Question orale n° 1367 :
Transferts de compétences des douanes vers la DGFP

15e Législature

Question de : M. Jean-Paul Lecoq
Seine-Maritime (8e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jean-Paul Lecoq interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur les transferts de compétences des douanes vers la direction générale des finances publiques.

Réponse en séance, et publiée le 7 avril 2021

TRANSFERTS DE COMPÉTENCES DES DOUANES
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer sa question, n°  1367, relative aux transferts de compétences des douanes.

M. Jean-Paul Lecoq. Des missions de terrain incombant historiquement aux douaniers sont sur le point d'être transférées à la direction générale des finances publiques – DGFIP – par le biais de procédures dématérialisées. Il en irait ainsi du recouvrement de la taxe intérieure sur la consommation – TIC –, de la taxe intérieure sur les produits énergétiques – TICPE – et du droit annuel de francisation et de navigation – DAFN –, qui ne serait plus effectué par les douaniers. Soulignons que la seule TICPE rapporte annuellement au budget de l'État une recette de l'ordre de 40 milliards d'euros, après une augmentation de 63 % en trois ans.

Actuellement et sauf information contraire, le recouvrement de ces taxes s'opère à la satisfaction générale. Les douaniers effectuent un contrôle physique salutaire sur les produits taxés depuis les différentes portes d'importation du pays et assurent un rôle apprécié de conseil auprès des entreprises concernées. À cela s'ajoute une garantie de sécurité et d'équité, la sagacité des douaniers et leur savoir-faire dans ce domaine complexe étant bien connus. Je m'étonne par conséquent de la volonté affichée par le Gouvernement de leur ôter des compétences au profit d'agents de la direction des finances publiques. Ces derniers devront acquérir ces compétences spécialisées, tout en effectuant des opérations d'évaluation et de contrôle depuis leur bureau et leur ordinateur, situés à des kilomètres, voire des centaines de kilomètres, des points d'entrée des marchandises taxées. Dès lors, il est à craindre que le contrôle physique opéré sur le terrain soit remplacé par un autocontrôle des entreprises, d'où un risque accru d'erreur et de fraude, mais également une accentuation du risque sanitaire : aucun bordereau dématérialisé ne saurait mettre en évidence la qualité d'un produit et sa bonne conformité avec les normes exigées avant sa consommation.

À l'évidence, cette réforme fait courir un risque à l'État ; mais elle en fait également courir un au consommateur. Actuellement, je n'ai aucune connaissance des dispositifs et des moyens qui seront déployés pour assurer le même niveau de garantie et de protection que celui apporté par les douaniers. Quand bien même, pourquoi prendre un risque, alors que visiblement, tout fonctionne correctement dans ce secteur sensible ? Je crains que cette réforme ne soit qu'un moyen de compenser les créations de postes au sein des douanes en raison du Brexit, tout en compensant les effets de la réforme opérée au sein de la direction générale des finances publiques ; mais à quel prix ? Si vous partagez ces inquiétudes, exprimées notamment par l'ensemble des organisations syndicales des agents des douanes, je vous remercie, monsieur le ministre délégué, d'annoncer le retrait de cette réforme. Dans le cas contraire, je vous remercie de bien vouloir nous rassurer et rassurer les Français, tout simplement en nous expliquant comment, et avec quels moyens, les agents des services fiscaux pourront assurer les missions d'évaluation, de contrôle et de conseil dévolues actuellement à leurs collègues douaniers, sur le terrain et à proximité.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

M. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises. Le Gouvernement a décidé de créer un portail commun de recouvrement des recettes des administrations fiscales, douanières et sociales. Cette réforme majeure poursuit un objectif d'intérêt général, partagé par toutes les administrations publiques : la simplification et l'amélioration du parcours des usagers. Elle se traduit notamment par le transfert à la direction générale des finances publiques de plusieurs pans de la fiscalité, aujourd'hui gérés par d'autres administrations, notamment la douane.

Monsieur le député, vous me faites part de vos inquiétudes concernant les conséquences de cette réforme sur l'avenir de la direction générale des douanes et droits indirects – DGDDI –, en soulignant que celle-ci s'acquitte de façon pleinement satisfaisante de ses missions fiscales. Cette réforme ne repose pas sur le postulat que telle ou telle administration serait davantage compétente pour recouvrer l'impôt ; elle vise à unifier le parcours de l'usager, à lui offrir un interlocuteur unique et ce faisant, à dégager des synergies au bénéfice des entreprises, de l'administration et des affectataires, notamment les collectivités locales. Du point de vue de la douane, notre souhait est de faire de cette réforme une occasion de renforcer le cœur des missions douanières, c'est-à-dire le contrôle et la surveillance de la marchandise. La crise sanitaire et le Brexit ont démontré tout récemment que protéger nos frontières, qu'elles soient physiques, numériques ou maritimes, est une priorité absolue.

Au demeurant, soyez assuré, monsieur le député, que la douane conservera des missions fiscales en propre ou en partenariat avec la DGFIP, notamment en matière de lutte contre la fraude à la TVA ou en matière de contributions indirectes. En matière de contrôle en particulier, la pleine implication des agents des douanes dans le contrôle de l'assiette taxable aux frontières sera un élément clé de la réussite du projet. Je vous rappelle que certains transferts sont déjà achevés. Pour ce qui est de celui des taxes sur les boissons non alcooliques, réalisé au 1er janvier 2019, la comparaison des rendements ne conduit pas à constater une diminution des rentrées fiscales.

Vous mettez également en avant les risques sociaux qu'emportent ces opérations de transfert. Ces différentes réformes ont déjà fait l'objet de rendez-vous réguliers avec les représentants des personnels des deux directions générales sur les métiers. L'organisation des transferts, et tout particulièrement des aspects relatifs aux ressources humaines, fait l'objet de la plus grande attention et est examinée dans le cadre du dialogue social. À ce titre, il faut souligner que le maintien des agents dans leur secteur géographique, s'ils le souhaitent, est une priorité. La DGFIP est ainsi pleinement mobilisée pour permettre l'accueil des agents restructurés de la DGDDI ; des garanties concrètes ont été apportées sur ces points.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Lecoq

Type de question : Question orale

Rubrique : Administration

Ministère interrogé : Comptes publics

Ministère répondant : Comptes publics

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mars 2021

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