Question orale n° 1625 :
Projet d'arrêté rectificatif du 7e programme d'action national nitrates (PAN)

15e Législature

Question de : M. Charles de Courson
Marne (5e circonscription) - Libertés et Territoires

M. Charles de Courson attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le projet d'arrêté interministériel rectificatif du 7e programme d'action national nitrates (PAN). Il semble que la version actuelle de ce projet d'arrêté envisage de modifier la classification des effluents et de leurs périodes d'épandages sur les terres agricoles. Un tel projet, s'il était adopté en l'état, aurait de lourdes conséquences pour les filières de la betterave, de la pomme de terre de fécule et de la luzerne. Selon les informations disponibles, ce projet d'arrêté prévoit de classer ces effluents en type 2, ce qui revient à une interdiction d'épandage dès le 15 octobre, un mois après le début de la campagne des sucreries et des féculeries. Ce projet prévoit également de limiter les apports sur luzerne à 70 kilos d'azote dans toute la France contre 250 kilos par hectare actuellement dans le Grand Est. Il lui demande donc, eu égard à l'ensemble de ces éléments et à l'inquiétude des filières concernées, si le Gouvernement entend modifier ce projet d'arrêté pour prendre en considération les demandes légitimes de ces filières déjà touchées par la désindustrialisation.

Réponse en séance, et publiée le 12 janvier 2022

SEPTIÈME PROGRAMME D'ACTIONS NATIONAL NITRATES
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour exposer sa question, n°  1625, relative au septième programme d'actions national nitrates.

M. Charles de Courson. Je souhaite appeler votre attention sur le projet d'arrêté interministériel rectificatif du septième programme d'actions national nitrates, dit PAN.

Il semble que la version actuelle de ce projet d'arrêté prévoit de modifier la classification des effluents et de leurs périodes d'épandage sur les terres agricoles. Un tel projet, s'il était adopté en l'état, aurait de très lourdes conséquences pour les filières de la betterave, de la pomme de terre de fécule et de la luzerne.

Selon les informations disponibles, ce projet d'arrêté prévoit de classer ces effluents en type 2, ce qui revient à une interdiction d'épandage dès le 15 octobre, un mois après le début de la campagne des sucreries et des féculeries. Il prévoit également de limiter les apports sur luzerne à 70 kilos d'azote dans toute la France, contre 250 kilos par hectare actuellement dans le Grand Est.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments et à l’inquiétude des filières concernées, envisagez-vous de modifier ce projet d'arrêté pour prendre en considération les demandes légitimes de filières déjà touchées par la désindustrialisation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je commencerai par rappeler le contexte. La révision du plan d'actions national et de la cartographie – les deux aspects sont importants – de mise en œuvre de la directive sur les nitrates est un exercice qui nous est imposé tous les quatre ans. Il est d'autant plus important que, vous le savez, la France s'est vu reprocher de ne pas avoir appliqué cette directive européenne et de l'avoir sous-transposée ces dernières années – nous y remédions actuellement.

Il faut toutefois agir avec beaucoup de méthode et de pragmatisme. C'est le chemin que nous avons emprunté, non par manque d'ambition mais parce que c'est ainsi que l'on agit efficacement, en prenant en considération les réalités du terrain.

Dans cette perspective, nous nous sommes d'abord attelés à l'établissement de la cartographie des nouvelles zones concernées – vous y avez fait allusion dans votre question. Cela a demandé un très gros travail, notamment de concertation entre le monde agricole et les services de l'État, que nous avons achevé il y a peu puisque la nouvelle cartographie a été officialisée à l'automne dernier.

D'autre part, l'entrée en vigueur du plan d'actions national no 7 – car il s'agit de la septième révision de la directive – était prévue en septembre dernier. Afin de tenir compte des inquiétudes qui se sont exprimées et de prendre le temps d'échanger – qui plus est dans le contexte que nous avons tous à l'esprit et qui ne facilite pas la tâche –, il a été décidé de la décaler à septembre 2022, comme nous l'avons annoncé il y a quelques mois.

Les consultations au niveau territorial et national ont débuté – ou sont sur le point de débuter, selon les territoires et les dossiers. Là encore, les réalités de terrain sont prises en considération.

Pardonnez-moi de ne pouvoir vous répondre aussi précisément que j'aime à le faire d'habitude sur les cas très spécifiques que vous avez évoqués, pour la simple raison qu'à ce jour, aucune décision n'a été définitivement arrêtée. Ces textes font actuellement ou feront bientôt l'objet de consultations. Le travail d'écoute, de concertation et de prise en considération des demandes des uns et des autres sera au cœur du plan d'actions national qui entrera en vigueur à la fin de l'été ou au début de l'automne 2022, conformément à notre engagement d'adapter le calendrier pour donner toute sa place à la concertation.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous avez de bonnes paroles, mais vous ne me rassurez pas, parce que ce projet d'arrêté circule bel et bien. Prenez l'exemple de la dérogation – 250 kilos d'azote à l'hectare – dont bénéficie tout le Grand Est : l'apport devrait dorénavant être limité à 70 kilos dans le texte, et vous ne me dites même pas que vous êtes prêt à réexaminer ce point. Si vous maintenez la limitation à 70 kilos, ce n'est pas compliqué : une partie des investissements disparaîtront faute de profitabilité, et avec eux toute la filière agro-industrielle en aval qui en dépend. Prenez un second exemple : celui des effluents dont les épandages devraient être interdits à partir du 15 octobre. Comment les féculeries pourront-elles dès lors fonctionner ? Il n'y en a plus que deux en France ; si vous maintenez cette mesure, elles fermeront toutes les deux. Quand on parle de la désindustrialisation du pays, il ne faut pas oublier que certaines mesures administratives en sont aussi à l'origine. Si vous n'y prenez pas garde, la désindustrialisation dans l'agroalimentaire va continuer, alors que c'était un des deux ou trois secteurs qui tenaient encore du point de vue de la compétitivité.

Données clés

Auteur : M. Charles de Courson

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 janvier 2022

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