Les problématiques des agriculteurs français
Question de :
M. Joachim Son-Forget
Français établis hors de France (6e circonscription) - Non inscrit
M. Joachim Son-Forget alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les problématiques que connaissent les agriculteurs français aujourd'hui. En effet, la France a perdu près de 100 000 exploitations agricoles en 10 ans et les gérants vieillissent. Elle est également passée en 30 ans du rôle de deuxième à sixième des exportateurs mondiaux de produits agricoles et alimentaires. Le bilan est sans appel, on est face à une perte de puissance continue de la France agricole depuis de nombreuses années. Quelques chiffres éloquents : en 2020, 58 % d'entre eux ont plus de 50 ans et la moitié des chefs d'exploitation actuels prendront leur retraite d'ici 2030 ; 20 % seulement des gérants sont âgés de moins de 40 ans. Alors que l'on recense 14 000 nouvelles exploitations chaque année, il en faudrait 7 000 de plus par an pour compenser tous les départs. L'enjeu est de taille. En effet, ces derniers font face à de nombreuses problématiques : la grande distribution qui se dispute, avec les industries agroalimentaires, la marge sur le dos des producteurs, le manque de compétitivité grandissant qui déroule le tapis rouge aux importations, la Commission de Bruxelles, les coopératives. Souvent familial, aujourd'hui ce secteur doit pouvoir s'ouvrir. De plus, recouvrir une indépendance alimentaire devrait aussi probablement passer par une revalorisation du métier d'agriculteur. Ainsi, M. le député souhaite savoir de quelle manière M. le ministre entend attirer et fidéliser les agriculteurs français. Comment les aider à valoriser leurs produits face à la pression de la grande distribution qui les écrase ? Si le système actuel qui privilégie le consommateur au producteur ne change pas, ce sont les éleveurs et les agriculteurs qui vont disparaître dans le pays. Ils sont déjà mis à mal par certaines idéologies qui veulent, par exemple, supprimer la viande des cantines scolaires. Il lui demande comment il souhaite redonner à la France, ancien « grenier de l'Europe », sa puissance et sa souveraineté agricoles, afin qu'elle ne soit plus dépendante de ses nombreuses importations alimentaires.
Réponse en séance, et publiée le 12 janvier 2022
PROBLÉMATIQUES DES AGRICULTEURS FRANÇAIS
M. le président. La parole est à M. Joachim Son-Forget, pour exposer sa question, n° 1634, relative aux problématiques des agriculteurs français.
M. Joachim Son-Forget. Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur les problématiques que connaissent les agriculteurs français aujourd'hui. Les chiffres sont éloquents : la France a perdu près de 100 000 exploitations agricoles en dix ans et alors que l'on recense 14 000 nouvelles exploitations chaque année, il en faudrait 7 000 de plus par an pour compenser tous les départs ; les chefs d'exploitation vieillissent – 58 % d'entre eux avaient plus de 50 ans en 2020, seulement 20 % moins de 40 ans, et la moitié des chefs d'exploitation actuels prendront leur retraite d'ici 2030 ; elle est passée en trente ans de la deuxième à la sixième place des exportateurs mondiaux de produits agricoles et alimentaires. C'est un bilan sans appel : nous sommes face à une perte de puissance continue de la France agricole depuis de nombreuses années.
L'enjeu est de taille et les agriculteurs font face à de nombreuses problématiques : la grande distribution, qui se dispute avec les industries agroalimentaires la marge faite sur le dos des producteurs ; le manque de compétitivité grandissant, qui déroule le tapis rouge aux importations ; la Commission de Bruxelles ; les coopératives.
Souvent familial, ce secteur doit s'élargir, s'ouvrir à d'autres acteurs. Restaurer l'indépendance alimentaire de notre pays passe probablement aussi par une revalorisation du métier d'agriculteur. Monsieur le ministre, de quelle manière entendez-vous fidéliser les agriculteurs français et en attirer de nouveaux ? Comment les aider à valoriser leurs produits face à la pression de la grande distribution qui les écrase souvent ? Si le système actuel – qui privilégie le consommateur par rapport au producteur – ne change pas, ce sont les éleveurs et les agriculteurs qui vont disparaître dans notre pays, alors qu'ils sont déjà bien mis à mal par certaines idéologies qui veulent, entre autres, supprimer la viande des cantines scolaires. Je pose ces questions alors même que nous peinons à valoriser à l'étranger le fruit du travail de nos exploitants – je me souviens fort bien du dossier de l'exportation en Corée du bœuf français, confrontée aux barrières non tarifaires. Comment souhaitez-vous redonner à la France sa puissance et sa souveraineté agricoles afin qu'elle ne soit plus dépendante de ses nombreuses importations alimentaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Il faut commencer par dire à tous nos concitoyens : « Soyons véritablement fiers de notre agriculture. » Vous le savez, toutes les études à travers le monde mettent en avant que l'agriculture française, dans sa diversité, est l'une des plus durables. En tant que député des Français de l'étranger, vous êtes bien placé pour savoir à quel point tous les autres pays envient nos agricultures françaises. Disons donc, y compris la représentation nationale, à l'ensemble de nos concitoyens de faire le choix des productions de nos territoires, de l'excellence de nos produits. Quand j'entends des oppositions, pour faire le buzz ici ou là et dans une perspective électoraliste, caricaturer, stigmatiser, dire des choses complètement fausses au détriment de nos agricultures, les bras m'en tombent ! Notre responsabilité collégiale est de porter haut et fort cette fierté agricole française et de dire à l'ensemble de nos concitoyens : « Vous votez trois fois par jour, petit déjeuner, midi et soir : faites le choix des produits du territoire, choisissez ces produits qui viennent de nos belles productions dès lors que vous en avez la possibilité. »
Le deuxième élément de réponse, c'est la valorisation du métier d'agriculteur. Je connais particulièrement bien le secteur, étant moi-même ingénieur agronome, et j'ai défini ce métier dès le premier jour comme celui des entrepreneurs du vivant qui nourrissent le peuple. Cette définition est en tout point importante, tout d'abord parce qu'elle souligne que c'est une noble mission que de nourrir le peuple, quand beaucoup de nos concitoyens cherchent aujourd'hui des métiers qui font sens. Or lequel a plus de sens que celui de prendre soin des autres, en l'occurrence à travers leur nutrition ? S'il est parfois très difficile d'être entrepreneur, il l'est doublement d'être entrepreneur du vivant, parce que vous n'êtes à l'évidence pas maître des éléments. La mère des batailles, c'est donc la rémunération, pour laquelle le Gouvernement se bat avec beaucoup de force, notamment à travers la loi EGALIM 2. Vous n'étiez pas élu à cette date, mais vous vous souvenez certainement qu'en 2008, la majorité de l'époque avait osé voter une loi dite de modernisation de l'économie – LME –qui prévoyait dans un de ses chapitres, pour relancer le pouvoir d'achat des Français, de déréguler les relations commerciales dans le secteur agroalimentaire. Le plus fort, en l'occurrence le plus en aval, allait donc peser de tout son poids sur l'amont, c'est-à-dire sur nos agriculteurs, au point de pouvoir baisser ses prix d'achat à ces mêmes agriculteurs alors que les charges de ces derniers ne faisaient qu'augmenter. C'était une facilité déconcertante, une position qui faisait sans doute plaisir à beaucoup, qui allait dans le sens du vent, mais stratégiquement contreproductive, parce qu'elle mettait en question notre propre souveraineté alimentaire.
Je ne m'adresse pas qu'au député, mais aussi au médecin que vous êtes : vous savez bien qu'Hippocrate disait que le premier des médicaments, c'est l'alimentation. Et l'une de nos premières souverainetés, ce doit être la souveraineté agroalimentaire. Pour y parvenir, oui, il faut se battre sur la rémunération – c'est EGALIM 2 – et oui, il faut investir massivement dans nos moyens de production et dans nos agricultures – c'est France 2030.
Auteur : M. Joachim Son-Forget
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 janvier 2022