Difficultés rencontrées par le secteur de l'aide à domicile en milieu rural
Question de :
Mme Marie-Noëlle Battistel
Isère (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Marie-Noëlle Battistel attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés que connaissent l'aide à domicile en milieu rural (ADMR) et les services de soins infirmiers à domicile (SIAD). Ces métiers connaissent d'importantes difficultés, en particulier de recrutement, en raison de leur faible attractivité liée notamment à leur fort taux horaire, à la faiblesse des salaires et à un manque global de reconnaissance. Elles sont d'autant plus fortes en milieu rural et en territoires de montagne (distance kilométrique plus élevée, conditions météorologiques parfois très difficiles). À ces difficultés structurelles, s'ajoutent celles liées aux conséquences de la crise de la covid-19 et à l'instauration du passe sanitaire, qui complique la situation en entraînant des réductions de personnel au sein d'effectifs déjà restreints. Aussi, elle lui demande de bien vouloir indiquer ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour reconnaître financièrement et statutairement les métiers de l'aide à domicile, en particulier des ADMR et des SIAD, pour résorber les difficultés que connaissent ces derniers et ainsi assurer le maintien à domicile des Français qui le nécessitent et le souhaitent ; c'est une demande forte des familles et des professionnels du secteur.
Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2021
AIDE À DOMICILE EN MILIEU RURAL
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n° 1590, relative à l'aide à domicile en milieu rural.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Selon l'INSEE, notre pays pourrait compter 4 millions de personnes de plus de 60 ans en perte d'autonomie en 2050. Les demandes d'accompagnement à domicile ne cessent d'augmenter et le secteur connaît de graves difficultés, vous le savez. Les aides à domicile font partie de cette première ligne qui s'est trouvée au front tout au long de la crise sanitaire, y compris lors des différents confinements. Ils n'ont pas ménagé leurs efforts et cela a rappelé avec force l'importance de la prise en charge à domicile des personnes en perte d'autonomie ou atteintes de maladies chroniques.
Si la crise a aggravé les conditions de travail des professionnels de l'aide à domicile en milieu rural (ADMR), les difficultés qu'ils rencontrent sont structurelles. Alors qu'il constitue une priorité pour les familles, le maintien à domicile des personnes en situation de dépendance s'avère de plus en plus difficile, en raison d'un manque de personnels. Certains soins, pourtant de première nécessité, ne peuvent être effectués ; en effet, les intervenants de l'ADMR ne sont pas habilités à réaliser des soins tandis que les infirmiers libéraux et les SSIAD – services de soins infirmiers à domicile – souffrent d'un manque d'effectifs, ce qui compromet le maintien à domicile.
À ces difficultés s'ajoutent celles, bien connues, liées au manque de reconnaissance statutaire et financière ainsi qu'à la lourdeur croissante des tâches administratives et des activités de gestion. Les aides à domicile, dont plus de 90 % sont des femmes, exercent un métier physiquement exigeant. Les accidents du travail sont nombreux, parmi lesquels lumbagos, troubles musculo-squelettiques ou encore problèmes psycho-sociaux.
Sur le plan financier, le compte n'y est pas non plus. Les rémunérations débutent au SMIC, les temps partiels subis sont très fréquents et les horaires de travail sont atypiques, puisque la norme est de travailler le soir ou le week-end ; le temps de travail est fortement fragmenté et les journées, dont l'amplitude est grande, comptent souvent des interruptions de plusieurs heures. Les indemnités kilométriques ne sont pas non plus à la hauteur, notamment dans les territoires ruraux où les distances à parcourir sont décuplées et où les aides à domicile doivent utiliser leur propre véhicule.
La profession a clairement le sentiment d'être abandonnée, d'être réglementée par un « sous-droit du travail » et d'être confrontée à l'indifférence des pouvoirs publics, donc d'être en fait le parent pauvre des politiques de santé publique. Les recrutements deviennent de plus en plus difficiles et une pénurie se fait même jour dans certains territoires.
Au-delà des retours qui remontent du terrain, des études démontrent ces difficultés et relèvent également que certains SSIAD situés en zones rurales ne voient pas augmenter leurs effectifs alors que le vieillissement de la population et l'évolution démographique font accroître la demande.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous devez de répondre aux problèmes liés à l'autonomie, à la dépendance et à la fin de vie dans notre pays et d'entendre les difficultés éprouvées par les aides à domicile, qui sont – je l'ai dit – accrues en zones rurales. Il y va du maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie ou atteintes de maladies chroniques. Alors, que pouvez-vous leur proposer ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Nous soutenons évidemment le souhait exprimé par plus de 80 % des Français de pouvoir vieillir à domicile. Nous entendons les attentes des professionnels du secteur et l'absence de reconnaissance dont ils souffrent depuis de nombreuses années – cela ne remonte pas à hier. Je pense sincèrement que le Gouvernement a à cœur de prendre en compte le défi majeur de l'autonomie, auquel notre pays fait face, et d'y répondre. Nous commençons ainsi à apporter des réponses aux professionnels du secteur de l'aide à domicile, dans le cadre d'une stratégie globale visant à améliorer leurs conditions de travail et l'attractivité de leurs métiers.
En matière de rémunération, tout d'abord, l'accord de méthode du 28 mai 2021 étend le bénéfice de la revalorisation de 183 euros nets mensuels aux salariés paramédicaux exerçant dans les SSIAD qui ne relèvent pas de l'ONDAM – objectif national de dépenses d’assurance maladie – spécifique et de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD). Pour les salariés exerçant dans les structures relevant de la branche de l'aide à domicile, l'avenant 43 à la convention collective nationale de la BAD permet une revalorisation qui est, je crois, historique : l'augmentation des rémunérations, entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2021, est en moyenne de 15 % ; elle peut aller jusqu'à 300 euros bruts mensuels.
Pour aider les départements – qui sont bien évidemment concernés – à assurer la soutenabilité financière de cet avenant, une enveloppe de 200 millions d'euros en année pleine est mobilisée par l'État. Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, un tarif national plancher de 22 euros par heure a été adopté, ce qui correspond à un niveau de financement public minimum pour tous les services d'aide à domicile, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, applicable par tous les départements. Le coût induit pour les départements sera là aussi intégralement pris en charge par la branche autonomie ; il représente un montant de l'ordre de 240 millions d'euros en 2022. Ensuite, pour 2023, la refonte de la tarification des SSIAD permettra de prendre en compte le besoin en soins et le niveau de perte d'autonomie des personnes. Son financement est estimé à 39 millions d'euros en 2023, et il atteindra 127 millions d'euros en 2025.
Il est en outre prévu de recomposer le paysage des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) en accompagnant la fusion des différentes catégories de services existants – ils sont assez éclatés, ce qui les rend parfois assez illisibles – en une seule catégorie, dénommée service autonomie à domicile.
Enfin, pour faire face aux besoins croissants en matière de recrutement, 12 000 places supplémentaires ont été créées dans les formations d'aide-soignante et d'infirmière. Des plateformes des métiers du grand âge sont également lancées à titre expérimental dans les territoires, là aussi pour faciliter les recrutements et pour répondre aux besoins croissants qui se font sentir dans ce secteur.
Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel
Type de question : Question orale
Rubrique : Institutions sociales et médico sociales
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2021