Situation du tribunal de grande instance de Montargis
Question de :
M. Jean-Pierre Door
Loiret (4e circonscription) - Les Républicains
M. Jean-Pierre Door appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation du tribunal de Montargis confronté à une baisse de ses effectifs. Ce tribunal ayant une activité intense et dont dépendent près de 200 000 habitants est confronté à un manque de personnel du fait du départ de trois magistrats non encore remplacés, dont la présidente, le juge de l'application des peines et la juge d'instruction. Son existence même est menacée par les dispositions du projet de loi de programmation 2018-2022 et de la réforme pour la justice relatives à la fusion du tribunal d'instance et du tribunal de grande instance en un seul tribunal judiciaire. Entre les tribunaux de grande instance d'un même département, le contentieux pourra être réparti pour faciliter la création de chambres spécialisées. Le risque est grand de voir s'échapper les compétences du tribunal vers celui d'Orléans, ce qui réduirait le tribunal de Montargis, vidé de sa substance, au rôle de simple guichet d'accueil. Les justiciables, contraints dans cette hypothèse, en l'absence de transports publics, d'effectuer des trajets en voiture, seront ainsi exposés à des dépenses supplémentaires de carburant. En effet, un habitant de Bazoches-sur-le-Betz devra faire 210 km aller-retour pour se rendre à Orléans et un habitant de Beaulieu-sur-Loire 180 km. Le barreau s'alarme et manifeste. Il rappelle que Mme la garde des sceaux, qui l'avait reçu à la chancellerie en avril 2018, s'était engagée au maintien en l'état du tribunal de grande instance de Montargis. Il lui demande en conséquence de garantir à nouveau le maintien en l'état du tribunal de grande instance de Montargis.
Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTARGIS
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour exposer sa question, n° 450, relative au tribunal de grande instance de Montargis.
M. Jean-Pierre Door. Madame la garde des sceaux, je souhaite vous rappeler la situation préoccupante du tribunal de grande instance de Montargis, menacé dans son existence même. Ce tribunal, pourtant marqué par une activité intense, est confronté à une baisse des effectifs. Alors que son ressort couvre près de 200 000 habitants, il doit faire face à un manque de personnel en raison du départ de trois magistrats – celui de la présidente, qui l'a annoncé il y a quelques semaines, celui du juge de l'application des peines et même celui du juge d'instruction –, à quoi s'ajoute un déficit de greffiers.
L'existence du tribunal est menacée par les dispositions de votre réforme relative à l'organisation territoriale, en particulier départementale, de la justice. Entre les tribunaux de grande instance d'un même département, le contentieux pourra être réparti de façon à faciliter la création de chambres spécialisées. Le risque est donc grand de voir les compétences du tribunal de Montargis, qui fonctionne très bien, transférées au tribunal d'Orléans, ce qui réduirait le TGI de Montargis, ainsi vidé de sa substance, à n'être plus qu'un guichet d'accueil.
Dans cette hypothèse, les justiciables seraient contraints, en l'absence de transports publics– il n'y a aucun transport public dans l'est du département –, d'effectuer des trajets en voiture, les obligeant à des dépenses supplémentaires de carburant : un habitant de Bazoches-sur-le-Betz devrait, par exemple, effectuer 210 kilomètres aller-retour, et un habitant de Beaulieu-sur-Loire 180 kilomètres ! Le barreau de Montargis, comme d'ailleurs le barreau d'Orléans, s'alarme et manifeste.
Madame la garde des sceaux, lorsque vous m'aviez reçu avec d'autres parlementaires à la Chancellerie, il y a quelques mois, vous vous étiez engagée à maintenir en l'état le tribunal de grande instance de Montargis. Pourriez-vous confirmer ce que vous aviez alors avancé ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous le confirme, rien n'a changé depuis la dernière fois que je vous ai reçu, et rien ne changera demain : aucun tribunal de grande instance ne sera fermé et celui de Montargis sera maintenu dans l'intégralité de ses fonctions sous la dénomination nouvelle de tribunal judiciaire, ainsi que le prévoit la loi de programmation et de réforme pour la justice dont vous débattez actuellement.
Vous exprimez la crainte que le dispositif de spécialisation départementale prévu par l'article 53 de la loi vide de sa substance la compétence du TGI de Montargis. Tel ne sera pas le cas, je m'y engage.
Le projet de loi précise que la spécialisation concerne uniquement les contentieux techniques et de faible volume. Tout décret qui opérerait une spécialisation dans des volumes importants de contentieux encourrait l'annulation du Conseil d'État, car il serait illégal. Cette spécialisation doit simplement permettre aux magistrats de se spécialiser dans des matières très pointues où seul un nombre suffisant d'affaires permet de traiter les dossiers dans de bonnes conditions.
Ainsi, je le répète, chaque TGI conservera les contentieux de masse : au civil, les contentieux de la famille, des contrats, de la responsabilité et, au pénal, les contentieux des infractions aux personnes et aux biens ainsi que le contentieux, routier – bref, tous les contentieux qui font vivre un tribunal. Seuls les contentieux très spécialisés, qui résulteraient d'un projet de territoire équilibré entre chacun des tribunaux dans les départements, pourraient donner lieu à des spécialisations concernant, par exemple, les droits de douane, le contentieux pénal de l'environnement ou les enlèvements d'enfants qui, heureusement, n'ont pas lieu tous les jours.
Nous portons une attention particulière aux effectifs de l'ensemble des tribunaux, donc à ceux du TGI de Montargis. Une circulaire annuelle de localisation des emplois fixe le nombre de postes et, pour votre tribunal, prévoit dix magistrats au siège et trois au parquet. Les effectifs du parquet sont complets ; ne sont aujourd'hui incomplets que les effectifs du siège, où deux personnes manquent. J'ai le plaisir de vous annoncer que le président de la juridiction sera installé fin janvier, ce qui réduira à un emploi les vacances de poste et permettra le fonctionnement correct du tribunal de grande instance de Montargis.
Je rappelle, par ailleurs, que madame la première présidente et madame la procureure de la cour d'appel d'Orléans disposent respectivement de six et de trois magistrats placés pour soutenir les juridictions du ressort, dont le tribunal de grande instance de Montargis.
Je puis vous assurer, monsieur le député, que nous portons une attention soutenue à l'ensemble des tribunaux de notre territoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, pour ces renseignements extrêmement importants. Cette réforme a effectivement fait naître la crainte de voir s'instaurer une hiérarchie entre les tribunaux du département, qui reviendrait à faire du TGI de Montargis un tribunal secondaire par rapport à celui d'Orléans.
Les informations que vous avez données me satisfont pleinement et me permettront d'apporter localement une réponse. Je vous rappellerai simplement que nous rencontrons aussi un problème au greffe, ce qui est grave puisque le greffe est la cheville ouvrière d'un tribunal.
M. le président. Je vous remercie également, madame la garde des sceaux, pour la concision de vos réponses qui respecte nos règles.
Auteur : M. Jean-Pierre Door
Type de question : Question orale
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018