Absence de compensation financière intégrale des primes Ségur
Question de :
M. Yves Hemedinger
Haut-Rhin (1re circonscription) - Les Républicains
M. Yves Hemedinger interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'absence de compensation financière intégrale des primes Ségur pour les établissements de santé. Les primes introduites par le Ségur de la santé et octroyées à de nombreux personnels du milieu médical et médico-social ont été saluées par les nombreux acteurs du secteur et la société en général. Elles étaient nécessaires et viennent renforcer la reconnaissance de ces métiers indispensables. Cependant, il n'est pas entendable que ces primes promises par le Gouvernement ne soient pas entièrement compensées et qu'elles pèsent sur les finances des établissements de santé. Pour prendre un exemple concret, un établissement de la circonscription de M.le député l'a informé avoir reçu, concernant la prime Ségur, une dotation de 260 654 euros de l'ARS pour 2021 alors que le coût prévisionnel de cette prime s'élèvera pour l'établissement à 354 637 euros dans leur projection au 31 décembre 2021, soit un différentiel de 93 983 euros. Cette compensation partielle des primes Ségur pèse donc finalement sur des établissements de santé déjà en tension depuis le début de la crise de covid-19, à laquelle s'ajoute la difficulté de recruter et la perte d'effectifs suite à la vaccination obligatoire des soignants. Par ailleurs, depuis 2005, une réduction « Fillon », aussi appelée réduction générale des cotisations patronales, permet de baisser le montant des cotisations patronales sur les bas salaires. Or les revalorisations de salaire introduites par les accords du Ségur de la santé, en augmentant les salaires des personnels, entraînent une réduction drastique des réductions Fillon dont bénéficiaient les établissements de santé. Cette augmentation des cotisations patronales payées par les établissements de santé ne semble pas avoir été anticipée par le Gouvernement puisqu'elles n'entrent pas en compte dans le calcul des compensations des primes Ségur versées aux établissements de santé. Cette situation fait peser une charge financière supplémentaire sur des établissements de santé déjà en tension. Le même établissement de la circonscription de M. le député indique également que la baisse des réductions Fillon entraîne une augmentation de ses charges de 140 000 euros pour son exercice 2021. Il souhaite donc savoir ce que le Gouvernement envisage de faire pour permettre une entière compensation des primes Ségur pour l'ensemble des établissements de santé, y compris les baisse des réductions Fillon consécutives aux revalorisations salariales du Ségur de la santé.
Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021
PRIME SÉGUR POUR L'ENSEMBLE DES PERSONNELS DE SANTÉ
M. le président. La parole est à M. Yves Hemedinger, pour exposer sa question, n° 1542, relative à la prime Ségur pour l'ensemble des personnels de santé.
M. Yves Hemedinger. La prime de 183 euros net, introduite par le Ségur de la santé et octroyée aux nombreux professionnels des milieux médical et médico-social, est à saluer. Même si elle demeure très insuffisante, cette prime vient renforcer la reconnaissance des métiers si indispensables à notre société et des personnels concernés. Je salue également l'élargissement de cette mesure à 65 000 nouveaux bénéficiaires du secteur privé non lucratif qui étaient jusque-là, et comme de nombreux autres acteurs du secteur, exclus de ces accords. Il a fallu se battre mais, il faut savoir le reconnaître, la question est réglée.
En revanche, la situation se complique à nouveau car ces primes promises par le Gouvernement ne sont pas entièrement compensées, ce qui fait qu'elles pèsent sur les finances de nos établissements de santé. Ce n'est pas acceptable car c'est faire payer par d'autres les décisions prises par le Gouvernement.
Pour illustrer mon propos, je donnerai l'exemple concret d'un établissement de ma circonscription qui a reçu, pour 2021, une dotation de l'agence régionale de santé (ARS) de 260 654 euros, alors que les projections de cet établissement font état d'un coût prévisionnel de cette prime de 354 637 euros, soit un différentiel de près de 94 000 euros.
Par ailleurs, depuis 2005, la réduction Fillon, aussi appelée réduction générale des cotisations patronales, permet de baisser le montant des cotisations patronales sur les bas salaires. Or la revalorisation des salaires introduite par les accords du Ségur de la santé entraîne, en augmentant les salaires des personnels, une réduction de fait drastique des dispositifs dont bénéficiaient ces établissements de santé. Cette augmentation des cotisations patronales, que paient ces établissements, ne semble pas avoir été anticipée par le Gouvernement puisqu'elle n'entre pas dans le calcul des compensations dues au titre des primes versées. Pour reprendre l'exemple concret du même établissement, cette situation fait peser sur lui une augmentation des charges de 140 000 euros pour le seul exercice 2021, montant qu'il faut ajouter, comme un peu une double peine, aux près de 94 000 euros non compensés, la surcharge pour la structure atteignant ainsi quelque 234 000 euros pour une seule année.
Alors que nos établissements sont déjà en tension depuis le début de la crise sanitaire, qu'ils connaissent des difficultés chroniques de recrutement – difficultés encore accrues par les pertes d'effectifs à la suite de la vaccination obligatoire des soignants –, la compensation partielle des primes Ségur et la perte des avantages du dispositif Fillon pèsent lourdement sur eux.
Dès lors, ma question est simple : que comptez-vous faire pour que ces primes soient entièrement compensées, compensation qui devra évidemment prendre en compte la perte des avantages liés à la réduction Fillon, afin de ne pas fragiliser encore davantage les établissements de ce secteur si important ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. La question de la compensation des primes Ségur pour les établissements de santé est centrale, et le ministre des solidarités et de la santé y accorde toute son attention. Un important travail a été réalisé ces derniers mois pour garantir que l'enveloppe in fine retenue dans la construction de l'ONDAM – objectif national de dépenses d’assurance maladie – de 2021 sera suffisante et correctement répartie entre établissements pour compenser les versements de la prime. De nombreuses vérifications permettent déjà d'affirmer qu'il n'y a pas de sous-financement du Ségur au niveau macroscopique.
Les allégements dits Fillon que vous avez évoqués ont été pris en compte car certains acteurs, notamment les fédérations, avaient alerté bien sûr le Gouvernement sur ce point. Un enjeu demeure à ce jour, celui de la répartition précise des montants entre hôpitaux, et vous avez raison de le signaler. À ce stade, je rappelle que l'intégralité des enveloppes Ségur n'a pas encore été déléguée. Il est donc normal que la compensation qui vous remonte ne soit pas consolidée à date. Ce travail technique va se poursuivre et devrait aboutir d'ici à la fin de l'année. Différentes méthodes de répartition sont en cours d'affinage avec les fédérations et les professionnels.
Pour autant, la revalorisation des émoluments des praticiens hospitaliers – à travers l'indemnité d'engagement au service public exclusif – a un coût de 450 millions d'euros en année pleine, auxquels s'ajoutent 191 millions de revalorisation de la rémunération des internes et étudiants. Par ailleurs, la revalorisation socle des rémunérations et les revalorisations ciblées des grilles indiciaires des personnels soignants se traduisent par un coût d'environ 8 milliards d'euros par an, d'une part, pour les sages-femmes, d'autre part, pour le personnel non médical. À ce montant s'ajoutent les 340 millions – et 1 milliard d'ici à 2023 – des mesures de transformation des organisations de travail et la prime d'engagement collectif dont pourront bénéficier également les médecins, montants qui, je le répète, sont intégrés à l'ONDAM hospitalier.
Le Gouvernement est donc pleinement au rendez-vous des besoins pour la population comme des professionnels de santé, pour rendre ces métiers plus attractifs, mais aussi au rendez-vous des établissements qui bénéficient de ces investissements. Le dialogue se poursuit avec l'ensemble des parties prenantes. C'est évidemment le souhait du Gouvernement que de procéder aux revalorisations attendues et prônées par la politique du Ségur sans peser sur les finances des établissements de santé, au renforcement desquelles nous œuvrons par ailleurs.
M. le président. La parole est à M. Yves Hemedinger.
M. Yves Hemedinger. Vous semblez vouloir donner une garantie de compensation intégrale ; j'espère que ce sera le cas dans les faits. De nombreuses associations sont très inquiètes parce que le secteur a beaucoup souffert et qu'il continue à souffrir. Vous comprendrez aussi que nous soyons souvent échaudés car, si on nous annonce des compensations intégrales dans différents domaines – les communes en savent quelque chose, avec les compensations fiscales –, celles-ci, souvent, n'arrivent pas. J'espère que votre engagement d'aujourd'hui, qui semble très précis, se traduira intégralement dans les actes.
Auteur : M. Yves Hemedinger
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021