Question orale n° 1576 :
Situation des travailleurs frontaliers de l'usine Ford

15e Législature

Question de : Mme Hélène Zannier
Moselle (7e circonscription) - La République en Marche

Mme Hélène Zannier alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur la situation des salariés frontaliers de l'usine Ford située à Sarrelouis en Allemagne. Confrontée à la mutation du secteur automobile, la société a décidé de réduire fortement sa production en Sarre et donc de procéder à une forte réduction de son personnel. L'usine de Sarrelouis emploie près d'un millier de travailleurs frontaliers français, sur près de 7 000 emplois actuels. Pour le bassin houiller, territoire déjà durement touché par la fin de l'exploitation du charbon en 2004, cette éventuelle fermeture serait une catastrophe économique et sociale. Depuis trois ans, les suppressions d'emplois et des fermetures de sites industriels se succèdent, participant à un fort sentiment d'abandon du territoire par les pouvoirs publics et de la vie économique. Dans cette conjoncture pour le moins compliquée, voire conflictuelle, la nouvelle de la fermeture prévue de l'usine Ford, moteur de tout le territoire, est très mal vécue par la population tout entière. Les syndicats français de Ford ont conscience que le secteur automobile est en pleine mutation, que la production tend à devenir supérieure à la moyenne et que l'entreprise doit s'adapter pour survivre. Le groupe Ford a commencé à procéder à une « restructuration » du site de Sarrelouis et près de 2 500 emplois ont été supprimés au cours des dernières années, des deux côtés de la frontière. Jusqu'à présent, les départs ont surtout été volontaires ou liés à des départs à la retraite non remplacés. Néanmoins, il semblerait qu'il y ait encore de l'espoir pour sauvegarder une partie du personnel. En effet, le groupe Ford envisagerait de garder en Europe le futur modèle 100 % électrique. Le choix se ferait entre Sarrelouis et Valence et l'un des critères principaux de ce choix, qui pourrait intervenir très prochainement (début 2022), serait le nombre de personnel encore employé sur le site. Aussi, il paraît vital que les candidats au départ volontaire puissent le faire dans les meilleures conditions. Si Ford a effectivement proposé des indemnités intéressantes, les salariés craignent de voir ces dernières bien moins avantageuses du fait d'une incertitude due à la règlementation française. En effet, pour que ces indemnités de départs restent avantageuses, il faut que cette prime de départ reste exonérée d'impôt, comme c'est le cas dans un plan de sauvegarde de l'entreprise ou comme en cas de rupture conventionnelle. Si les premiers départs ont bien été exonérés, la réponse pour les suivants se laissent attendre, du fait de quelques changements dans les modalités. Le dossier est désormais complet, avec avis local qui semble favorable, a donc été remis aux services centraux. Les salariés attendent désormais une réponse de la DGFIP. Les discussions sont toujours en cours. La décision devrait être prise au plus tard à la fin du second trimestre 2022. Les employés n'attendent plus que cette décision pour prendre la leur et, par ricochet, Ford pour prendre la sienne. Au regard de la situation de l'emploi dans la région, l'usine Ford de Sarrelouis est un acteur majeur du développement économique et social local. On doit tout faire pour pérenniser le site et assurer un avenir à des milliers de travailleurs et leurs familles. Elle souhaiterait donc savoir si le Gouvernement entend intervenir auprès des services adéquats, afin que cette confirmation de non-exonération puisse être prise dans les plus brefs délais.

Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2021

TRAVAILLEURS FRONTALIERS DE L'USINE FORD
M. le président. La parole est à Mme Hélène Zannier, pour exposer sa question, n°  1576, relative aux travailleurs frontaliers de l'usine Ford.

Mme Hélène Zannier. Confrontée à la mutation du secteur automobile, la société Ford a décidé de réduire fortement sa production en Sarre et donc de procéder à une forte réduction de son personnel.

L’usine de Sarrelouis emploie près d'un millier de travailleurs frontaliers français sur près de 7 000 emplois au total. Elle envisagerait la fermeture de tout le site. Pour le bassin houiller, territoire déjà durement touché par la fin de l’exploitation du charbon en 2004, cette éventuelle fermeture serait une catastrophe économique et sociale.

Le groupe Ford a commencé à procéder à une restructuration du site et près de 2 500 emplois ont été supprimés au cours des dernières années, des deux côtés de la frontière.

Jusqu’à présent, les départs ont surtout été volontaires ou liés à des départs à la retraite non remplacés. Néanmoins, il nous reste un peu d'espoir : le groupe Ford envisagerait de garder en Europe le futur modèle 100 % électrique. Le choix se ferait entre Sarrelouis et Valence. L’un des critères principaux de ce choix, qui pourrait intervenir dès début 2022, serait le nombre de personnels encore employés sur le site.

La société propose des indemnités de départ très incitatives, surtout pour les salariés les plus anciens. Cependant, pour que ces indemnités restent avantageuses, il faut que la prime de départ soit exonérée d’impôt. Elle l'a été dans le cas des premiers départs, mais la réponse a été très tardive pour les suivants, ce qui a créé beaucoup d'incertitude.

Une confirmation d'exonération de la part de la direction générale des finances publiques (DGFIP) nous est parvenue récemment, ce dont je me réjouis pour les salariés. Pourriez-vous, madame la ministre déléguée, confirmer que l'exonération d’impôt concernant les primes de départ est bien actée ?

De manière générale, comment le Gouvernement entend-il agir pour simplifier les démarches, clarifier ou faire respecter les accords fiscaux entre les pays européens ?

À l'instar de ma collègue Nicole Trisse, je souhaite vraiment vous alerter sur les difficultés rencontrées par ces travailleurs. Je souhaiterais que l'on puisse réfléchir à l'élaboration d'un vrai statut pour les quelque 170 000 travailleurs frontaliers.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie. Vous appelez avec raison l’attention du Gouvernement sur la restructuration du site de Ford à Sarrelouis en Allemagne, qui fait l'objet d’un suivi particulièrement étroit de la part des services de l'État et des ministres, compte tenu du nombre de travailleurs frontaliers français concernés.

Il y a quelques mois, la DGFIP a effectivement été saisie d’une demande visant à définir le régime fiscal des indemnités de départ versées au titre de l’année 2021 aux salariés frontaliers travaillant à Sarrelouis.

Comme vous le soulignez à très juste titre, il était légitime que l’administration fiscale sécurise ce plan de restructuration en confirmant aux contribuables concernés le traitement fiscal afférent aux différentes indemnités prévues.

J’en profite d’ailleurs pour rappeler la transformation engagée à la DGFIP dans le cadre de la relation de confiance, qui se traduit par une mobilisation accrue de l’outil du rescrit fiscal.

En 2020, malgré la crise sanitaire, plus de 20 000 demandes de rescrits fiscaux ont été traitées par la DGFIP dans un délai moyen de quatre-vingt-sept jours. On peut toujours faire mieux, mais il est important de partager ces statistiques. Nous devons approfondir ce mouvement et généraliser encore davantage cet instrument de sécurisation juridique pour les entreprises et les particuliers.

Dans le cas des indemnités de départ de l’usine Ford, les dernières pièces nécessaires à l’instruction du dossier ont été obtenues début octobre. C'est aussi pour cela que le délai de traitement a été long. Après réception de ces pièces, une réponse a été apportée par le service local de la DGFIP le 29 octobre 2021.

Pour l'essentiel, cette réponse est favorable aux salariés. Le sujet est donc clos, à moins que l’interprétation de l'administration soit contestée devant le juge.

L'administration a ainsi confirmé que les indemnités versées dans le cadre de trois des quatre programmes de départ, coordonnés avec le comité d’entreprise sur la base d’un strict volontariat, constituaient bien des ruptures de contrat de travail de type conventionnel et relevaient donc de l'exonération prévue à l’article 80 duodecies du code général des impôts.

En revanche, l’administration a considéré que l’indemnité dite bridging constitue une indemnité assimilable à un dispositif de retraite progressive qui n'entre pas dans les prescriptions de cette exonération et demeure donc imposable.

Je crois, madame la députée, que le contenu de cette réponse vous a été communiqué et j'espère qu’il apaisera pleinement les inquiétudes dont vous faites état. Je la confirme pour qu'il ne reste aucune ambiguïté en la matière.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Zannier.

Mme Hélène Zannier. Merci, madame la ministre déléguée, pour ces réponses. Il vaut toujours mieux, en effet, obtenir une confirmation.

Pour avoir été beaucoup en contact avec les syndicats, je tiens néanmoins à redire que c'est la situation est très compliquée pour les travailleurs. Le retard dans la fourniture des pièces nécessaires à la DGFIP ne s'explique que par les différences de réglementation entre l'Allemagne et la France. Résultat : l'incertitude qui a régné pendant plus d'un an a été une source de grande anxiété pour les salariés.

C'est pourquoi j'y insiste : il faudrait réfléchir de manière collective à l'élaboration un vrai statut des frontaliers de Moselle et d'ailleurs – la France a beaucoup de frontières.

Données clés

Auteur : Mme Hélène Zannier

Type de question : Question orale

Rubrique : Frontaliers

Ministère interrogé : Comptes publics

Ministère répondant : Comptes publics

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2021

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