Expulsions locatives
Question de :
Mme Elsa Faucillon
Hauts-de-Seine (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Elsa Faucillon attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur les expulsions locatives.
Réponse en séance, et publiée le 26 mai 2021
EXPULSIONS LOCATIVES
M. le président. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour exposer sa question, n° 1466, relative aux expulsions locatives.
Mme Elsa Faucillon. Des témoignages d'angoisse de gens craignant une expulsion, j'en reçois de plus en plus, qu'ils proviennent ou non de ma circonscription. Il y a quelque temps, j'ai reçu un long message d'un monsieur disant s'adresser à moi avec honte : avec ses 875 euros de revenu de solidarité active (RSA), il n'a pas pu payer ses loyers en 2020 – il s'est d'abord inquiété de remplir le frigo et soucié de ses enfants. Il remboursait régulièrement une ancienne petite dette locative, jusqu'à ce que ses activités cessent en mars 2020, et qu'il contracte un covid long. Ayant toujours discuté avec son bailleur social, il l'a alerté de sa situation ; mais, récemment, l'huissier est passé. « Si je paie ma dette, est-ce que je suis toujours expulsable ? » lui a-t-il demandé : l'huissier lui a expliqué que le bailleur était en droit de poursuivre la procédure. Le 15 mai, il a reçu une lettre de la préfecture confirmant que la procédure d'expulsion était lancée. On connaît malheureusement la suite de ce genre de situations : la vente de sa voiture, l'hébergement d'urgence, l'hébergement en famille – et donc, la suroccupation d'un logement –, voire la rue. On sait aussi combien le parcours est ensuite compliqué pour retrouver un travail.
Les phases de confinement, de déconfinement et de couvre-feu ont mis en exergue une crise du logement déjà terriblement ancrée. Si la crise sanitaire n'a pas épargné les plus pauvres et les plus mal logés, elle a aussi fait basculer dans la précarité des locataires qui n'avaient jusqu'alors aucune difficulté à payer leur loyer, mais qui ont perdu leur travail ou une partie de leurs revenus. Toutes ces personnes ont dû faire un choix : payer leur loyer ou se nourrir et nourrir leur famille – car il y a déjà longtemps qu'elles ont éliminé le superflu.
Selon une enquête de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), menée immédiatement après le premier confinement, 30 % des plus modestes estiment que la situation financière de leur foyer s'est durablement dégradée. Dans son rapport annuel sur l'état du mal-logement, la Fondation Abbé-Pierre relève que « tous les acteurs du secteur déplorent que le logement a été le grand oublié de la relance, en particulier le secteur de la construction neuve ». Le rapport poursuit : « Plutôt que d’aider les bailleurs sociaux, acteurs centraux de l’aide aux ménages précarisés par la crise, le gouvernement a fait le choix de maintenir le prélèvement de la RLS [réduction de loyer de solidarité] à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an ». Il n'y a eu aucune annonce de relance d'une construction massive de logements HLM (habitations à loyer modéré), ni d'aides importantes pour les locataires ou les accédants à la propriété. Fallait-il s'attendre à une autre voie, quand la baisse de l'aide personnalisée au logement (APL) fut l'une des premières mesures du quinquennat Macron ?
Des associations – comme la Fondation Abbé-Pierre ou la confédération nationale du logement (CNL), pour ne citer qu'elles – ont demandé au Président de la République le prolongement de la trêve hivernale jusqu'au 31 octobre 2021. La seule réponse qui leur a été opposée est que chaque expulsion serait assortie d'une proposition de logement ou, à défaut, d'hébergement, le temps qu'une solution plus pérenne soit trouvée. Il faut vraiment méconnaître la situation pour oser dire cela ! On sait combien l'hébergement d'urgence est saturé, et combien il manque de logements abordables. Vous ne mesurez pas l'ampleur de la crise du logement ! Où trouverez-vous à reloger ces familles ? Trente mille ménages sont menacés d'expulsion, dans un contexte fragile sur le plan sanitaire, et dramatique sur le plan social. Ces familles rejoindront-elles le lot des personnes mises à l'abri cet hiver, et qui se retrouvent à la rue une fois le plan hivernal terminé ? Vous prenez la responsabilité de jeter à la rue des milliers de personnes, y compris des femmes et des enfants. La crise sanitaire fut un sacré prétexte, pour votre gouvernement, pour bafouer un certain nombre de droits ! Une fois encore, vous distinguerez-vous en refusant de prolonger la trêve hivernale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Ne pouvant être présente ce matin, Mme la ministre déléguée chargée du logement m'a demandé de vous répondre. Face à la crise sanitaire, le Gouvernement a pris des mesures exceptionnelles pour prévenir les expulsions locatives ; ainsi la trêve hivernale a-t-elle été prolongée à plusieurs reprises depuis le premier confinement. Le Gouvernement a été constant dans ses priorités : continuer de protéger les populations précaires et vulnérables. Si une expulsion a lieu après le 1er juin, elle sera assortie d'une proposition de relogement ou, au moins, d'hébergement. Un travail sera également mené en amont de l'expulsion, afin de proposer un accompagnement social et une solution de relogement aux locataires.
Il est essentiel de réussir la transition vers la reprise d'un régime de droit commun en matière d'expulsions locatives : il faut en effet prendre en considération la situation des petits propriétaires, dont le loyer constitue une source importante de revenus. Nous ne pouvons pas avoir une année blanche en matière d'expulsions. C'est pour cette raison que l'État s'est engagé à indemniser rapidement les propriétaires concernés, et que nous abonderons, dès juillet, le fonds d'indemnisation des propriétaires bailleurs, géré par les préfets.
Le Gouvernement renforce par ailleurs ses efforts de prévention, en amont de la procédure, pour réduire le nombre d'impayés locatifs. Un fonds national d'aide aux impayés de loyers, doté de 30 millions d'euros, a ainsi été créé pour venir en aide aux locataires qui n'ont pu s'acquitter de leurs loyers en raison des conditions économiques dégradées dues à la crise sanitaire. De plus, vingt-six équipes mobiles ont été déployées dans les grandes agglomérations afin d'aller au-devant des personnes les plus éloignées des dispositifs sociaux et d'améliorer leur accompagnement social. Le Gouvernement est donc pleinement engagé pour protéger nos concitoyens les plus vulnérables, en lien avec les réalités de chacun des territoires, et toujours dans un esprit de justice sociale.
Auteur : Mme Elsa Faucillon
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2021