Alerte sur le secteur de la santé mentale
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
M. Alexis Corbière attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la dégradation de l'offre de soins dans le secteur de la santé mentale. Un français sur cinq est atteint de troubles psychiques; il y a 30 % de postes vacants tous métiers confondus et 60 % de psychologues contractuels dans les hôpitaux publics : voilà le triste bilan du secteur de la santé mentale en France. Toutes les catégories sont touchées : les jeunes bien sûr, mais aussi des actifs et des seniors et leur nombre a explosé en raison de la crise sanitaire et des confinements à répétition. Face à cela, il lui demande ce qu'il fait ? Le Président Macron a promis un « effort massif » en clôturant les Assises de la santé mentale en septembre 2021. Mais si le diagnostic d'un secteur en souffrance est partagé par tous, les 30 mesures annoncées ne sont clairement pas à la hauteur des besoins. Parmi-elles, l'annonce de 800 postes en centres-médico-psychologiques, tous métiers confondus alors même que près de 2 000 CMP couvrent le territoire partout et notamment en Seine-Saint-Denis, ces CMP croulent sous les demandes. Ces 800 postes ne suffiront pas à inverser le phénomène de saturation. Pour le CMP de Saint-Ouen, il faut compter plusieurs mois d'attente avant d'obtenir un rendez-vous : le soin d'un trouble psychique peut-il supporter un délai aussi anormalement long ? La Seine-Saint-Denis est un département particulièrement dépourvu sur ces problématiques alors même qu'il concentre un niveau important de troubles psychiques en raison de la précarité qui y règne et la faiblesse des moyens alloués. Pour les 60 000 étudiants de ce département, pas un seul bureau d'aide psychologique universitaire (BAPU) n'existe. Comment l'expliquer ? Il rappelle que la Seine-Saint-Denis concentre déjà d'énormes difficultés en matière de prise en charge des soins, tous secteurs confondus. A l'hôpital André Grégoire de Montreuil, avec 38 postes vacants, soit 10 % de l'effectif et 20 % de lits fermés, le service de réanimation néonatale est gravement menacé. Aussi, M. le député déplore qu'aucune réflexion n'ait été engagée sur la fonction publique hospitalière où 60 % des psychologues sont contractuels et alternent entre temps partiel et rémunération au rabais. Pourquoi ne pas avoir faciliter leur titularisation et ainsi accroitre l'attractivité de cette profession ? Le même constat d'échec peut être fait pour la pédo-psychiatrie : rien n'a été prévu pour l'ouverture de nouveaux lits, pourtant indispensables et rien non plus pour réformer le financement de la psychiatrie publique fondé sur la politique du chiffre au détriment de la qualité du soin. Des patients sont ainsi, aujourd'hui, dans certains services, réorientés en clinique privée après deux semaines d'hospitalisation. Comment penser sérieusement qu'un trouble psychique peut être soigné dans un délai aussi court et au demeurant, fixé arbitrairement à des seules fins économiques ? Enfin, il évoque la situation des psychologues hospitaliers et des psychologues salariés du privé médico-social, lesquels ont été exclus des revalorisations du Ségur. Il lui demande pourquoi ne pas les avoir écoutés sur les limites des dispositifs de remboursement des consultations libérales, alors qu'ils ont seuls l'expérience de l'exercice.
Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021
OFFRE DE SOINS EN SANTÉ MENTALE
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, n° 1528, relative à l'offre de soins en santé mentale.
M. Alexis Corbière. Sous l'effet de la crise sanitaire, la santé mentale de nombre de nos concitoyens s'est fortement dégradée. Toutes les catégories sociales sont touchées : les jeunes, bien sûr, mais aussi les actifs et les séniors. Près d'un Français sur cinq est atteint de troubles psychiques, soit 13 millions d'entre nous.
Que fait le Gouvernement pour y répondre ? En septembre dernier, lors de la clôture des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, le président Macron a promis « un effort massif ». Largement attendue par les professionnels, cette rencontre devait être l'occasion de faire des annonces fortes à un secteur en tension permanente. Rappelons qu'en trente ans, le nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques a diminué de moitié, malgré l'augmentation de la population. Dans le même temps, les effectifs se tarissent : 30 % des postes sont vacants dans ce secteur, et près de 60 % des psychologues sont contractuels à l'hôpital public, dans l'attente d'une hypothétique titularisation.
Les trente mesures annoncées lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie ne sont pas à la hauteur. À titre d'exemple, le Gouvernement prévoit de créer 800 postes dans les centres médico-psychologiques (CMP), tous métiers confondus ; mais quand on sait que quelque 2 000 CMP couvrent l'ensemble du territoire, cela représente moins d'un poste pour trois CMP ! Partout – notamment dans ma circonscription de la Seine-Saint-Denis –, les CMP croulent sous les demandes : l'attente pour une première consultation varie de six mois à un an et demi. La prise en charge d'un trouble psychique peut-elle supporter un délai aussi anormalement long ? Dans ce même département, qui concentre déjà d'importantes difficultés, un seul bureau d'aide psychologique est prévu pour 60 000 étudiants : comment l'expliquer ? Les attentes sont innombrables.
J'évoquerai, pour finir, la situation des psychologues hospitaliers et des psychologues salariés du secteur médico-social privé : pourquoi ont-ils été exclus des revalorisations du Ségur de la santé ? Pourquoi ne pas avoir écouté leurs remarques concernant les limites du dispositif de remboursement des consultations en libéral, dont ils sont les seuls à avoir l'expérience ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Vous avez raison, monsieur Corbière : la crise sanitaire nous rappelle chaque jour que la santé mentale de nos compatriotes constitue l'un des enjeux majeurs de la santé publique. Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont déroulées en septembre, ont permis d'en débattre. À leur issue, le Président de la République a annoncé des mesures fortes visant à améliorer l'accès aux soins et la qualité des soins : je pense à la prise en charge, par l'assurance maladie, d'une prestation d'accompagnement psychologique dispensée par un psychologue en ville, au renforcement des centres médico-psychologiques adultes et infanto-juvéniles, ou encore à la création de lits à la demande – autant d'annonces complétant l'effort mené depuis 2017.
Je ne connais pas de gouvernement qui ait autant investi dans ce secteur majeur, et depuis si longtemps en souffrance. Pour rappel, 110 millions d'euros de crédits pérennes supplémentaires ont été accordés aux établissements de psychiatrie publique en 2020 et en 2021, en cohérence avec les priorités de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie. Des enveloppes supplémentaires ont été octroyées dans le cadre du Ségur de la santé, notamment pour renforcer les centres médico-psychologiques et les maisons de santé pluridisciplinaires en psychologues. Par ailleurs, nous devons accroître l'attractivité de ces métiers ; aussi les psychologues hospitaliers ont-ils bénéficié du complément de traitement indiciaire. L'exercice mixte entre la médecine de ville et l'hôpital sera facilité en 2022, et les revalorisations salariales et indemnitaires issues du Ségur de la santé toucheront davantage de professionnels exerçant dans les services de psychiatrie.
Enfin, deux chantiers structurels relatifs à la santé mentale sont menés en lien avec les acteurs concernés : la réforme du financement de la psychiatrie, qui entrera en vigueur en 2022, et la réforme du régime des autorisations pour l’activité de psychiatrie, qui interviendra à partir de 2023. Ces deux chantiers majeurs transformeront de manière pérenne ce secteur crucial pour l'accès aux soins. Sans détailler toutes les mesures que nous avons prises, j'insisterai sur l'ambition constante et déterminée que nous déployons en faveur de la psychiatrie. Le Gouvernement répond présent pour renforcer la politique nationale de soutien à la santé mentale.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021