et la création d'un « chèque psy » sont certes des avancées. Mais ont-elles stoppé les files d'attentes interminables devant l'aide alimentaire ? Non. Ont-elles rassuré les étudiants sur un avenir des plus incertains ? Non. Ces « chèques psy » ne sont qu'un pansement sur une plaie ouverte qui s'élargit. Quelle exemplarité Mme la ministre leur montre-t-elle quand elle ferme les facultés tout en laissant ouvertes les classes préparatoires où s'entassent parfois jusqu'à 45 élèves dans des salles exiguës ? Pour ne pas opposer les uns aux autres, des mesures de cohérence seraient la moindre des choses. Mais non, à cela elle préfère une rhétorique compassionnelle. Or répéter à l'infini que l'on prend des mesures fortes ne suffit pas pour en faire une réalité. Il tient à le lui rappeler : en France, on compte un psychologue pour 30 000 étudiants : c'est 25 fois moins que les recommandations internationales. Et sa plateforme de soutien en ligne n'y changera rien : elle témoigne de son décalage quant à la réalité. Surtout, les services universitaires ne disposent pas des structures de suivi à la mesure du problème. À qui la faute ? Et ce soutien psychologique ne fait pas tout, il ne nourrit pas. En l'espace d'un an, les aides d'urgence versées aux étudiants ont doublé par rapport à 2019. La crise sanitaire n'a fait qu'amplifier un désastre organisé : bien avant la crise, un étudiant sur cinq était déjà sous le seuil de pauvreté. Le 13 octobre 2017, il avait tenu à la rencontrer pour l'alerter personnellement sur cette précarité étudiante déjà grandissante. Elle avait répondu par un haussement d'épaules en évoquant des budgets en hausse. Elle avait aussi refusé la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes, mesure qu'il défend avec ses collègues insoumis depuis plus de quatre ans afin chaque jeune puisse aller le plus loin possible dans ses études. Par ailleurs, il tient à lui rappeler une chose essentielle : les étudiants sont des citoyens, ils réfléchissent et portent des propositions dans le débat public. Or quelles perspectives Mme la ministre leur donne-t-elle quand elle dévoie les trois quarts des propositions de la Convention citoyenne pour le climat pour laquelle nombre d'entre eux se sont mobilisés ? Face à un constat qu'il espère qu'elle partage, pourquoi s'obstine-t-elle à refuser d'étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ? C'est là une mesure d'urgence qu'il réclame à l'instar de nombreux groupes parlementaires, et pour laquelle 2 Français sur 3 se déclarent favorables. Pourquoi ne pas alléger les programmes dans les lycées dans lesquels le retard s'accumule en raison d'un fonctionnement à mi-régime ? Pourquoi aucune réquisition de locaux n'a été envisagée pour désengorger les amphithéâtres et rouvrir les facultés ? Pourquoi ne pas recruter des médecins scolaires et mieux valoriser leur métier lorsque l'on sait qu'un tiers des postes sont vacants dans l'éducation nationale ? En septembre 2020, elle annonçait 6,5 milliards d'euros pour l'enseignement supérieur : pourquoi ne pas débloquer des crédits pour augmenter les bourses et les APL ? Les étudiants le demandent, les entendra-t-elle ? Il souhaite connaître son avis sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 7 avril 2021

DÉTRESSE ÉTUDIANTE
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, n°  1366, relative à la détresse étudiante.

M. Alexis Corbière. Face à la crise sanitaire, des millions d'étudiants dénoncent l'existence d'une génération, la leur, sacrifiée. Assignés à résidence, souvent cloîtrés loin de chez eux, leur précarité ne cesse de croître et atteint un seuil critique. D'après l'Observatoire national de la vie étudiante, un tiers des personnes entre 18 et 25 ans souffrent de troubles dépressifs et confient avoir des pensées suicidaires, pensées qui se traduisent hélas en actes par des vagues de suicides que l'on ne peut ignorer.

La France compte un psychologue pour 30 000 étudiants, soit vingt-cinq fois moins que les recommandations internationales. Et la plateforme de soutien en ligne n'y changera rien : elle témoigne même d'un certain décalage avec la réalité. Surtout, les services universitaires ne disposent pas de structures de suivi à la mesure du problème. Ce soutien psychologique ne fait pas tout et ne nourrit pas, notamment. En l'espace d'un an, les aides d'urgence versées aux étudiants ont doublé par rapport à 2019, mais la crise sanitaire n'a fait qu'amplifier un désastre organisé : bien avant la crise, un étudiant sur cinq était déjà sous le seuil de pauvreté.

Le 13 octobre 2017, j'ai rencontré la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour l'alerter de la précarité étudiante : elle m'avait répondu que les budgets étaient en hausse et que cela suffirait.

Face à ce constat, que j'espère nous partageons tous, pourquoi s'obstiner à refuser d'étendre le RSA – revenu de solidarité active – aux jeunes âgés de 18 à 25 ans ? Nous avons réclamé à de nombreuses reprises, comme de nombreux groupes parlementaires, cette mesure d'urgence que soutiennent deux Français sur trois.

Pourquoi aucune réquisition de locaux n'a-t-elle été envisagée pour désengorger les amphithéâtres et rouvrir les facultés ? Pourquoi ne pas recruter des médecins scolaires et mieux valoriser leur métier lorsque l'on sait qu'un tiers des postes sont vacants dans l'éducation nationale ? En septembre 2020, le Gouvernement a annoncé 6,5 milliards d'euros pour l'enseignement supérieur : pourquoi ne pas débloquer des crédits pour augmenter les bourses et les APL – aides personnalisées au logement ? Il s'agit d'une demande des étudiants et de leurs organisations : que leur répondez-vous ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Je vous prie tout d'abord d'excuser Mme Frédérique Vidal, qui ne peut être présente ce matin ; je vais répondre à sa place. Vous nous interrogez sur la précarité étudiante et le soutien psychologique aux jeunes. Non, monsieur le député, on ne peut pas dire que le Gouvernement ait attendu que ce phénomène fasse la une des médias pour s'en saisir : dès mars 2020, les droits d'inscription et les loyers en cité universitaire ont été gelés et ils le seront à nouveau pour la rentrée de septembre 2021 ; le montant des bourses a été revalorisé ; les bourses ont continué à être versées à la rentrée pour ceux qui avaient dû décaler leur stage de quelques mois ; des aides exceptionnelles de 150 à 200 euros ont été versées, notamment en cas de perte d'emploi ; nous avons également instauré le ticket de restaurant universitaire à un euro, désormais accessible à tous les étudiants, boursiers, non boursiers et internationaux ; près de 10 000 contrats doctoraux ont été prolongés et financés en 2020 ou le seront en 2021 ; plus de 5 millions de repas ont été servis dans 500 points de vente ; les fonds d'aide d'urgence des CROUS – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – ont été doublés pour verser des aides spécifiques pouvant aller jusqu'à 500 euros ; nous avons créé près de 22 000 emplois étudiants pour répondre à la perte des petits jobs.

Le Gouvernement lutte également contre la précarité menstruelle, avec l'installation de 1 500 distributeurs de protections périodiques gratuites. La reprise des cours en présentiel un jour par semaine depuis février est également une mesure déterminante dans la lutte contre l'isolement ; grâce à ce redémarrage progressif, nous avons pu stabiliser un protocole sanitaire robuste, qui malgré la reprise épidémique, permet de maintenir les universités ouvertes et de donner des perspectives aux jeunes. Grâce à ces protocoles, les étudiants ont pu passer leurs examens du premier semestre sans décrochage massif ni baisse du niveau général ; je tiens à les en féliciter. Le Gouvernement renforce aussi de manière inédite les capacités d'accompagnement psychologique depuis le 10 mars, avec la plateforme santepsy.etudiant.gouv.fr, qui recense près de 1 300 psychologues volontaires ; 80 postes ont été créés dans les SSU – services de santé universitaires – pour renforcer les capacités de prise en charge et 60 postes d'assistants des services sociaux sont prévus dans les CROUS.

Pour ce qui est du climat, enfin, la ministre a renouvelé la semaine dernière le groupe de travail présidé par Jean Jouzel, qui a déjà permis des avancées majeures s'agissant de l'introduction de la transition écologique et du développement durable dans le code de l'éducation. Toutes ces dispositions ont été renforcées ici-même la semaine dernière lors de l'examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Les travaux se poursuivent avec les étudiants et l'ensemble des acteurs ; nous y voyons un enthousiasme, une mobilisation et un engagement. Vous voyez, monsieur le député, nous écoutons les étudiants et nous agissons sans relâche pour accompagner leur présent et préparer leur avenir.

M. le président. Je remercie MM. Corbière et Lecoq, ainsi que les députés qui prendront la parole après eux, d'avoir modifié leur emploi du temps, puisque nous avons dû faire face à des défections.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mars 2021

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