Corse et école billingue
Question de :
M. Michel Castellani
Haute-Corse (1re circonscription) - Non inscrit
M. Michel Castellani alerte M. le ministre de l'éducation nationale sur situation de la langue corse et des écoles billingues.
Réponse en séance, et publiée le 6 juin 2018
LANGUE CORSE ET ÉCOLES BILINGUES
M. le président. La parole est à M. Michel Castellani, pour exposer sa question, n° 363, relative à la situation de la langue corse et des écoles bilingues.
M. Michel Castellani. Chaque jour une vingtaine de personnes venues de la France continentale et de tous horizons s'installe en Corse. La Corse a toujours fabriqué des Corses et, plus que jamais, elle a besoin de sa langue forte pour intégrer les nouvelles populations qui la rejoignent.
Pour ce faire, il convient de favoriser l'immersion en langue corse dès le plus jeune âge et de développer le réseau de classes bilingues. Vous le savez : par sa proximité avec les langues romanes, la langue corse favorise, notamment chez les enfants, le goût de l'apprentissage et une proximité intellectuelle avec l'espagnol et l'italien, deux partenaires culturels et économiques forts de la France.
Le 2 novembre 2016, l'État et la Collectivité de Corse ont signé un ambitieux plan de développement de la langue corse pour 2016-2021.
L'article 11 prévoit la création d'un conseil académique territorial – CAT – auquel il incombe d'assurer le suivi conjoint et régulier de l'application dudit plan. Dans ce cadre, le CAT doit rédiger le cahier des charges de l'enseignement bilingue, déterminer les outils de suivi, se doter d'indicateurs qualitatifs et quantitatifs, et dresser un état des lieux annuels. Or, non seulement ce CAT n'a jamais été réuni à ce jour, mais il n'a même pas été évoqué par les instances académiques.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, si l'État est prêt à honorer sa signature, en actant dans les plus brefs délais la création du conseil académique territorial, et je souhaiterais connaître le calendrier de cette mise en œuvre.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, nous sommes particulièrement attachés à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel de la France, et du corse en particulier, qui fait l'objet de la plus grande attention.
Je tiens d'abord à vous rassurer sur l'engagement de l'institution scolaire en faveur de l'enseignement de la langue et de la culture corses, dont témoigne la convention relative au plan de développement de l'enseignement de la langue corse signée le 2 novembre 2016 entre la collectivité territoriale de Corse, le préfet et le recteur.
En réalité, l'académie de Corse a déjà accompli des efforts très importants pour développer l'enseignement du corse durant ces dernières années, et plus encore depuis la signature de cette convention, dès les petites classes.
À l'école primaire, la quasi-totalité des élèves bénéficient d'un apprentissage de la langue corse et, parmi eux, plus de 10 000 sous la forme d'un enseignement bilingue, soit une augmentation des effectifs en bilingue de plus de 25 % en cinq ans.
Le taux d'écoles primaires proposant un enseignement bilingue croît régulièrement : il est à présent de 55 %, et plus du tiers des professeurs des écoles de l'académie est habilité à enseigner le corse et en corse.
L'effort de développement de classes bilingues dans le primaire nécessite, pour être poursuivi et amplifié, que l'on forme plus de professeurs des écoles compétents, capables de dispenser un enseignement linguistique de qualité. L'académie déploie donc une politique de formation volontariste dans le cadre du grand plan de formation en langue corse lancé en 2016.
C'est la formation continue des professeurs des écoles qui est privilégiée. L'attribution de crédits au titre du contrat de plan État-région permet de rémunérer vingt remplaçants, sur la période 2015-2020.
La collectivité de Corse, quant à elle, soutient l'organisation de ces stages à travers la prise en charge de frais de fonctionnement : déplacements, repas et frais d'hébergement.
Ce grand plan de formation concerne toutes les catégories de professeurs des écoles, des non-corsophones aux bilingues à perfectionner. La priorité affichée, toutefois, est la généralisation du bilinguisme avec la formation à l'enseignement bilingue de maîtres connaissant déjà la langue.
Concernant la mise en place du comité de suivi territorial de la langue corse prévu par l'article 11 de la convention de novembre 2016, je vous informe qu'une première réunion préparatoire a eu lieu en juillet 2017 entre les deux parties. Le contexte des élections de la fin d'année civile, puis des discussions entre le nouvel exécutif de la collectivité territoriale et l'État a conduit à différer temporairement la suite des travaux, mais il est prévu qu'ils reprennent très prochainement.
Vous le voyez, monsieur le député, c'est une politique particulièrement volontariste que nous conduisons en faveur de l'apprentissage de la langue corse, en lien avec la collectivité territoriale et dans le respect des engagements.
M. le président. La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Nous espérons que le CAT pourra remplir les missions qui lui sont dévolues. La langue est un des grands défis que doit aujourd'hui relever la Corse, avec la lutte contre la spéculation ou encore le développement économique. Vous le savez mieux que moi : une langue ne s'impose pas. C'est un moyen de communication qui doit être naturel.
La langue corse est malheureusement en voie de disparition, du fait du jeu combiné de l'érosion culturelle, des médias et de l'ampleur des migrations en Corse. Or cette langue, c'est notre âme. Elle fait partie de notre vie. Elle a tissé les relations que nous avons entretenues avec tous les nôtres. En toute hypothèse, c'est notre toute petite contribution au patrimoine de l'humanité, et nous y tenons par-dessus tout.
Nous souhaitons qu'elle soit un moyen non de ségrégation mais d'intégration, comme elle l'a été durant des siècles. Vous savez combien nous tenons à ce sentiment commun d'appartenance, éprouvé par des gens venus en Corse de tous horizons. Nous souhaitons donner un avenir à cette langue, en agissant sans contrainte, de façon naturelle, grâce à une transmission dès le plus jeune âge.
Tel est l'objet de mon intervention. Monsieur le ministre, nous demandons à l'État de participer aussi bien que possible à cette sauvegarde indispensable à la Corse, bien sûr, mais aussi à la France et à l'humanité.
Auteur : M. Michel Castellani
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 mai 2018