Question orale n° 1627 :
Certification biologique des productions de sel

15e Législature

Question de : M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Libertés et Territoires

M. Olivier Falorni attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les travaux que mène la Commission européenne afin d'établir des critères pour labéliser en bio la production de sel en Europe. L'acte délégué, en cours d'écriture, permettrait à toutes les méthodes de production de sel d'être éligibles au label AB, y compris la production de sel de mine peu respectueuse des principes du bio européen. L'enjeu est de taille. Il s'agit de préserver un modèle de production ancestrale, respectueux de son environnement et de la biodiversité, qui contribue à l'attractivité des territoires, mais qui pourrait disparaître comme ses 800 emplois, par la position dominante des groupes industriels face aux producteurs artisanaux. C'est pourquoi il lui demande comment il envisage de faire respecter les exigences du règlement européen relatif à la production biologique face à cette volonté d'élargissement de la certification biologique à tous les types de production de sel.

Réponse en séance, et publiée le 12 janvier 2022

CERTIFICATION BIOLOGIQUE DES PRODUCTEURS DE SEL
M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour exposer sa question, n°  1627, relative la certification biologique des producteurs de sel.

M. Olivier Falorni. Je voudrais évoquer la grande crainte qui agite les sauniers et les paludiers de la façade atlantique depuis quelques mois. Je ne parle pas de leur statut, puisque nous avons, ici même, mis fin à une injustice qui les touchait depuis trop longtemps, celle de ne pas être reconnus comme des agriculteurs. Non, il s'agit ici des travaux que mène actuellement la Commission européenne afin d'établir des critères pour labelliser en bio la production de sel en Europe.

Vous le savez, la Commission prépare en ce moment une proposition d'acte délégué comprenant les règles de production du sel bio qui permettrait à toutes les méthodes de production de sel d'être éligibles au label AB, y compris la production de sel de mine, pour le moins peu respectueuse des principes du bio européen.

Nous ignorons toujours quand la Commission publiera ce document – certainement dans les prochaines semaines. Mais lorsqu'elle le fera, les États membres devront rendre un avis. C'est précisément là que la position de la France et de son ministre – vous-même – devra être la plus pertinente. Jusque-là, en effet, la Commission montre une volonté constante d'inclure les autres sels que le sel de mer.

Un mouvement d'ampleur transnational et transpartisan voit le jour afin de soutenir la filière artisanale du sel. L'enjeu est de taille. Il s'agit de préserver un patrimoine historique et culturel, un modèle de production ancestral, respectueux de son environnement et de la biodiversité, qui contribue à l'attractivité des territoires, mais qui pourrait disparaître, comme ses 800 emplois, en raison de la position dominante des groupes industriels face aux producteurs artisanaux.

Dans ma circonscription, sur l'île de Ré, les sauniers s'inquiètent du projet de label bio sur lequel travaille l'Europe. Selon eux, les critères du futur label ne sont pas assez exigeants. Ce texte rendrait éligible au label AB presque toutes les méthodes de production existantes, ce qui représente 90 % de la production européenne.

Si le projet est validé en l'état, le consommateur risque de se retrouver dans l'incapacité de distinguer le sel marin récolté à la main, séché par le vent et le soleil, du sel de mine obtenu en envoyant dans la roche de l'eau sous pression et mélangé à des antiagglomérants.

Au-delà de la question de la production de sel, ce qui se joue aujourd'hui avec la définition des critères qui caractérisent le label agriculture biologique, c'est la cohérence et la crédibilité d'un label unanimement reconnu par les consommateurs. En lui faisant confiance, notamment pour les modes de production, ils s'assurent du respect de l'environnement, mais aussi de la qualité du produit in fine. L'an dernier, plus de neuf Français sur dix déclaraient avoir consommé des produits biologiques, 15 % d'entre eux en consommant même tous les jours.

Monsieur le ministre, je vous sais très attentif à cette question. C'est pourquoi toute la filière de production de sel artisanal, de Guérande à Oléron en passant par Noirmoutier et l'île de Ré, vous demande de défendre une position ambitieuse, forte et exigeante, pour faire respecter la force qualitative du label bio.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. La réponse est oui : la France défendra – et je défendrai en son nom – une position exigeante pour différencier les méthodes de production du sel, qu'il soit biologique ou considéré comme plus conventionnel.

J'ai dressé exactement le même constat que vous tout au long du processus européen. Il faut se rappeler que ce débat est ancien. La Commission européenne a d'abord formulé une première proposition en matière de labellisation, mais la distinction établie entre les différentes méthodes était très faible. Plusieurs États membres sont alors montés au créneau pour exprimer leur opposition, ce qui a conduit à la création d'un groupe technique dont la dernière réunion a eu lieu en octobre dernier. Nous attendons à présent l'acte délégué de la Commission européenne sur la base duquel les États membres devront prendre position.

Ma position a toujours été très claire : premièrement, il est important d'établir une distinction, car cela correspond à une préoccupation du producteur mais aussi du consommateur ; deuxièmement, cette différenciation doit être claire.

À ce sujet, je vous donnerai un autre exemple auquel sont très attachés les acteurs de la filière bio : il n'est pas possible, sur une même exploitation, de cultiver du bio sur une partie du terrain et du non-bio sur une autre partie, car cela induit un risque de mélange, les différents produits ne pouvant être distingués, et des contournements seraient dès lors possibles.

La filière bio doit pouvoir être clairement distinguée de la filière conventionnelle, et le consommateur doit pouvoir disposer de cette information. Soyez assuré que j'aurai une position exigeante sur cette question.

Données clés

Auteur : M. Olivier Falorni

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 janvier 2022

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