Question orale n° 1579 :
Pénurie de médecins généralistes

15e Législature

Question de : Mme Josiane Corneloup
Saône-et-Loire (2e circonscription) - Les Républicains

Mme Josiane Corneloup attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les déserts médicaux avec la pénurie de médecins généralistes. Alors qu'il est difficile dans certains territoires de trouver de façon définitive un médecin, certains patients n'ont plus de médecins référents et leurs consultations ne sont plus remboursées qu'à hauteur de 30 % par la sécurité sociale. En quelque sorte, c'est la double peine pour ces patients : ils n'ont pas de médecin référent et ils vont être pénalisés financièrement car l'assurance maladie refuse de les rembourser au-delà de 30 %. Cette situation est alarmante car il risque d'y avoir des ruptures dans la continuité des soins et elle est insupportable car ces patients se sentent délaissés et démunis. Devant le manque de médecins généralistes, il est maintenant urgent d'attirer les étudiants en médecine vers la filière généraliste. En conséquence et devant l'urgence de la situation, elle lui demande s'il est possible de proroger la dérogation accordée aux 22 000 pharmacies qui pouvaient durant la crise du covid-19 procéder au renouvellement des ordonnances une à deux fois. Cette solution permettrait d'éviter les retards dans la prise en charge des patients surtout âgés présentant des maladies chroniques. Elle le prie également de l'informer des mesures pour développer la télémédecine au sein les territoires qui sont frappés par une pénurie de médecins généralistes.

Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2021

PÉNURIE DE MÉDECINS GÉNÉRALISTES
M. le président. La parole est à M. Stéphane Viry, suppléant Mme Josiane Corneloup, pour exposer sa question, n°  1579, relative à la pénurie de médecins généralistes.

M. Stéphane Viry. Dans les territoires où l'offre médicale est faible, des patients privés de médecin généraliste référent sont condamnés à une double peine : non seulement ils rencontrent les pires difficultés pour obtenir une consultation auprès d'un praticien mais, en outre, ils sont punis financièrement puisque la consultation qu'ils ont eu tant de mal à obtenir n'est remboursée qu'à hauteur de 30 % par la sécurité sociale ! Comment remédier à cette situation très injuste pour ces hommes et pour ces femmes désemparés, situation qui peut entraîner une rupture dans la continuité des soins ?

Dans l'immédiat et afin de fluidifier la prise en charge de ces patients tentés, faute d'autres solutions, d'abandonner leur traitement ou de se tourner vers les services d'urgence saturés, il semble opportun de proroger la dérogation qui avait été accordée aux 22 000 pharmacies, au cœur de la crise de la covid 19, et qui leur permettait de faire renouveler une à deux fois des ordonnances dont la date de validité avait expiré. Cette solution permettrait notamment d'éviter le retard dans la prise en charge des patients, surtout âgés et présentant des maladies chroniques.

Une autre piste intéressante consisterait à amplifier le développement de la télémédecine, que ce soit la téléconsultation mais aussi la téléexpertise – pensons à la télédermatologie, au suivi des plaies – dans les zones médicales sous-dotées du fait de leur faible attractivité par manque de services ou des nombreux départs à la retraite de médecins généralistes ou spécialistes. Le retour d'expérimentation de la télémédecine est très favorable.

Enfin, à plus long terme, comment attirer davantage d'étudiants vers l'exercice libéral de la médecine ? Selon les chiffres du Conseil national de l'ordre des médecins, seulement 35 % des internes s'installent dans les cinq ans suivant leur première inscription au tableau de l'ordre. La médecine générale, depuis plusieurs années, est considérée comme une voie de garage bien que, fait exceptionnel cette année, la majore des épreuves classantes nationales ait décidé de choisir la médecine générale ! De nombreux médecins généralistes sont prêts à prendre des étudiants en stage, mais la formation médicale se déroulant essentiellement en hôpital, les futurs médecins sont évidemment plus à l'aise avec un milieu qu'ils connaissent. Il faut donc absolument que les étudiants aient plus de contact avec la médecine libérale partout dans les territoires, notamment dans le cadre des maisons de santé pluridisciplinaires. Il faut aussi accepter de rémunérer correctement l'encadrement du stagiaire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Sur tous ces points, quelles sont les propositions que le ministère des solidarités et de la santé pourrait formuler rapidement afin de répondre aux grandes difficultés que rencontrent les habitants et aux problématiques majeurs de notre système de santé ? Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, de la part de Mme Corneloup.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Il faut des mesures urgentes, vous avez raison, monsieur le député, et aussi des mesures d'ordre plus structurel, car vous savez bien que la situation de démographie médicale à laquelle sont confrontés un certain nombre de nos territoires, non seulement dans la ruralité mais aussi dans des zones urbaines denses, ne date évidemment pas d'aujourd'hui. Les réponses structurelles mettront par définition un certain temps à se concrétiser, mais il est clair que le défi démographique à relever est grand. Le nombre de médecins en accès direct, qu'ils soient généralistes ou spécialistes, connaît une baisse régulière depuis 2010 et l'on estime que celle-ci pourrait se poursuivre jusqu'en 2025.

Cette situation, prégnante dans certains territoires, pénalise de nombreux Français. C'est pourquoi le Gouvernement a fait de cette problématique une priorité dès le début du quinquennat en proposant très rapidement un panel de solutions. Car il n'y a pas de réponse unique et immédiate : il faut à la fois des réponses d'urgence et des réponses structurelles de plus long terme, des réponses qui tiennent compte aussi – vous me rejoindrez sur ce point, j'en suis convaincu – des spécificités locales, dans un lien de confiance avec les acteurs du territoire.

C'est bien la dynamique – vous me voyez venir, je pense – qui sous-tend les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : récemment mises en œuvre, elles illustrent de manière éclairante la capacité d'innovation que nous voulons stimuler. Grâce à ce dispositif, les professionnels d'un même territoire sont incités à s'organiser entre eux pour répondre aux besoins de la population ; en permettant le développement de la maîtrise de stage et en facilitant les relations avec l'hôpital et avec les services sociaux, les CPTS conduisent à améliorer la situation des territoires.

Les efforts collectifs doivent bien entendu être poursuivis pour accélérer le déploiement des CPTS, mais je peux dire que les territoires – je m'y déplace beaucoup – disposent déjà de cet outil. Il constitue un cadre, davantage qu'un outil, qui semble réaliser de plus en plus pleinement son potentiel : les CPTS permettent à l'exercice coordonné de se développer et au lien entre ville et hôpital de se renforcer.

Vous évoquiez aussi la télémédecine. La téléconsultation a d'ores et déjà été intégrée dans les bonnes pratiques de la mission socle 1 dévolue aux CPTS. Du fait de leur caractère structurant, certaines mesures que nous avons prises ne peuvent avoir un effet immédiat ; c'est pourquoi nous avons aussi pris des dispositions dont nous attendons un impact à plus brève échéance. Citons par exemple – je sais que vous suivez attentivement certains de ces sujets et que vous connaissez les autres – la création de 4 000 postes d'assistants médicaux ou encore le déploiement de 400 médecins généralistes.

Enfin, vous évoquiez la dérogation prise pour permettre aux pharmacies de procéder au renouvellement des ordonnances une à deux fois. C'est en effet un dispositif exceptionnel qui avait été lancé dans des circonstances exceptionnelles, celles du confinement lié à la crise du covid-19. Une telle expérimentation doit encore faire l'objet d'une expertise à laquelle doivent participer l'ensemble des parties prenantes, afin de voir dans quelle mesure il serait pertinent de la prolonger.

Données clés

Auteur : Mme Josiane Corneloup

Type de question : Question orale

Rubrique : Médecine

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2021

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