Incidences extra-financières de gestion
Question de :
M. Victor Habert-Dassault
Oise (1re circonscription) - Les Républicains
M. Victor Habert-Dassault attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les incidences extra-financières de gestion et l'appréciation de la conformité à l'intérêt social des entreprises. Depuis l'adoption de la loi PACTE, l'entreprise doit être gérée, dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. La loi PACTE permet également à une société de se doter d'une raison d'être ou de devenir une société à mission. La manière d'apprécier l'intérêt social de l'entreprise a ainsi évolué de manière significative. Or le cadre fiscal que l'entreprise doit respecter demeure inchangé, assis sur une appréciation restrictive de l'intérêt social. Dans cette logique, « l'acte anormal de gestion » doit dorénavant être défini et apprécié autrement que comme s'entendant d'un acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir délibérément à des fins étrangères à son intérêt. L'administration fiscale doit désormais tenir compte du fait que l'intérêt de la société n'est pas son seul intérêt économique, la réalisation d'un profit, mais sa performance de long terme dans l'intérêt collectif de ses parties prenantes, qui tient compte des enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Elle devra le prendre en considération tout particulièrement pour apprécier si un acte qui cause un préjudice immédiat à la société ne trouve pas une contrepartie proportionnée de long terme, non nécessairement en matière financière, pour la collectivité de ses parties prenantes. Depuis l'adoption de la loi PACTE, l'administration fiscale n'a pas précisé ce que l'on devait entendre par « acte anormal de gestion ». Afin de ne pas laisser les entreprises dans l'incertitude, il souhaite que l'administration fiscale précise le cadre de l'acte anormal de gestion, dans le respect des articles 1833 et 1835 du code civil et de l'article L. 210-10 du code de commerce.
Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021
INTÉRÊT SOCIAL DES ENTREPRISES
M. le président. La parole est à M. Victor Habert-Dassault, pour exposer sa question, n° 1547, relative à l'intérêt social des entreprises.
M. Victor Habert-Dassault. La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a été adoptée il y a deux ans : des soucis persistent quant à son interprétation, notamment avec l’administration fiscale. L'objet de cette loi est de favoriser la prise de responsabilité des entreprises et leur implication au cœur des enjeux sociaux et environnementaux.
En se dotant d’une raison d’être ou en devenant une société à mission, l'entreprise mène des actions en faveur de l’intérêt général, qui n’ont pas nécessairement de contrepartie financière. L'intérêt de la société n'est plus seulement économique, ni celui de la réalisation d'un profit, même s’il est indispensable à sa pérennité. Pourtant, l’administration fiscale continue d’apprécier l’acte anormal de gestion au sens strict, sans prendre en compte l’apport de la loi PACTE. Or, en contribuant à la société tout entière, l’entreprise y perd à court terme. Faut-il pour autant considérer qu’elle s’appauvrit délibérément, à des fins étrangères à son intérêt ?
Confirmez-vous, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, que les incidences extra-financières de gestion sont appréciées en conformité avec l’intérêt social des entreprises ? Pour l’instant, le flou dans l’interprétation de l’acte anormal de gestion persiste et laisse place à des incertitudes. En voulant œuvrer pour le bien commun, les entreprises sont susceptibles d’être condamnées par l’administration fiscale. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises. Votre question se rapporte à la notion d'acte anormal de gestion et, par conséquent, aux règles de déductibilité des charges pour l’imposition des bénéfices. Les règles sont fixées par l’article 39 du code général des impôts et par la jurisprudence, particulièrement stable, du Conseil d’État. Une charge n'est, de manière générale, déductible du résultat imposable que si elle est engagée dans l’intérêt direct de l’exploitation, ou si elle se rattache à la gestion normale de l’entreprise.
M. Alain Griset, ministre délégué. Ainsi, sont admises en déduction du résultat imposable les charges effectivement supportées par l’entreprise, qui sont liées à l’exercice de son activité, et dont elle retire une contrepartie réelle, directe et proportionnée au montant engagé. À défaut, la dépense ne peut être déduite fiscalement et doit être réintégrée au bénéfice imposable de l’entreprise. Qu’une charge puisse être déduite ou non ne présume bien sûr pas de la vertu de la dépense effectuée : il s’agit simplement de distinguer, pour établir le bénéfice, si cette dépense correspond à une utilisation du profit dégagé par l’entreprise, ou est, au contraire, utilisée pour la production de l’entreprise.
Dès lors, les évolutions apportées par la loi PACTE – qu’il faut saluer, car elles contribuent grandement aux démarches de responsabilité sociale et environnementale des entreprises – n’ont pas de raison de modifier les règles de déductibilité fiscales des charges. Ces principes n’impliquent pas que l’ensemble des dépenses bénéficiant à des tiers soient considérées comme non déductibles.
Les dépenses engagées dans le cadre d’actions de solidarité, donnant lieu à une contrepartie ou à un intérêt commercial direct pour l’entreprise, peuvent faire l’objet d’une déduction du résultat imposable : tel est le cas des dépenses supportées dans le cadre d’opérations de parrainage. Il existe d’autres mécanismes fiscaux qui permettent d’encourager ce type de dépenses. Certaines des dépenses que vous visez peuvent être éligibles au régime du mécénat et ouvrir droit à une réduction d’impôt.
Auteur : M. Victor Habert-Dassault
Type de question : Question orale
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, finances et relance
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021