Question orale n° 1492 :
Mise en oeuvre de la réforme sur la justice de proximité

15e Législature

Question de : M. Pierre-Yves Bournazel
Paris (18e circonscription) - Agir ensemble

M. Pierre-Yves Bournazel interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la mise en œuvre de la réforme sur la justice de proximité, présentée dans la circulaire n° JUST2034764C datée du 15 décembre 2020, sur le territoire parisien et en particulier dans les deux quartiers de reconquête républicaine des 10e et 18e arrondissements. Malgré les efforts déployés par la police nationale et les différents acteurs locaux depuis de nombreuses années, les habitants de ces QRR constatent que l'espace public reste massivement en prise à la délinquance et au trafic de drogue. En parallèle, de nombreuses plaintes d'habitants, lorsqu'elles sont effectivement déposées, ne sont pas instruites et ne font parfois pas l'objet d'un suivi, plusieurs années après leur dépôt. Cela empêche ainsi tout moyen d'action contre la délinquance. Si le travail exceptionnel de la police est visible sur le terrain, les efforts qu'ils déploient n'aboutissent souvent qu'à peu de résultats tangibles. Cela s'explique en partie par le fait que les poursuites judiciaires et sanctions ne sont pas exécutées rapidement, laissant intact le sentiment d'impunité et empêchant par ailleurs les autorités administratives de sanctionner ces délinquants. La réforme relative à la justice de proximité et à la réponse pénale doit aider à remédier à ces situations et à apporter des réponses concrètes face aux incivilités du quotidien. Elle permet notamment le recrutement supplémentaire de personnel dédié à la justice de proximité, la promotion des interdictions de paraître ordonnée par le procureur de la République et enfin le développement de nouveaux partenariats avec les acteurs locaux. C'est le cas par exemple du dispositif de travail d'intérêt général « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies » qui est désormais inscrit dans la loi. Ce dispositif de lutte contre les incivilités est une peine rapide, utile, réparatrice et efficace contre la récidive. Ces nouveaux leviers sont essentiels et doivent être salués. Les habitants de ces quartiers attendent plus que jamais du changement. Ainsi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer dans quelle mesure ces effectifs supplémentaires seront affectés en priorité sur le traitement judiciaire des affaires de ces QRR et si ces nouvelles alternatives aux poursuites judiciaires seront mises en œuvre rapidement.

Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021

RÉFORME DE LA JUSTICE DE PROXIMITÉ
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour exposer sa question, n°  1492, relative à la mise en œuvre de la réforme de la justice de proximité.

M. Pierre-Yves Bournazel. Monsieur le garde des sceaux, le 15 décembre 2020, vous avez signé la circulaire relative à la mise en œuvre de la réforme sur la justice de proximité : c'est une grande avancée pour tous nos territoires, notamment les habitants de Barbès, quartier de reconquête républicaine (QRR) du XVIIIe arrondissement.

En effet, malgré les efforts déployés depuis de nombreuses années par la police nationale et tous les acteurs locaux, les habitants de ce quartier constatent que l'espace public reste massivement en prise à la délinquance et au trafic de drogue. De nombreuses plaintes d'habitants, lorsqu'elles sont effectivement déposées, ne sont pas instruites : parfois, elles ne font même pas l'objet d'un suivi, plusieurs années après leur dépôt, ce qui empêche tout moyen d'action contre la délinquance.

Si le travail exceptionnel de la police est visible sur le terrain, les efforts qu'elle déploie n'aboutissent pas toujours à des résultats tangibles. Cela s'explique en partie par le fait que les poursuites judiciaires et les sanctions ne sont pas toujours exécutées rapidement, ce qui laisse intact le sentiment d'impunité. La réforme de la justice de proximité permettra de remédier à ces situations et d'apporter des réponses concrètes aux incivilités et à la petite délinquance du quotidien, notamment grâce au recrutement de personnels supplémentaires dédiés à la promotion des interdictions de paraître ordonnées par le procureur de la République et au développement de nouveaux partenariats avec les acteurs locaux, comme c'est le cas des travaux d'intérêt général, dont le principe – « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies » – est désormais inscrit dans la loi. Ce dispositif de lutte contre les incivilités est une peine rapide et utile de réparation, efficace contre la récidive.

Mais si ces nouveaux leviers sont essentiels et doivent être salués, nos concitoyens attendent désormais des résultats. Ainsi, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure ces effectifs supplémentaires seront affectés en priorité au traitement judiciaire des affaires touchant les quartiers de reconquête républicaine ? Par ailleurs, les nouvelles alternatives aux poursuites judiciaires seront-elles instaurées rapidement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous posez une question essentielle, qui taraude nos compatriotes : comment régler la question de la délinquance de basse intensité, qui pourrit littéralement la vie de nos concitoyens ?

Jusqu'à présent, la petite délinquance – je dis « petite », mais vous comprenez le sens de l'expression – n'était plus, ou mal traitée. Le budget que vous avez voté a permis de dégager suffisamment de moyens pour instaurer une justice de proximité. En matière pénale, 1 000 personnels supplémentaires ont ainsi été affectés dans toutes les juridictions. En matière civile – car il faut également y songer –, un plan d'embauche de 1 000 personnes est en cours : jamais, au cours des vingt-cinq dernières années, la justice n'avait été dotée de tels moyens.

Cela étant posé, il existe une réponse rapide – je cite Dimitri Houbron, qui a utilisé cette formule à de nombreuses reprises à la tribune : « Tu casses, tu répares », autrement dit, « tu indemnises », le tout dans un délai très court, puisque de dix-huit mois initialement, les affaires sont désormais traitées dans des délais particulièrement brefs.

Dans le cadre de la réforme de la justice de proximité, nous avons doublé le nombre de délégués du procureur : ce n'est pas rien ! Par exemple, chez vous, monsieur le député, le tribunal judiciaire de Paris a bénéficié de trente-cinq juristes assistants et renforts de greffe supplémentaires. Bien sûr, il appartient aux chefs de juridiction d'affecter les personnels en fonction des besoins : la chancellerie ne peut naturellement pas intervenir pour imposer que tel personnel soit affecté au traitement d'une délinquance en particulier. Je rappelle que certains procureurs ont, par exemple, décidé d'affecter un juriste assistant à la relation entre le parquet et les élus locaux, qui étaient parfois un peu perdus et n'obtenaient pas de réponse judiciaire ou de conseils, notamment lorsqu'ils prononçaient un rappel à l'ordre, mesure sans aucune solennité. Ainsi, dans certains parquets, un représentant du procureur est désormais présent lorsque le maire décide d'une telle mesure.

Les effectifs sont opérationnels depuis décembre et nombre d'initiatives locales visent notamment l'application des mesures alternatives que vous avez évoquées, et qui sont absolument essentielles pour assurer un traitement rapide des actes de délinquance de basse intensité.

J'ai l'honneur de vous annoncer qu'un premier bilan sera dressé d'ici à la fin du mois – juin est le mois des espérances ! Le rapport vous sera bien entendu transmis. Grâce aux informations qui m'ont été remontées, je sais d'ores et déjà que la justice de proximité est performante et que les résultats de cette politique se révèlent probants. Sur cette question qui me préoccupe autant que vous, qui nous préoccupe tous, notre bilan sera véritablement positif.

Données clés

Auteur : M. Pierre-Yves Bournazel

Type de question : Question orale

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 juin 2021

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