Spécialités en terminale dans le cadre de la réforme du baccalauréat
Question de :
Mme Agnès Thill
Oise (2e circonscription) - UDI et Indépendants
Mme Agnès Thill interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur les spécialités en terminale dans le cadre de la réforme du baccalauréat. La réforme du lycée a substitué aux anciennes séries L, ES et S de la voie générale un enseignement composé d'un tronc commun complété des langues vivantes et d'une offre de onze choix d'enseignements de spécialité. Cette réforme, mise en place à la rentrée 2020, a été entravée par la crise sanitaire qui a empêché son plein déploiement et pose un certain nombre de problèmes quant à sa mise en œuvre. La mission flash sur les spécialités en terminale dans le cadre de la réforme du baccalauréat a rendu le 22 juillet 2021 une communication de laquelle il ressort notamment que cette mise en place a accentué l'inégalité géographique, tout particulièrement dans les territoires ruraux comme l'illustre le département de l'Oise. En effet, en réalité, tous les enseignements ne sont pas disponibles dans tous les lycées, par manque de moyens humains et matériels. Par conséquent, certains élèves vont être contraints de quitter leur lycée pour aller étudier ailleurs, complexifiant leur situation et engendrant des coûts supplémentaires pour les parents. Par ailleurs, le deuxième problème concerne le respect de la carte scolaire et les stratégies d'évitement de certains lycées de secteur. Étant donné que tous les lycées ne présentent pas toutes les spécialités, certains élèves réussiront facilement à ne pas choisir leur lycée de secteur, où ils seraient initialement attendus. Aussi, face à ce risque d'inégalité géographique, d'accentuation de l'enseignement à deux vitesses et de risque d'effritement de la carte scolaire, elle lui demande les moyens envisagés par le ministère de l'éducation afin de permettre aux lycées de suivre les spécialités souhaitées par les élèves, sans nuire à l'équilibre de la vie personnelle et familiale.
Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021
ENSEIGNEMENTS DE SPÉCIALITÉ AU LYCÉE
M. le président. La parole est à Mme Agnès Thill, pour exposer sa question, n° 1556, relative aux enseignements de spécialité au lycée.
Mme Agnès Thill. Ma question porte sur les spécialités en classe de terminale dans le cadre de la réforme du baccalauréat. Lancée en 2018 par le ministre de l'éducation nationale, celle-ci a substitué aux anciennes séries L, ES et S – littéraire, économique et sociale et scientifique – de la voie générale un enseignement composé d'un tronc commun complété des langues vivantes et d'une offre de douze choix d'enseignements de spécialité. Entrée en vigueur à la rentrée 2020, cette réforme a logiquement été entravée par la crise sanitaire qui a empêché son plein déploiement, et pose plusieurs problèmes s'agissant de son application et de son évaluation.
J'ai eu l'honneur de mener, avec notre collègue Bertrand Bouyx, la mission flash sur les spécialités en terminale dans le cadre de la réforme du baccalauréat et notre rapport, rendu le 22 juillet 2021, indique que celle-ci a accentué les inégalités géographiques, particulièrement dans les territoires ruraux, comme l'illustre la situation de certaines communes de mon département de l'Oise.
En réalité, par manque de moyens humains et matériels, tous les enseignements de spécialité ne sont pas disponibles dans tous les lycées. Certains élèves sont ainsi contraints de quitter leur établissement pour aller étudier ailleurs, ce qui complexifie leur situation, engendre des coûts supplémentaires pour les parents et, en définitive, amène la plupart des étudiants à renoncer à certaines spécialités pour demeurer dans leur lycée.
Un autre problème induit par cette réforme concerne le respect de la carte scolaire et les stratégies d'évitement de certains lycées de secteur. Dans la mesure où tous les établissements ne proposent pas toutes les spécialités, certains élèves réussiront facilement à ne pas s'inscrire dans le lycée de secteur où ils sont normalement attendus.
Aussi, face à ces risques d'inégalités géographiques, d'accentuation de l'enseignement à deux vitesses et d'effritement de la carte scolaire, je souhaite savoir quels moyens le ministère de l'éducation nationale envisage de mobiliser pour rendre cette réforme pleinement effective et ainsi permettre aux élèves de suivre les spécialités qu'ils souhaitent, sans que cela ne nuise à leur équilibre personnel et familial.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Cette question sur les enseignements de spécialité (EDS) me permet de dresser un premier bilan de leur instauration. La liste de ces enseignements a été dressée par l'arrêté du 16 juillet 2018 et il appartient aux recteurs d'académie d'élaborer la carte de leur répartition géographique, afin qu'elle soit la plus équilibrée et adaptée possible aux territoires relevant de leur compétence.
L'arrêté prévoit également qu'un élève pourra, à titre exceptionnel, suivre une partie des EDS dans un autre établissement que celui dans lequel il est inscrit, si ceux-ci ne peuvent y être dispensés dans son lycée et, bien sûr, lorsqu'une convention entre établissements existe à cet effet. Ainsi, à la rentrée scolaire 2020, 3 785 élèves ont été accueillis dans un autre établissement que celui où ils étaient inscrits, ce qui ne représente que 0,4 % des élèves de première et terminale de la voie générale.
Les recteurs d'académie s'attachent à garantir l'offre d'EDS la plus riche possible et à soutenir les établissements les moins attractifs ou les plus isolés, en leur permettant de dispenser des enseignements originaux et diversifiés. En outre, les EDS doivent être accessibles dans un périmètre raisonnable. Dans le cas des établissements isolés, les enseignements de spécialité non dispensés sont assurés par le CNED – Centre national d'enseignement à distance. Au total, à la rentrée scolaire 2020, seuls 11,8 % des établissements publics ou privés sous contrat ont accueilli des élèves qui ne pouvaient pas suivre l'EDS de leur choix dans leur propre établissement.
Les académies où les établissements accueillent le plus d'élèves issus d'autres établissements sont celles de Reims, d'Aix-Marseille et de Versailles. À l'inverse, dans les académies de Mayotte, de Guyane, de Poitiers ou encore de Corse, aucun établissement n'a accueilli d'élèves inscrits dans un autre lycée.
En ce qui concerne l'académie d'Amiens, qui vous concerne plus particulièrement, la carte des enseignements de spécialité a été conçue afin, comme je le disais, de proposer aux élèves une offre équilibrée, quel que soit leur lycée de scolarisation. En effet, les quarante-trois lycées généraux de l'académie proposent en moyenne 8,65 enseignements de spécialité sur les douze existant, aucun établissement de l'académie ne les proposant tous, car certains sont considérés comme rares. Quant aux lycées du département de l'Oise, ils proposent entre sept et onze enseignements de spécialité : la moyenne se situe à 8,87 EDS par établissement et apparaît donc supérieure à celle de l'académie.
Par ailleurs, une attention particulière a été portée aux établissements ruraux de l'Oise, qui offrent tous au moins huit enseignements de spécialité, à l'instar du lycée Condorcet de Méru, qui en propose dix, ou encore des lycées Jean-Calvin de Noyon et Jean-Monnet de Crépy-en-Valois, qui en proposent neuf.
Je crois donc avoir démontré que vos craintes, légitimes, ne se vérifient pas sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill. Je vous remercie pour ces quelques éléments. Cependant, et sans contester le bien-fondé de la réforme, il apparaît nécessaire d'améliorer l'accès aux spécialités du secondaire pour l'ensemble des étudiants, en faisant connaître, comme le recommande le rapport de la mission flash, la carte académique de leur répartition et sachant que pour qu'il y ait une carte académique en adéquation avec les besoins des territoires, il faut d'abord qu'il y ait des lycées.
M. le président. Merci de conclure, madame Thill.
Mme Agnès Thill. Par exemple, dans le Vexin, où vivent 20 000 personnes, il n'y a aucun lycée. Ils sont tous à Beauvais, qui en compte cinq pour 60 000 habitants.
Auteur : Mme Agnès Thill
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement secondaire
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021