Fermer une classe d'école en milieu rural abîme un peu plus la République
Question de :
M. Sébastien Nadot
Haute-Garonne (10e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Sébastien Nadot interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur le sens de la fermeture d'une classe au sein du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) des villages du Faget, de Vendine, de Francarville et de Loubens-Lauragais, en Haute-Garonne. Cette annonce intervient brutalement alors que l'inspectrice avait certifié aux élus deux mois plus tôt le maintien de l'ensemble des classes du RPI. Le Gouvernement n'a de cesse de glorifier à longueur de journée la ruralité, la cohésion des territoires et les premiers de tranchée, mais la réalité du terrain offre une toute autre image : celle de la poursuite du retrait des services publics essentiels. La République est égarée et la seule réponse qui vaille est la promesse républicaine de l'éducation. Et pourtant, l'éducation nationale ferme une classe dans un territoire où précisément le mouvement des gilets jaunes, en Haute-Garonne, a été particulièrement actif pour exprimer le malaise social des gens. Étrange réponse! Il lui demande donc s'il compte revenir sur sa décision.
Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021
FERMETURE D'UNE CLASSE EN HAUTE-GARONNE
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Nadot, pour exposer sa question, n° 1516, relative à la fermeture d'une classe en Haute-Garonne.
M. Sébastien Nadot. Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il y a quelques semaines, les élèves et leurs parents, les enseignants et les élus du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) des villages du Faget, de Vendine, de Francarville et de Loubens-Lauragais, en Haute-Garonne, ont appris de l'inspectrice de l'éducation nationale la fermeture d'une classe. Cette annonce est intervenue brutalement, puisque l'inspectrice avait, deux mois plus tôt, certifié aux élus le maintien de l'ensemble des classes de ce RPI.
Alerté, j'ai interrogé le ministre Jean-Michel Blanquer, car cette fermeture était contraire à l'engagement qu'il avait pris, et, il y a une semaine, comme par enchantement, on a appris que la classe était finalement maintenue. Cette classe est donc sauvée pour la rentrée prochaine, ce qui est normal au vu de la situation locale. Mais que se passera-t-il l'année prochaine et l'année suivante ? Allez-vous à nouveau menacer de fermer cette classe ? Désormais, dans le Lauragais, à quarante minutes au sud-est de Toulouse, on croit comprendre que vous fermez des classes là où ça ne râle pas trop plutôt que là où la dépense n'est pas justifiée. Vous espérez peut-être que, de guerre lasse, les parents d'élèves, les enseignants et les élus locaux finissent par ne plus avoir l'énergie de remuer ciel et terre pour préserver le peu de services publics de leur territoire.
Comme vous le voyez, ce n'est pas sur le fond que je vous interroge – après tout, la fermeture de certaines classes peut se justifier –, mais sur cette étrange méthode qui peut laisser penser que vous voulez prendre par surprise un adversaire, le saisir à la gorge quand vous le sentez affaibli, avec pour seul horizon d'imposer des coupes budgétaires, en réservant cette méthode aux lieux où vous pensez qu'elle sera efficace, là où les gens n'ont plus l'énergie de résister à la brutalité de l'administration centrale.
Alors que le Gouvernement glorifie à longueur de journée la ruralité, la cohésion des territoires et les premiers de tranchée, je tenais à vous dire la réalité du terrain, madame la secrétaire d'État, cette brutalité technocratique perçue par nos concitoyens, celle qui confond les écoliers avec des statistiques et des tableaux budgétaires, celle qui déclasse tout depuis Paris sans faire l'effort d'engager le dialogue. Dans une période marquée par la recherche bien légitime d'un nouvel équilibre entre la gestion des emplois publics et l'accessibilité aux services en milieu rural, le conventionnement est proposé comme une solution possible permettant la réorganisation des maillages scolaires et l'amélioration de l'offre, notamment grâce aux conventions ruralité qui, vous le savez, dépendent largement de l'adhésion des acteurs pour permettre des avancées significatives. Je veux souligner qu'il y a de la bonne volonté de part et d'autre en Haute-Garonne, notamment celle de dialoguer dans les rectorats et les inspections académiques.
Pensez-vous qu'en transformant le directeur académique des services de l'éducation nationale en froid DRH d'une entreprise qu'il a pour mission de liquider, vous allez permettre que soit regagnée cette confiance disparue, pourtant tellement nécessaire au dialogue et à la qualité de nos services publics en milieu rural ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Monsieur le député, je veux d'abord vous dire que la réalité du terrain, je la connais bien, puisque je m'y rends au moins deux fois par semaine, et que je tiens à ne pas m'arrêter à la descente du train, mais au contraire à aller le plus loin possible à l'intérieur des territoires notamment ruraux. Nous attachons une importance particulière à nos écoles rurales, à nos territoires éloignés, parfois enclavés, et l'action constante du ministère de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports en la matière répond en cela au vœu exprimé par le Président de la République.
Vous avez également parlé d'une répartition qui se ferait en fonction de tableurs et de tableaux budgétaires. Nous prenons effectivement en compte les chiffres, mais pas dans le sens que vous supposez. Alors même que nous observons depuis plusieurs années une diminution du nombre d'élèves liée à l'évolution démographique, nous renforçons les moyens, notamment dans le premier degré, avec un seul objectif : asseoir les connaissances fondamentales des élèves. À partir de la rentrée, il y aura très exactement 1 248 postes supplémentaires dans le premier degré.
Vous soulignez l'importance de la ruralité et nous ne pouvons qu'être d'accord avec vous. Vous avez probablement entendu parler des nouveaux dispositifs mis en place : les cordées de la réussite, les internats d'excellence, les territoires éducatifs ruraux. Ce sont autant de leviers que nous actionnons parce que nous savons la qualité et la valeur de l'école rurale et que nous voulons favoriser toujours plus la réussite de nos élèves, en particulier, je le disais, ceux des territoires enclavés.
Concernant le regroupement pédagogique intercommunal que vous évoquez, la question a en effet été posée de supprimer un poste, mais je vous confirme que nous avons décidé de ne pas procéder à la fermeture de cette classe. Ainsi, à la rentrée prochaine, le RPI, où les conditions d'enseignement, d'après les retours dont nous disposons, sont très satisfaisantes, continuera de fonctionner avec ses cinq classes.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Nadot.
M. Sébastien Nadot. Madame la secrétaire d'État, je sais votre engagement sur le terrain, mais je tenais à appeler l'attention du Gouvernement sur cette panne de la démocratie locale du quotidien à travers le cas des communautés éducatives.
Auteur : M. Sébastien Nadot
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement maternel et primaire
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 juin 2021