Seuil de pauvreté Outre-mer
Question de :
M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
(Erratum publié le 12 juin 2018)
M. Gabriel Serville interroge Mme la ministre des outre-mer sur la détermination du seuil de pauvreté en Outre-mer, différent du seuil de pauvreté de la France hexagonale.
Réponse en séance, et publiée le 13 juin 2018
SEUIL DE PAUVRETÉ DANS LES OUTRE-MER
M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour exposer sa question, n° 367, relative au seuil de pauvreté dans les outre-mer.
M. Gabriel Serville. Madame la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, permettez que j'associe à ma question mon collègue Jean-Philippe Nilor, qui partage pleinement mes interrogations.
Pour l'INSEE, en matière de revenus, nos territoires d'outre-mer sont des contrées lointaines, comme en dehors de la République. En effet, pour des raisons obscures, il y fixe le seuil de pauvreté à moins de 600 euros mensuels, alors que ce chiffre atteint 1 000 euros pour la France hexagonale.
Déjà en 2015, l'INSEE avait chiffré les taux de pauvreté à 19 % en Guadeloupe, 21 % en Martinique et 44 % en Guyane, en retenant un seuil de pauvreté à 60 % non pas du niveau de vie médian national, mais du niveau de vie médian local. En Guyane, ce seuil de pauvreté tombe ainsi à 420 euros nets par mois.
Il en résulte des chiffres qui ne reflètent absolument pas la réalité des difficultés vécues par les populations, puisque le coût de la vie y est beaucoup plus élevé. Toujours selon l’INSEE, les prix sont ainsi supérieurs de 13 % en Guyane, 9,7 % à la Martinique et 8,3 % en Guadeloupe, avec des prix particulièrement élevés pour les denrées alimentaires – plus 30 % – dans les trois territoires.
La mauvaise connaissance des revenus outre-mer et les différences de fiscalité ne peuvent pas expliquer à elles seules l'utilisation d'un seuil différent dans ces territoires. Pourquoi ne pas faire de même en Seine-Saint-Denis ou dans la Nièvre ? Au fond, le calcul de l'INSEE revient à considérer que la population ultramarine la plus défavorisée doit se satisfaire d'une norme de niveau de vie inférieure. On cache ainsi la misère qui règne dans nos territoires et les inégalités qui y demeurent.
En définitive, ces statistiques en disent long sur l'intérêt porté aux territoires ultramarins, qui explique, du moins en partie, l'incapacité des pouvoirs publics nationaux à comprendre nos difficultés. D'où les mouvements sociaux qui secouent régulièrement les outre-mer et qui doivent être vus comme autant d'avertissements de l'urgence qu'il y a à mettre en œuvre des politiques publiques basées sur des indicateurs plus fiables.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je réponds à la place d’Annick Girardin, ministre des outre-mer, qui aurait aimé être ici ce matin mais qui n’a malheureusement pas pu.
Je ne vous apprendrai rien en rappelant que la pauvreté est mesurée par l'INSEE en fonction du revenu médian, ni que le seuil de pauvreté se situe à 60 % de la médiane des niveaux de vie des ménages.
Dans les départements et régions d'outre-mer – DROM –, à l'exception de la Réunion, les seuils de pauvreté sont établis en fonction des revenus calculés localement. Ces indicateurs présentent un intérêt statistique, car ils permettent de mesurer les évolutions dans le temps, mais il est vrai qu’ils ont pour défaut de minorer le niveau de pauvreté des DROM par rapport à la métropole.
Un travail est donc en cours à l'INSEE pour élaborer des taux de pauvreté dans les DROM en se référant au seuil de pauvreté national. Cela suppose de renforcer la fiabilité des données sur les revenus des ménages – non seulement les revenus déclarés mais aussi les revenus disponibles après redistribution.
Les résultats ont été publiés en septembre 2017 pour la Martinique et La Réunion, sur la base des enquêtes menées en 2014 : le taux de pauvreté calculé à partir du seuil national est ainsi de 40 % à La Réunion et de 32,1 % en Martinique, contre un chiffre de 19,8 % si l’on se réfère au taux de pauvreté local.
Une enquête menée cette année en Guadeloupe devrait permettre de connaître avec précision, au plus tard en 2020 ou 2021, le taux de pauvreté. Pour ce qui est de la Guyane et de Mayotte, la fiabilité des données du fichier localisé social et fiscal n'est pas encore suffisante mais des progrès sont attendus dans les prochaines enquêtes.
Je vous assure donc, monsieur le député, au nom de la ministre des outre-mer, Annick Girardin, que nous resterons attentifs à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel Serville. Madame la secrétaire d'État, j'entends parfaitement votre réponse, notamment à propos de l'effort que fera l'INSEE pour ce qui concerne les DROM et à propos de la Guyane et de Mayotte, deux départements dont vous connaissez la situation particulièrement douloureuse.
Une fois n'étant pas coutume, permettez que je continue de plaider la cause de ces territoires, notamment celle des femmes isolées et des jeunes, qui vivent dans les situations difficiles que l'on connaît. Le Président de la République a parfaitement compris l'effort qu'il faut faire en faveur du logement, de l'emploi et d'une émancipation assumée de ces populations. Je suis donc impatient de voir la tendance que prendra l'INSEE et surtout les conséquences et les résultats des travaux qui seront menés dans les jours qui viennent.
Auteur : M. Gabriel Serville
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2018