Difficultés du système de prise de rendez-vous aux services aux étrangers
Question de :
Mme Albane Gaillot
Val-de-Marne (11e circonscription) - Non inscrit
Mme Albane Gaillot attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés du système de prise de rendez-vous aux services aux étrangers de la préfecture du Val-de-Marne. Depuis quelques années, les interminables files d'attentes d'étrangers prenant leur mal en patience devant la préfecture de Créteil ont heureusement disparu grâce à la mise en place d'un système de prise de rendez-vous préalable sur le site internet de la préfecture. Mais la technologie ne résout pas tout et le nombre de créneaux proposés à la prise de rendez-vous n'étant pas suffisant pour répondre à la demande des usagers, la situation s'est progressivement engorgée. Plutôt que d'enregistrer chaque demande pour donner une date, même lointaine, comme sur les plateformes de rendez-vous médical, l'usager se doit de se reconnecter pour tenter sa « chance » plus tard. Des témoignages que Mme la députée reçoit depuis le début de son mandat décrivent des situations ubuesques de citoyens se réveillant en pleine nuit pour tenter de trouver un rendez-vous disponible et ce à maintes reprises, en vain. Ces dysfonctionnements ont attisé les velléités d'esprits malveillants et les associations spécialisées notent qu'un marché illégal de vente de créneaux de rendez-vous en préfectures se développe. Ces dérives graves sont provoquées par l'inadéquation profonde entre le besoin de rendez-vous et la solution proposée des rendez-vous en ligne, en nombre largement insuffisants. Concernant la situation des femmes, les délais très longs, de l'ordre de plusieurs mois, pour obtenir un rendez-vous en préfecture placent les femmes étrangères, victimes de violences conjugales, dans des situations extrêmement difficiles. Une femme étrangère victimes de violences qui bénéficie d'une ordonnance de protection a droit à un titre de séjour. Or le Haut Conseil à l'égalité alerte sur le fait qu'il n'est pas rare que lorsque la date du rendez-vous arrive, l'ordonnance de protection ne soit plus valide et la victime ne puisse plus bénéficier d'un titre de séjour. De plus, selon la décision du Conseil d'État du 27 novembre 2019, la dématérialisation ne peut pas être imposée aux usagers du service public au nom des « principes constitutionnels d'égalité d'accès au service public, de continuité du service public et d'égalité devant la loi ». Elle lui demande quelles dispositions il compte prendre et à quelle échéance pour adapter le système à la forte demande et ne plus laisser de très nombreuses personnes dans le désarroi ; c'est une problématique importante dans son département.
Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021
PRISES DE RENDEZ-VOUS AUPRÈS DU SERVICE DES ÉTRANGERS DES PRÉFECTURES
M. le président. La parole est à Mme Albane Gaillot, pour exposer sa question, n° 1560, relative aux prises de rendez-vous auprès du service des étrangers des préfectures.
Mme Albane Gaillot. Madame la ministre déléguée, j'appelle votre attention sur les problèmes rencontrés par les usagers du système de prise de rendez-vous au service des étrangers de la préfecture du Val-de-Marne, qui reflète des difficultés rencontrées dans l'ensemble des préfectures, en particulier dans celles de la banlieue parisienne.
Depuis quelques années, les interminables files d’attente d’étrangers prenant leur mal en patience devant la préfecture de Créteil ont heureusement disparu grâce à la mise en place d’un système de prise de rendez-vous préalable sur le site internet de la préfecture. Mais la technologie ne résout pas tout et le nombre de créneaux proposés à la prise de rendez-vous n’étant pas suffisant pour répondre à la demande des usagers, le dispositif s'est progressivement engorgé.
Au lieu d'enregistrer chaque demande pour donner une date, même lointaine, comme sur les plateformes de prise de rendez-vous médical, le dispositif informe l'usager qu'il doit de se reconnecter pour tenter sa chance plus tard. Depuis le début de mon mandat, j'entends des témoignages qui décrivent des situations ubuesques de citoyens se réveillant en pleine nuit pour tenter de trouver un créneau disponible, à maintes reprises, mais en vain.
Des esprits malveillants ont profité de ces dysfonctionnements : des associations spécialisées notent qu’un marché illégal de vente de créneaux de rendez-vous en préfecture se développe. Cette pratique consiste, pour des intermédiaires, à réserver tous les créneaux disponibles pour un rendez-vous à la préfecture puis à les revendre. Ces dérives graves sont provoquées par l’inadéquation profonde entre le besoin de rendez-vous et la solution proposée des rendez-vous en ligne, en nombre largement insuffisant.
En ce qui concerne, spécifiquement, la situation des femmes, les délais très longs, de l’ordre de plusieurs mois, pour obtenir un rendez-vous en préfecture, placent les femmes étrangères victimes de violences conjugales dans des situations très difficiles. Celles qui bénéficient d’une ordonnance de protection ont droit automatiquement à un titre de séjour. Or le Haut Conseil à l’égalité signale qu’il n'est pas rare, lorsque la date du rendez-vous arrive, que l'ordonnance de protection ne soit plus valide et que la victime ne puisse plus bénéficier d’un titre de séjour.
Selon la décision du Conseil d'État du 27 novembre 2019, la dématérialisation ne peut pas être imposée aux usagers du service public au nom des principes constitutionnels d'égalité d'accès au service public, de continuité du service public et d'égalité devant la loi.
Madame la ministre déléguée, quand ce problème sera-t-il pris en compte ? Quelles dispositions précises comptez-vous prendre pour adapter le système à la forte demande et ne plus laisser de très nombreuses personnes dans le désarroi ? C'est un problème important dans mon département, le Val-de-Marne, mais je sais que cette situation, je le répète, touche l’ensemble du territoire national.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté. Comme vous le savez, le ministère de l'intérieur a renforcé les services des étrangers en emplois pérennes : ces dix dernières années, leurs effectifs ont augmenté de 1 422 équivalents temps plein (ETP), soit une augmentation de 56 %. Nous avons également fait appel à des contractuels qui sont venus en renfort lors les pics saisonniers à hauteur de 610 postes en 2020 et d'une centaine pour 2021. Par ailleurs, le ministre de l'intérieur et moi-même avons décidé d'un plan de renfort de 570 équivalents temps plein sur trois ans, pour mieux accompagner les usagers étrangers dans les procédures dématérialisées, réduire les délais d'instruction des demandes de titres de séjour, et répondre aux situations difficiles que vous avez évoquées.
Certaines préfectures ont également mis en place un service de rendez-vous en ligne pour simplifier et fluidifier ces démarches mais il est vrai que des personnes malveillantes ont organisé un marché illégal de vente de prise de rendez-vous. Ce marché qui exploite la misère et la détresse est inadmissible.
Afin de combattre ce phénomène, des dispositifs ont été instaurés : supervision et filtrages, renforcement des pare-feux, système de surveillance et de lutte contre les dénis de service distribué, fourniture de preuves aux officiers de police judiciaire. Ces dispositifs ont montré leur efficacité : près de 170 millions de connexions illicites ou malveillantes ont ainsi pu être identifiées et déjouées depuis juin 2020. Les préfets déposent systématiquement plainte auprès de l'autorité judiciaire lorsque ces actions intrusives sont constatées et nous les soutenons dans cette démarche.
En ce qui concerne plus spécifiquement les demandes de titres de séjour, dont la délivrance est de droit, la modernisation des procédures est engagée depuis 2019 à travers le déploiement du projet administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). Fin 2022, toutes les démarches du séjour des étrangers en France pourront ainsi bénéficier d'une procédure en ligne.
Le ministère de l'intérieur a prévu un dispositif pour les personnes qui ne sont pas en mesure d'effectuer elles-mêmes le dépôt en ligne de leur demande : elles bénéficient d'un accueil et d'un accompagnement leur permettant d'accomplir cette formalité grâce à la mission d'écoute, de renseignement et d'appui aux démarches des étrangers. Vous voyez, madame Gaillot, que nous sommes mobilisés pour lutter contre le trafic illégal et surtout pour mieux accompagner ces personnes vers l'exercice de leurs droits.
M. le président. La parole est à Mme Albane Gaillot.
Mme Albane Gaillot. Merci, madame la ministre déléguée, de ces éclairages. Je constate que le Gouvernement a la volonté d'améliorer la situation. Le fait que vous mobilisiez des ETP supplémentaires, que ce soient des contractuels ou des intérimaires, est un progrès notable. Effectivement, il faut accompagner mieux, et dans tous les territoires, ceux qui n'ont pas accès aux outils numériques. Au-delà de la difficulté administrative, certains le vivent comme une forme de maltraitance, car ils se sentent oubliés. Ils ont souvent un parcours très difficile et vivent parfois dans une grande précarité, accrue par les difficultés qu'ils rencontrent. Je crois qu'il faut poursuivre les efforts afin de progresser dans l'accès au droit.
Auteur : Mme Albane Gaillot
Type de question : Question orale
Rubrique : Administration
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021