Injures à visée territoriales, culturelles et géographiques
Question de :
M. Jean-Jacques Ferrara
Corse-du-Sud (1re circonscription) - Les Républicains
M. Jean-Jacques Ferrara attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la prolifération des injures visant les habitants, traditions, cultures des différents territoires de France. Une proposition de loi des députés nationalistes corses souhaite aller en ce sens, mais il semble qu'elle entretient le concept de discrimination plutôt que de le combattre. La solution ne serait pas d'ajouter le concept de « territoire » ou de « géographie » dans le code pénal lorsqu'il s'agit d'injures dans la presse, mais plutôt de s'attaquer au fond du problème: comment peut-on, en 2018, tolérer que des individus, qu'elles que soient leurs origines, soient attaqués publiquement et injuriés dans la presse et sur Internet ? L'avènement des réseaux sociaux a entraîné un déferlement de haine dans notre société et il est aujourd'hui important de prévoir des sanctions, mais aussi et surtout de faire de la prévention. Tous les territoires de France en font l'objet ; les moqueries visant origines et traditions sont partout dans la presse et sur Internet. Il est urgent de ressouder la nation, de faire prévaloir le respect et la préservation de nos spécificités régionales qui font la richesse de la France, sans pour autant envenimer la situation en sanctuarisant le concept de discrimination.
Réponse en séance, et publiée le 13 juin 2018
INJURES VISANT LES HABITANTS, TRADITIONS ET CULTURES DE FRANCE
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Ferrara, pour exposer sa question, n° 385, relative aux injures visant les habitants, traditions et cultures de France.
M. Jean-Jacques Ferrara. Je souhaite attirer l'attention de Mme la garde des sceaux sur la prolifération des injures visant les habitants, les traditions et les cultures des territoires qui composent la France.
Une proposition de loi d'un de mes collègues tend à aller en ce sens, mais je crains qu'elle entretienne le concept de discrimination plutôt qu'elle ne le combatte. La solution ne serait pas tant d'ajouter la notion de « territoire » ou de « géographie » dans le code pénal, lorsqu'il s'agit d'injures dans la presse, que de s'attaquer au fond du problème : comment peut-on, en 2018, tolérer que des individus, quelles que soient leurs origines, soient attaqués publiquement et injuriés dans la presse et sur internet et les réseaux sociaux ?
Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, l'avènement des réseaux sociaux a entraîné un déferlement de haine dans notre société et il est aujourd'hui important de prévoir des sanctions, mais aussi et surtout de faire de la prévention. Tous les territoires de France en sont victimes, les moqueries, les insultes visant origines et traditions sont partout dans la presse et sur internet.
Je suis heureux, madame la secrétaire d'État, que ce soit vous qui soyez chargée de répondre à cette question, car nous sommes tous les deux originaires de territoires à forte identité, où les gens ont des accents, des coutumes et des traditions.
Dans le climat mondial et national que nous connaissons, il est urgent de ressouder la nation, de faire prévaloir le respect et la préservation de nos spécificités régionales, qui font la richesse de la France et contribuent à son rayonnement, sans pour autant envenimer la situation en sanctuarisant le concept de discrimination. Devons-nous encore et toujours légiférer pour remédier à ces outrances insupportables ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux, retenue en conseil des ministres.
La lutte contre tous les discours haineux est une priorité du ministère de la justice et doit l'être pour nous tous, quel que soit son bord.
La législation française a progressivement évolué dans le sens d'une répression accrue et facilitée suite à plusieurs réformes législatives en matière de droit de la presse, dont la plus récente est la loi égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017.
Si la jurisprudence considère que les injures visant un groupe de personnes en raison de leur appartenance à un territoire n'entrent pas dans les prévisions de l'article 33 alinéa 3 de la loi sur la presse réprimant les injures publiques discriminatoires et notamment commises en raison de l'origine, de tels propos, même en l'absence d'incrimination spécifique, sont répréhensibles au visa de l'alinéa 2 de ce même article réprimant les injures publiques commises envers les particuliers.
Par ailleurs, le développement d'internet, devenu un vecteur majeur de l'expression publique, a conduit à l'adoption d'un arsenal législatif permettant d'encadrer le fonctionnement des services de communication en ligne.
Depuis la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, la responsabilité civile ou pénale de l'hébergeur peut être engagée dans l'hypothèse où, ayant effectivement eu connaissance d'une information illicite, il n'a pas agi promptement pour la retirer ou la rendre inaccessible. Une procédure de notification des contenus manifestement illicites par les personnes estimant avoir subi un dommage du fait de ces contenus est ainsi prévue. Ces mesures sont parfois difficiles à mettre en œuvre, mais elles existent.
Le ministère de la justice continue par ailleurs à travailler dans le sens d'une meilleure responsabilisation de l'ensemble des prestataires techniques d'internet et d'une répression plus systématique. Il travaille également avec de nombreux autres ministères à la mise en œuvre du plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, dont l'une des priorités est la lutte contre la haine sur internet.
La garde des sceaux sera attentive aux conclusions de la mission confiée à Mme Avia et MM. Taïeb et Amellal, relative à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Leurs préconisations, attendues pour le mois prochain, seront sans doute très utiles dans le domaine que vous évoquiez, en cherchant à améliorer de façon générale la lutte contre la haine sur internet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Ferrara.
M. Jean-Jacques Ferrara. Vous avez souligné la difficulté à prendre de telles mesures. J'espère qu'à la lecture des rapports qui seront rendus, la justice sera plus encline à faire son travail, même s'il est complexe.
Auteur : M. Jean-Jacques Ferrara
Type de question : Question orale
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2018