Plan de reprise sur le secteur culturel
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
M. Alexis Corbière attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les conditions pour la reprise du secteur culturel. Depuis le 15 mars 2020, le monde des arts et du spectacle est à l'arrêt et les projections pour l'année à venir sont plus qu'incertaines. Les grands rassemblements n'auront pas lieu, de nombreux festivals sont reportés, le confinement a stoppé net de nombreuses créations, notamment dans le secteur indépendant. C'est tout un secteur qui souffre, les artistes, les techniciens, les auteurs et tous les acteurs culturels. Mme la ministre a annoncé que « certaines mesures sanitaires seront maintenues pour permettre une réouverture sur le long terme » après le 1 er juillet et pour « un temps important ». Et il va de soi qu'ici tout ne peut recommencer comme avant, comme s'il ne s'était rien passé. Pourtant le « deuxième temps de relance » annoncé par Emmanuel Macron fait l'impasse complète sur ce secteur si essentiel pour les vies et ne comprend rien de concret concernant le secteur de l'art et de la culture. Cela ne peut rester en l'état. La première raison est d'abord parce qu'il s'agit de concitoyens dont l'emploi et les revenus sont largement impactés. L'activité de ce secteur s'est effondrée de 30 % recouvrant de grandes inégalités. Les nouveaux entrants et les élèves de l'éducation artistique et culturelle doivent être épaulés pour leur entrée dans la vie dite active. M. le député demande à Mme la ministre quelles mesures elle prévoit pour les accompagner. La réouverture des lieux culturels, conditionnées et limitée, est loin de tout régler. Un spectacle ne se programme pas du jour au lendemain, mais plusieurs mois à l'avance : aussi, il lui demande quel dispositif de compensation des jauges elle prévoit. Ensuite, une société se mesure aussi à la place faite à l'art et à la culture, à la volonté publique de soutenir la création, le partage des œuvres avec tous et toutes, la possibilité d'expérimenter l'art par la pratique. À la suite de nombreux artistes et de leurs organisations, il l'appelle à créer et financer des initiatives nouvelles, particulièrement dans le spectacle vivant. C'est un enjeu pour l'emploi artistique, pour maintenir la diversité de ce secteur aussi. Mais surtout on peut transformer cette difficulté en chance pour notre pays en favorisant la familiarisation de toutes et tous avec les œuvres. C'est pourquoi il soutient la proposition du SFA-CGT d'investir 90 millions d'euros par mois pour financer des équipes d'artistes, de techniciens avec des auteurs pour créer, faire vivre et diffuser une multitude de formes artistiques dans le pays. Avec ces 90 millions, 80 000 artistes et techniciens peuvent travailler 5 jours par mois. En retour, ils peuvent produire 45 millions d'euros pour les caisses de cotisations sociales, et permettent d'économiser 29 millions d'euros sur le versement des allocations chômage. Il lui demande si elle va les soutenir. Ces formes artistiques pourraient prendre place d'abord dans un élargissement des saisons des institutions financées par l'argent public. Elles pourraient aussi s'installer partout en France, dans les villes, les villages, sur les places et se prolonger en septembre par des résidences notamment dans les établissements scolaires où l'on attend toujours l'enseignement des arts et le développement des pratiques artistiques comme l'avait promis Emmanuel Macron. Mme la ministre dira peut-être que c'est trop coûteux. M. le député lui rétorquerait que c'est bien peu au regard des fonds distribués aux entreprises sans contrepartie. Cet abondement génèrera des cotisations sociales et réduira les dépenses nécessaires d'allocation. Enfin, un tel choix relève de l'intérêt général, c'est le choix de l'émancipation. Cette relance pourrait être un premier jalon pour une politique publique de l'art et de la culture, loin l'asphyxie par la soumission au marché, aux préjugés ou à l'audimat dont souffre le secteur et donc le pays. Toutes ces questions se résument en une seule : quelles mesures va-t-elle apporter pour soutenir la reprise dans le secteur culturel ? Le confinement nous l'a appris, la vie sans culture et pas de culture sans souci des autres non plus. Il conclut par le mot d'ordre des artistes ayant occupés plus de 100 lieux de culture : « Ce que nous demandons pour nous, nous le voulons pour tous » exigeant d'une même voix la suppression de la réforme de l'assurance chômage. Il lui demande si elle les entendra.
Réponse en séance, et publiée le 26 mai 2021
REPRISE DU SECTEUR CULTUREL
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, n° 1491, relative à la reprise du secteur culturel.
M. Alexis Corbière. Ma question s'adressait à Mme la ministre de la culture. Malgré la réouverture des lieux culturels, les perspectives du secteur demeurent assez incertaines. Les grands rassemblements n'auront pas tous lieu ; beaucoup de festivals sont reportés ; le premier confinement a stoppé net de nombreuses créations, notamment indépendantes. Encore une fois, c'est tout un secteur professionnel qui souffre – artistes, techniciens, auteurs, tous les acteurs culturels.
Vous avez récemment annoncé que des fonds supplémentaires accompagneraient cette réouverture : tant mieux, mais beaucoup d'angles morts subsistent, notamment en matière d'emploi. Les choses ne peuvent rester en l'état. Tout d'abord, il s'agit de l'emploi et des revenus de nos concitoyens, qui ont été sérieusement affectés : l'activité du secteur s'est effondrée de 30 % et ce chiffre même recouvre de profondes inégalités. Les nouveaux arrivants, ainsi que les élèves de l'éducation artistique et culturelle, doivent être épaulés : quelles mesures prévoyez-vous afin d'accompagner leur entrée dans la vie dite active ? Quelle part des fonds annoncés sera allouée aux initiatives artistiques nouvelles ? Je pense ici à la proposition émise par le syndicat français des artistes interprètes, de la confédération générale du travail, le SFA-CGT : consacrer 90 millions d'euros par mois au financement d'équipes d'artistes, de techniciens, d'auteurs, qui pourront créer, faire vivre et diffuser une multitude de formes artistiques à travers le pays. Il y a là des enjeux pour l'emploi artistique mais aussi pour la diversité du secteur. Ces productions pourraient s'installer partout, dans les villes, les villages, sur les places, et se prolonger au mois de septembre en résidence, notamment dans les établissements scolaires où l'on attend toujours l'enseignement des arts et le développement des pratiques artistiques promis par le Président de la République.
Je conclurai par le mot d'ordre – chacun l'a déjà entendu – des artistes qui occupent toujours des dizaines de lieux culturels : « Ce que nous demandons pour nous, nous le voulons pour tous. » Ils exigent ainsi d'une même voix la suppression de la réforme de l'assurance chômage. Madame la ministre, entendrez-vous ces revendications ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. La ministre de la culture m'a chargée de vous répondre, monsieur Corbière, car elle est malheureusement retenue ailleurs. Vous avez raison : la crise sanitaire que nous traversons a particulièrement touché le secteur culturel et menacé son modèle économique et social, ainsi que le lien précieux qui nous unit tous à nos artistes.
Il faut mettre en place des projets qui vont attirer les professionnels de santé. C'est ainsi qu'une enveloppe de 1,3 million d'euros vient ainsi d'être octroyée au Val-d'Oise pour développer les projets de psychiatrie liés à la périnatalité et à l'accompagnement des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance – comme vous le savez, ces deux sujets s'enchevêtrent. Il faut aussi développer des centres médico-psychologiques et les postes de psychologues dans les maisons des adolescents, comme je l'ai évoqué en faisant allusion au Ségur de la santé.
La réouverture des lieux culturels permet la reprise progressive de la vie artistique de notre pays mais il va de soi qu'il faut continuer d'accompagner l'ensemble des professionnels de la culture pendant les mois à venir. C'est pourquoi, en plus de la prolongation des aides transversales aux entreprises, la ministre de la culture a annoncé des mesures nouvelles, à hauteur de près de 150 millions d'euros, visant à soutenir la reprise graduelle des activités du cinéma et du spectacle vivant. Ces mesures s'ajoutent aux 97 millions d'euros d'aides d'urgence en faveur de la création et de l'emploi culturel annoncées au mois de mars.
De plus, à la suite de la remise du rapport de M. Gauron et après concertation avec les acteurs du monde de la culture, Élisabeth Borne et Roselyne Bachelot ont annoncé une nouvelle prolongation de quatre mois de l'année blanche des intermittents ainsi que la mise en place de filets de sécurité supplémentaires jusqu'au 31 décembre 2022 – soit au total un allongement de seize mois de la protection à compter du 31 août 2021.
Vous évoquez également, monsieur le député, la détresse des nouveaux diplômés et des jeunes artistes. Eux aussi sont au cœur de la politique du Gouvernement ; ils bénéficient entre autres de l'abaissement temporaire du seuil d'accès à l'intermittence ainsi que du dispositif « 1 jeune, 1 solution » pour les aider à entrer sur le marché du travail. Le renforcement du soutien à la reprise culturelle ainsi que le retour enthousiaste de nos concitoyens sur le chemin des musées, des théâtres et des cinémas témoignent d'un attachement profond à notre culture. Nous pouvons en être fiers et continuerons de l'accompagner.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question orale
Rubrique : Culture
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2021