Contribution des habitants des QPV à la rénovation énergétique de leur logement.
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Mme Danièle Obono appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur la contribution financière des habitants des quartiers politique de la ville (QPV) à la rénovation énergétique de leur logement.
Réponse en séance, et publiée le 2 février 2022
RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DANS LES QUARTIERS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, n° 1644, relative à la rénovation énergétique dans les quartiers de la politique de la ville.
Mme Danièle Obono. « On demande des rénovations depuis plusieurs années ; maintenant qu’ils les font, c’est à nous de les payer. Ce n’est pas normal ! » Ainsi parlait Souhila qui, en novembre 2021, s'est rendue, accompagnée d’une dizaine d’autres habitantes et habitants des Essarts, un quartier d'Échirolles, au siège du bailleur social, la Société dauphinoise pour l’habitat (SDH). Sur leurs nombreuses pancartes, on lisait : « Dignité pour les Essarts », « Carton rouge la SDH », « Respectez les habitants », ou encore « Rénovation sans augmentation ».
Les Essarts, un des quartiers les plus pauvres de l’agglomération grenobloise, a été inclus dans ce que la ville présente comme « un ambitieux projet de renouvellement urbain mais aussi social et environnemental ». Or la dimension sociale est mise à mal par le choix de la SDH de faire payer aux habitants et aux habitantes les rénovations énergétiques de leurs logements, en augmentant des loyers déjà difficiles à payer. Les locataires n’ont pas été consultés et se heurtent à un mur. Ils témoignent : « Le manque de communication des décideurs et des décideuses sur les évolutions qui concernent le quartier empêche toute prise en compte de nos besoins et le respect de nos vies. Le résultat de tout cela est notre mise en danger psychologique, sociale et économique. Nous nous sentons assignés à résidence, sans prise en charge des conséquences. »
Ce conflit local illustre plus largement l'un des échecs de la politique de la ville, qui était pourtant censée « restaurer l’égalité républicaine et améliorer les conditions de vie des habitants » des quartiers défavorisés. Quarante ans après son lancement, le bilan est plus que mitigé : ces quartiers sont plus fragiles que jamais, leur attractivité a peu progressé et les inégalités persistent. Celles-ci se manifestent notamment par la prévalence du mal-logement : 22 % des ménages y habitent un logement surpeuplé, et un cinquième d'entre eux voient, du fait d'une mauvaise isolation, leur consommation d'énergie augmenter – ce qui accroît leur difficulté de payer leur loyer et leurs charges.
En tant qu'acteur majeur de la politique de la ville, l'État doit garantir le droit – hélas mis à mal – à un logement digne et réduire les inégalités. Quelles solutions comptez-vous apporter aux habitants et aux habitantes des Essarts et des nombreux autres quartiers de la politique de la ville, qui subissent une double peine : contraints de vivre dans un habitat dégradé, ils doivent supporter individuellement le coût des rénovations, notamment énergétiques, alors même qu'ils comptent parmi les plus précaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) bénéficient bien évidemment de la politique de rénovation énergétique déployée par le Gouvernement. Une majorité d'entre eux résident dans un logement social. En 2021, dans le cadre du plan France relance, une enveloppe spécifique a permis de financer des réhabilitations lourdes couplées à des rénovations énergétiques : 6 489 logements ont été concernés dans des QPV, soit plus de 17 % des logements réhabilités en France, pour un budget de travaux de 321 millions d'euros. En outre, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) intervient massivement dans les 450 quartiers prioritaires éligibles au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : près de 139 000 logements sociaux sont réhabilités dans ce cadre.
Pour leur part, les propriétaires d’un logement dans le parc privé d'un QPV sont éligibles à l’ensemble des aides à la rénovation énergétique. Le Gouvernement a réformé ces dernières, de sorte qu’elles visent en priorité les ménages modestes – à l’inverse du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) dont profitaient majoritairement les ménages aisés. En 2021, MaPrimeRénov’ a ainsi été versée à plus de 8 600 ménages résidant dans un QPV et qui ont sollicité cette aide, pour un taux de financement de 40 % en moyenne – contre 30 % en moyenne à l’échelle nationale. À cela s’ajoute le dispositif MaPrimeRénov’ Sérénité, qui aide les propriétaires occupants modestes et très modestes à financer des rénovations ambitieuses. En 2021, 760 ménages résidant dans un QPV en ont bénéficié, pour un taux de financement de l’ordre de 60 %.
Enfin, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) finance les syndicats de copropriétaires pour réaliser des travaux de patrimoine et de rénovation énergétique : depuis 2018, 15 261 logements des QPV ont bénéficié de subventions de travaux à ce titre, pour 67 millions d'euros de crédits mobilisés.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono. Vous n'avez pas répondu au problème que rencontrent les habitants des Essarts, comme de nombreux autres. Alors que la rénovation énergétique devrait être prise en charge collectivement, son coût est imputé à des ménages précaires et vulnérables, qui ont déjà des difficultés à payer leur loyer. Nous parlons ici non de rénovations individuelles menées par des propriétaires, voire par des locataires, mais de rénovations collectives. Comment assurer le bien-être de ces familles dans leur logement, dans une dynamique de transition énergétique, sans porter atteinte à leur statut économique déjà fragile ? L'enjeu est fondamental, car, si la bifurcation énergétique est indispensable, elle ne doit pas se faire sur le dos des plus vulnérables. La question est bel et bien politique : la mobilisation des gilets jaunes a montré combien une politique de transition énergétique conduite contre le peuple, notamment contre les habitants les plus précaires, était inacceptable. Vous devez y répondre. Comment faire pour que ces familles bénéficient de logements dignes, sans compromettre leur sécurité économique ?
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2022