Question orale n° 398 :
Pédopsychiatrie en région havraise

15e Législature

Question de : M. Jean-Paul Lecoq
Seine-Maritime (8e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jean-Paul Lecoq alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'état de la pédopsychiatrie dans la région havraise.

Réponse en séance, et publiée le 28 novembre 2018

PÉDOPSYCHIATRIE EN RÉGION HAVRAISE
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer sa question, n°  398, relative à la pédopsychiatrie en région havraise.

M. Jean-Paul Lecoq. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, vous avez dit qu'il fallait encourager la prise en charge de proximité, et qu'on ne pouvait plus tout concentrer à l'hôpital, y compris l'obtention d'une simple ordonnance. Mais au Havre, on fait tout le contraire, comme le montre la réorganisation du centre médico-psychologique – CMP – Charcot.

Placé sur un bassin de vie de 250 000 habitants, ce CMP organisait ses consultations à travers un réseau de sept antennes de proximité, qui proposaient entre autres des consultations de psychiatrie, psychomotricité et orthophonie au cœur des communes et des quartiers. Cette organisation répondait directement aux besoins des enfants, dont les familles, pour certaines, ne peuvent se déplacer à l'hôpital du Havre.

Malheureusement, depuis 2015, la direction du groupement hospitalier du Havre, avec l'aval de l'Agence régionale de santé – ARS –, procède à la fermeture de ces antennes. Deux vont encore fermer leurs portes ce mois-ci. On rationalise nous dit-on. Alors, plutôt que d'aller vers les enfants, ce sont à eux d'aller à l'hôpital pour bénéficier de soins.

Ce renversement de la logique, dont les conséquences sont désastreuses, contribue largement au sentiment de recul de l'État dans des quartiers qui ont pourtant besoin de lui. Cinq ans après la fermeture de la première antenne à Gonfreville-l'Orcher, dont j'étais maire, parmi l'ensemble des enfants détectés comme devant bénéficier d'un suivi au CMP, seul un sur deux s'y rend. Et ceux qui y vont doivent attendre six mois à un an avant d'obtenir une consultation, autant dire une éternité pour des enfants dont les difficultés doivent être traitées au plus vite !

Je vous laisse imaginer la frustration, l'incompréhension, la colère même des parents. Alors que les équipes de réussite éducative sont parvenues à les convaincre d'engager un suivi, ils se retrouvent à patienter une année avant de devoir accompagner leur enfant dans un CMP qui se situe désormais à plus d'une demi-heure de bus de chez eux.

Lorsque les antennes de proximité existaient, un élève pouvait se rendre à l'antenne du CMP sur une heure de classe, ce qui facilitait grandement la prise en charge. Aujourd'hui, avec l'éloignement, la moindre consultation bloque une demi-journée voire une journée complète de classe pour l'enfant. Il n'est pas sûr que cela soit de nature à lutter contre ses difficultés.

On nous dit localement que les psychiatres ne veulent plus se déplacer, mais pourquoi ne pas laisser le reste de l'équipe à proximité et réserver les déplacements de l'enfant vers le praticien aux seuls cas où c'est nécessaire ?

Pourquoi ne pas vouloir entendre les propositions alternatives, faites dans l'intérêt des enfants ? Le Gouvernement est-il prêt à les mettre en œuvre dès maintenant, au nom de la proximité ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, vous avez raison, la psychiatrie a trop longtemps été le parent pauvre de la médecine. C'est pour répondre à ce délaissement qu'Agnès Buzyn a présenté une feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie en juin dernier et que le plan « Ma santé 2022 » intègre pleinement cette spécialité.

M. Régis Juanico. C'est insuffisant !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . L'Agence régionale de santé de Normandie, déclinant ce cadre national, engage une politique volontariste dans l'ensemble de la région, avec une attention toute particulière pour le territoire du Havre. L'ARS a notamment soutenu l'universitarisation du groupe hospitalier du Havre, qui a permis la nomination d'un professeur des universités praticien hospitalier en pédopsychiatrie, ce qui renforcera l'attrait pour la discipline sur ce territoire, impliquera le groupe hospitalier du Havre dans la formation des internes et favorisera le recrutement de jeunes praticiens en psychiatrie infanto-juvénile. Le nombre d'internes en psychiatrie a plus que triplé entre 2010 et 2018, et le dispositif d'assistant spécialiste régional, mis en place par l'ARS, confirme son utilité pour soutenir la démographie médicale.

Très récemment, le groupe hospitalier du Havre a présenté un plan majeur d'investissement, visant à regrouper les services de pédopsychiatrie et quelques activités de psychiatrie pour adultes en centre-ville, sur le site Flaubert. Les services du ministère des solidarités et de la santé examinent avec la plus grande attention ce nouveau projet immobilier, dans le cadre duquel s'élaborera le projet médical pédopsychiatrique universitaire. Cette analyse s'effectuera tant sur le plan de l'organisation des offres de soins psychiatriques dans une vision territoriale que sur celui de la soutenabilité budgétaire.

Enfin, pour être réalisées, les opérations d'investissement devront s'inscrire dans une réflexion plus globale tenant compte des capacités d'investissement de l'établissement. Ce projet devra être mené dans le contexte d'un équilibre financier que le groupe hospitalier du Havre ambitionne de retrouver depuis déjà plusieurs années, de façon à répondre concrètement aux besoins des territoires là où ils sont les plus prégnants, et, comme vous le dites, monsieur le député, à éviter aux enfants, de parcourir trente minutes en bus pour se rendre à un rendez-vous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. La communauté d'agglomération a investi des sommes importantes aux côtés de l'ARS. Ayant intégré que la situation ne présentait pas de solution, elle envisage même à présent d'investir dans les moyens de déplacement des familles.

Cependant, madame la secrétaire d'État, en venant sur le terrain de l'optimisation budgétaire, vous prononcez un gros mot. Nous vous parlons des enfants, non de questions budgétaires !

Nous savons qu'il manque des psychiatres : à l'hôpital du Havre, 14 postes de cette spécialité ne sont pas pourvus. C'est vous dire où nous en sommes ! Aujourd'hui, la question posée est celle des actions urgentes à mettre en œuvre, s'agissant par exemple du numerus clausus, pour que cette profession soit reconnue comme une spécialité majeure dans le dispositif de soins et que des psychiatres puissent être réellement disponibles sur le territoire national. L'intervention de mon collègue Régis Juanico à propos de Saint-Étienne a montré qu'il existe un manque colossal de psychiatres. Il y a urgence.

Par ailleurs, les psychiatres sont entourés de toute une équipe – infirmiers psychiatriques, orthophonistes, notamment. Pourquoi ne reste-t-elle pas à proximité des enfants, alors qu'elle a été maintenue ? Vous n'avez pas répondu à cette question, madame la secrétaire d'État.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Lecoq

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 2018

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