Question orale n° 1565 :
Accompagnement des élèves en situation de handicap

15e Législature

Question de : M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise

M. Loïc Prud'homme interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés dans le pays qui ne sont plus accompagnés par l'État à la hauteur de leur besoin. M. le député demande simplement un chiffre car, derrière ce chiffre, il y a des réalités. Des réalités d'enfants livrés à eux-mêmes dans le milieu scolaire, des enseignants débordés et des familles qui se sentent abandonnées par L'État. La question est simple, alors pourquoi personne ne lui a encore répondu ? Pourquoi, quand M. le député interpelle le directeur académique de la Gironde, celui-ci lui répond-il cyniquement que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, sont des « machines à notifier » ? L'administration de M. le ministre nie ainsi le travail de ses propres équipes éducatives qui, à la suite des demandes argumentées des parents, remplissent des dossiers Gevasco précis permettant de qualifier les besoins de suivi en heures AESH ou de passage dans des dispositifs spécialisés. Pourquoi ce projet personnalisé de scolarisation ainsi déterminé par les professionnels de la MDPH n'est-il pas appliqué par l'éducation nationale qui, refusant de se doter des moyens humains nécessaires, pratique du saupoudrage en mutualisant ici ou là 8 h d'accompagnement quand il en faudrait 24 h, provoquant de fait des situations de souffrance ? « Cachez ce problème que je ne saurais voir », voilà en résumé la réponse de l'éducation nationale aux parents, enfants et enseignants qui demandent simplement que la loi de 2005 sur l'école inclusive soit respectée. Heureusement, il reste des témoignages, d'enseignants, de parents qui attendent, encore aujourd'hui, des mois pour que leurs enfants soient pris en charge ; le témoignage d'AESH, qui suivent plusieurs enfants dans des écoles différentes, sans véritable formation et pour un salaire bien en deçà du seuil de pauvreté. La vérité, c'est que l'éducation nationale n'a aucun projet pour ces élèves sinon qu'ils coûtent le moins cher possible, dans un silence assourdissant. La vérité, c'est que cette situation est le résultat du brutal démantèlement du service public de l'éducation, démantèlement que M. le ministre organise : fin du dispositif + de maîtres que de classes, disparition programmée des RASED, enseignants qui courent après les moyens pour sauver ce qu'il reste de l'école publique. Puisqu'a priori il faut s'adresser directement à M. le ministre pour obtenir des réponses, M. le député réitère sa question : combien d'enfants en situation de handicap, reconnus par la MDPH et bénéficiant ainsi d'un projet personnalisé de scolarisation (PPS), ne bénéficient d'aucun accompagnement, AESH, ULIS, ITEP, parmi les principaux, aucun accompagnement par l'éducation nationale, bafouant ainsi leur droit ? Il souhaite avoir une réponse à cette question.

Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2021

ACCOMPAGNEMENT DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
M. le président. La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour exposer sa question, n°  1565, relative à l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

M. Loïc Prud'homme. Ma question est simple : combien d'enfants en situation de handicap scolarisés dans notre pays ne sont-ils plus accompagnés par l'État à hauteur de leurs besoins ? Derrière ce chiffre, il y a la réalité : des enfants livrés à eux-mêmes dans le milieu scolaire, des enseignants débordés et des familles qui se sentent abandonnées.

Quand j'ai interpellé le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde à ce sujet, il m'a répondu cyniquement que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont des « machines à notifier ». Votre administration nie ainsi le travail de ses propres équipes éducatives, qui, à la suite des demandes argumentées des parents, remplissent des guides d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (dossiers GEVA-sco) précis afin de déterminer le nombre d'heures d'accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) nécessaires ou de prévoir l'accueil dans un dispositif spécialisé.

Pourquoi le projet personnalisé de scolarisation ainsi déterminé par les professionnels de la MDPH n'est-il pas appliqué par l'éducation nationale, qui refuse de se doter de moyens humains suffisants et pratique le saupoudrage en mutualisant ici ou là huit heures d'accompagnement quand il en faudrait vingt, provoquant ainsi des situations de souffrance ?

Cachez ce problème que je ne saurais voir : voilà la réponse qui est faite aux parents, aux enfants et aux enseignants qui demandent simplement que la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées soit respectée.

La vérité, c'est que l’éducation nationale n'a aucun projet pour ces élèves, sinon qu'ils coûtent le moins cher possible, dans un silence assourdissant. Aucun projet non plus pour les AESH qui suivent plusieurs enfants dans des écoles différentes, sans véritable formation et pour un revenu inférieur au seuil de pauvreté.

La vérité, c'est que cette situation est le résultat du brutal démantèlement du service public de l’éducation, démantèlement que vous organisez : fin du dispositif « plus de maîtres que de classes », disparition programmée des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), devenus des « pôles ressources », et enseignants qui courent après les moyens…

Monsieur le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, puisqu'il faut s'adresser directement à vous pour obtenir des réponses, je réitère ma question : combien d'enfants en situation de handicap reconnus par la MDPH et bénéficiant d'un projet personnalisé de scolarisation (PPS) sont-ils privés de tout accompagnement de l'éducation nationale – qu'il s'agisse de la présence d'un AESH ou d'une scolarisation en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) ou en institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITAP) –, en violation du droit qui leur est conféré par la loi ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Tout ce qui est excessif est vain, monsieur Prud'homme. S'il est bien un domaine dans lequel la vie quotidienne des enfants a changé, c'est celui de l'accompagnement des élèves handicapés. J'ai souvenir d'un colloque organisé il y a quatorze ans à l'Assemblée nationale. À l'époque, Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, était présidente d'une association et nous débattions du statut des auxiliaires de vie scolaire (AVS), qui accompagnaient alors les enfants handicapés. Regardez tout ce qui a été fait depuis et même seulement depuis 2017 !

Vous voulez des chiffres, monsieur le député, en voilà : 400 000 élèves en situation de handicap sont aujourd'hui accueillis à l’école, soit une augmentation de 19 % en cinq ans – oui, l'école française est désormais plus inclusive ! Les AESH sont désormais 120 000 et bénéficient d'un statut plus protecteur. Nous allons recruter 4 000 AESH supplémentaires en 2022. Depuis 2017, 27 000 équivalents temps plein (ETP) ont rejoint les établissements scolaires, soit une hausse de plus de 50 %.

Les chiffres sont clairs ! Il est naturel de vouloir faire de la politique, mais la situation a notablement progressé et je tiens à rétablir les faits. En Gironde, l’école inclusive est également une réalité puisque 7 300 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire et 1 415 postes ont été créés depuis 2017.

Tout n'est sans doute pas parfait, mais reconnaissez les progrès accomplis ! Je pense tout particulièrement aux AESH, dont les parcours ont été sécurisés. Grâce à la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, le Gouvernement a transformé les contrats aidés en CDD, puis en CDI au bout de six années. Enfin, depuis septembre 2021, ces personnels bénéficient d’une grille indiciaire revalorisée, avec une progression automatique tous les trois ans et une augmentation de 9 points d’indice en début de carrière.

Au total, les moyens dédiés à l’école inclusive représentent plus de 3,5 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 66 % depuis 2017. Je veille d'ailleurs, au sein du périmètre du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, à ce que cette politique ambitieuse s'applique également à l'enseignement français à l'étranger. Au sein du projet de loi de finances pour 2022, une dotation permettra, l'année prochaine, de financer l’accompagnement d'un plus grand nombre d'élèves boursiers en situation de handicap de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE).

Franchement, monsieur le député, les faits et les chiffres sont clairs ! Au-delà des chiffres, des vies humaines ont changé. Il est toujours possible de faire mieux, mais notre détermination est entière et vous ne pouvez pas le nier.

M. le président. La parole est à M. Loïc Prud'homme.

M. Loïc Prud'homme. À vous entendre, tout va bien, monsieur le secrétaire d'État ! Pourtant, les faits sont là.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Je les ai rappelés !

M. Loïc Prud'homme. Recours massifs devant le tribunal administratif ; procédures de référé contre l'éducation nationale portant sur la non-affectation d'AESH et systématiquement gagnées au motif d'une carence dans la mise en place des moyens : vous niez la réalité et vous refusez de consacrer les moyens nécessaires à l'accompagnement des élèves handicapés ! La nouvelle directrice académique de la Gironde m'a affirmé qu'il était très difficile de recruter de nouveaux AESH. Ce n'est pas étonnant quand on connaît le salaire proposé pour occuper ce poste ! Soit on nie la réalité des faits et on ne règle pas les problèmes ; soit on les regarde en face et on débloque des moyens budgétaires suffisants !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. C'est ce que nous avons fait !

M. Loïc Prud'homme. Les moyens ne sont pas suffisants, monsieur le secrétaire d'État !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Une hausse de plus de 50 % !

M. Loïc Prud'homme. Ils ne sont pas…

M. le président. Je vous remercie, cher collègue.

M. Loïc Prud'homme. …à la hauteur des besoins des parents et des élèves !

Données clés

Auteur : M. Loïc Prud'homme

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports

Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2021

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