L'aide au retour volontaire dans le cadre de la politique migratoire
Question de :
M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Agir ensemble
M. Vincent Ledoux interroge M. le ministre de l'intérieur sur le dispositif d'aide au retour volontaire. La France est un acteur souverain dans le processus des migrations, en se dotant d'outils pour ne jamais perdre la capacité de contrôle, qui est fondement de la légitimité de tout État-nation et pour orienter les migrations dans un sens favorable à la France et aux pays d'origine des migrants. Il faut donc tracer une approche volontariste, cohérente et positive de la politique migratoire, afin qu'elle soit le levier d'une meilleure insertion du pays dans la mondialisation, ce croisement des intelligences, savoirs, expertises, talents et expériences. Ce doit être une politique véritablement ambitieuse, avec des bénéfices et des résultats concrets tant pour les migrants que pour les Français. Le grand défi est de rendre solubles les mobilités internationales dans une stratégie migratoire qui allie protection des droits et insertion dans une société française en pleines mutations. Il est donc impératif de « faire retrouver du sens et de l'ambition à la stratégie migratoire » ! Pour ce faire il faut activer les vrais leviers d'échanges gagnants-gagnants dans les migrations. L'enjeu est de valoriser et d'activer tous les leviers de migrations aux effets visiblement bénéfiques tant pour la France que pour les pays d'origine des migrants. Depuis sa mission pour le Premier ministre sur l'ouverture des territoires à la priorité africaine de la France, M. le député a inlassablement plaidé pour une politique d'attractivité favorisant les migrations circulaires. Il faut ainsi sortir d'une logique qui relève pratiquement de l'assistanat, pour basculer vers une montée en compétence et une approche gagnant-gagnant. M. le député demande à M. le ministre s'il pense pertinent de rendre plus efficaces les dispositifs d'aide au retour pour en faire un véritable accompagnement à la réinstallation et à la réinsertion. Salué par la Cour des comptes pour son efficacité et sa soutenabilité pour les finances publiques (une aide au retour coûte trois à quatre fois moins cher qu'une procédure de reconduite aux frontières), l'aide au retour est accordée aux étrangers en situation irrégulière qui souhaitent quitter la France pour regagner leur pays. Elle comprend une assistance pour préparer le voyage, la prise en charge de frais de transport ainsi qu'une aide financière dédiée à la réinsertion (micro-entreprise, formation, assistance médicale, logement). Malgré le taux de succès de près de 80 % en cas de retour, le dispositif est peu connu des bénéficiaires potentiels et parfois perçu comme une simple modalité de mise en œuvre des mesures d'éloignement du territoire, sans que le volet d'aide à l'insertion sur place ne soit pleinement compris. M. le député propose donc de réformer en profondeur le dispositif en transformant l'aide au retour en un accompagnement à la réinstallation et à la réinsertion, de l'étendre aux personnes étrangères en situation régulière et de mieux intégrer cette compétence dans le champ d'action des préfets. Il convient aussi d'accompagner les projets business des « repatriés » dans leurs pays d'origine familiale qui pourraient être ceux inscrits à l'aide publique au développement ! Pour de nombreux travailleurs précaires que M. le député a pu rencontrer dans les foyers maliens ou sénégalais, un tel dispositif serait une chance et l'opportunité d'un nouveau projet professionnel, créateur de valeur et d'emplois dans les pays d'origine. Cela nécessite d'associer les entreprises françaises actives en Afrique, par exemple en définissant des quotas de recrutement de réinstallés. Sur ce point, un dialogue plus fluide est nécessaire entre les services de l'État en charge du commerce extérieur, Business France et l'Agence française de développement. Il faut également investir massivement dans la promotion et la communication du dispositif, notamment en mettant en valeur les réinstallations réussies : en 2020, parmi les bénéficiaires de l'aide au retour, l'OFII dénombre deux entrepreneurs ayant créé des unités industrielles dans leurs pays d'origine. Enfin, que pense M. le ministre d'expérimenter dans différents territoires de projet une « Maison de l'étranger » ? Y seraient accessibles les informations sur les dispositifs d'insertion dans la société française, par la langue et par le travail, ainsi que sur les aides au retour au pays, en mettant en avant des parcours atypiques et des réussites. De quelque catégorie qu'ils relèvent, les étrangers pourraient ainsi être plus facilement mis en relation avec les entreprises des secteurs sous tension. Ce meilleur pilotage territorial pourrait aussi mettre un peu plus en cohérence les interventions des nombreuses associations qui œuvrent inlassablement à l'appui des migrants et des étrangers, dans les domaines de l'aide sociale, de l'écoute et du soin, afin d'éviter l'éparpillement des dispositifs, mais également pour mieux évaluer les résultats et l'adéquation des financements publics. Il lui demande son avis sur le sujet.
Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2021
AIDE AU RETOUR VOLONTAIRE
M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, n° 1561, relative à l'aide au retour volontaire.
M. Vincent Ledoux. Le grand défi des temps que nous vivons est de mieux insérer la France dans la mondialisation pour en tirer le meilleur parti. Ainsi, nous devons orienter les migrations dans un sens favorable à notre pays et aux pays d'origine des migrants. Dans ce cadre, les dispositifs d’aide au retour, efficaces au plan financier – comme la Cour des comptes l'a démontré à de nombreuses reprises – et affichant un taux de succès de 80 %, restent toutefois mal connus et mal perçus. Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, jugez-vous pertinent de les valoriser pour en faire un véritable accompagnement à la réinstallation et à la réinsertion ?
Je propose aussi de les étendre aux personnes étrangères en situation régulière, et de mieux intégrer cette compétence dans le champ d'action des préfets, mais aussi d'accompagner les projets business des « repatriés » dans leurs pays d'origine familiale, qui pourraient être ceux inscrits à la liste de l'aide publique au développement. Il s'agit d'une mesure attendue par les diasporas africaines devant lesquelles je me trouvais encore ce week-end à l'université de Lille.
Pour de nombreux travailleurs précaires que j'ai pu rencontrer dans les foyers maliens ou sénégalais, un tel dispositif serait une chance et l'opportunité d'un nouveau projet professionnel, créateur de valeur et d'emplois dans les pays d'origine. Cela nécessite d'associer les entreprises françaises actives en Afrique, par exemple en définissant des quotas de recrutement de réinstallés.
Sur ce point, un dialogue plus fluide est nécessaire entre les services de l'État chargés du commerce extérieur, Business France et l'Agence française de développement. Il faut également investir massivement dans la promotion et la communication du dispositif, notamment en mettant en valeur les réinstallations réussies.
Enfin que pensez-vous de l'idée d'expérimenter, dans des territoires de projet, des maisons de l'étranger ? Y seraient accessibles les informations sur les dispositifs d'insertion dans la société française, par la langue et par le travail, ainsi que sur les aides au retour au pays, mettant en avant des parcours atypiques et des réussites. De quelque catégorie qu'ils relèvent, les étrangers pourraient ainsi être plus facilement mis en relation avec les entreprises des secteurs sous tension ?
Ce meilleur pilotage territorial pourrait aussi donner un peu plus de cohérence aux interventions des nombreuses associations qui œuvrent inlassablement à l'appui des migrants et des étrangers, dans les domaines de l'aide sociale, de l'écoute et du soin, afin d'éviter l'éparpillement des dispositifs, mais également pour mieux évaluer les résultats et l'adéquation des financements publics.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté. Monsieur le député, je partage votre constat : de nombreux dispositifs existent pour accompagner les personnes migrantes et aider à l'insertion, mais ils sont parfois méconnus, nécessitent beaucoup de démarches administratives et sont si divers qu'il est parfois difficile pour ceux qui sont concernés de s'en saisir.
Je suis également d'accord sur la question de la langue. Comme le travail, il s'agit d'un élément fondamental pour s'insérer. Je rappelle que nous avons augmenté le nombre d'heures de cours de français, mais cette question appelle une analyse plus poussée. Nous réfléchissons pour savoir si un volume de six cents heures est suffisant. Les élus locaux et les associations qui travaillent sur le sujet nous disent qu'au-delà des cours théoriques, le plus utile reste l'insertion et la participation à des activités, ce que j'ai constaté lors d'un récent déplacement avec le DIAIR – délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés – auprès de personnes venant en particulier d'Afghanistan.
La France a instauré en 2015 un nouveau dispositif globalisé d'aide au retour et à la réinsertion, pouvant inclure à la fois des aides au retour, afin d'améliorer l'efficacité de la politique de retour, mais aussi des aides à la réinsertion diversifiées contribuant à une réinstallation durable et digne des personnes concernées dans leur pays de retour.
Comme vous le relevez, l'aide au retour représente un coût modique pour les finances publiques, tout en assurant des garanties de durabilité, et de dignité pour ces personnes, bien supérieures au retour forcé.
L'aide à la réinsertion constitue toutefois un dispositif distinct de l'aide au retour, avec un pilotage élaboré, y compris dans le pays d'origine. Cela présente parfois une difficulté, mais cette aide contribue incontestablement au développement des zones d'origine grâce à la création d'emplois, au renforcement du tissu économique, au développement de l'esprit d'entreprise et à l'implication de la société civile qui les accompagne. C'est en tout cas ce que nous disent les experts de ce sujet.
À compter du second semestre 2022, elle doit connaître une montée en puissance et une harmonisation avec les autres États membres de l'Union européenne, avec l'implication accrue de l'agence FRONTEX – agence européenne de garde-frontières et de gardes-côtes. Ce sujet sera évoqué lors d'une conférence européenne qui se tiendra au mois de juin prochain à Paris.
En ce qui concerne l'élargissement du dispositif aux personnes étrangères en situation régulière, je rappelle que l'aide au retour et à la réinsertion constitue un outil complémentaire à la politique dite de l'éloignement. Si son extension à d'autres publics n'est pas exclue, elle doit faire l'objet d'une réflexion. Une pleine attention doit être portée au fait qu'elle respecte les droits de chacun.
M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux.
M. Vincent Ledoux. Je vous remercie pour votre réponse. Si ces dispositifs sont bons, il faut communiquer encore mieux et davantage, peut-être en expliquant qu'ils ont la vertu de permettre un rebond, une réinstallation.
Le terme d'éloignement ne me semble pas approprié car il laisse supposer une contrainte. Or ce dispositif donne la possibilité de rebondir, de créer de l'emploi pour soi-même et pour sa famille.
Selon le préfet de mon département, le plan de relance a fonctionné parce qu'il avait été territorialisé. Les politiques migratoires de notre pays réussiront si on les territorialise encore davantage.
Auteur : M. Vincent Ledoux
Type de question : Question orale
Rubrique : Immigration
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2021