Rétablissement de la ligne ferroviaire Angoulême-Limoges
Question de :
M. Thomas Mesnier
Charente (1re circonscription) - La République en Marche
M. Thomas Mesnier alerte Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur l'avenir de la ligne ferroviaire Angoulême-Limoges. « J'ai craqué, j'ai repris la voiture », c'est ainsi qu'Isabelle, secrétaire administrative de 52 ans qui prenait son train à Chasseneuil-sur-Bonnieure en Charente, expliquait à un journaliste comment elle avait été contrainte de renoncer au TER pour venir travailler à Angoulême chaque jour. La ligne Angoulême-Limoges, ce sont 118 kilomètres de voies, 11 gares et 80 000 voyageurs à l'année. Le ballast date des années soixante, les traverses en bois datent de 1977 et celles en béton de 1986. Malgré les 23 000 traverses remplacées et les millions d'euros investis pour éviter que des tronçons entiers ne tombent à 40 km/h, la ligne a malgré tout été « suspendue » en mars 2018. Comme les nombreux naufragés d'une gestion du réseau ferré marquée par des années d'inaction et de déficit d'investissements, cette concitoyenne est pourtant convaincue de l'intérêt du TER. Les lycéens, les apprentis, les professionnels et les entreprises implantés tout le long de cette ligne et qui aspirent au fret, le sont tout autant. Ils attendent beaucoup de cette ligne qui est clef pour de nombreux enjeux : d'une part, le renforcement du nœud ferroviaire d'Angoulême, dont la gare a des objectifs en matière de nombre de voyageurs pour le maintien de sa desserte LGV, avec la clause de revoyure en 2027 ; d'autre part le désenclavement de Limoges, avec cette ligne transversale qui permet un accès vers la LGV à Angoulême et vers l'océan à Royan ; mais aussi le développement et l'intégration de cette France périphérique, rurale, qui fait entendre sa colère mais aussi sa volonté de développement. L'annonce de la mise en 2 x 2 voies du dernier tronçon de la RN141, parallèle à cette ligne, est accueillie favorablement, mais elle ne peut être une réponse satisfaisante et cohérente avec les objectifs de la loi d'orientation sur les mobilités. Le 12 novembre 2018, à la demande de Mme la ministre, le préfet de la région Nouvelle Aquitaine réunissait les acteurs locaux autour de l'avenir de cette ligne. Un premier chiffrage à 150 millions d'euros a été évoqué pour rétablir la ligne. 3 des 10 millions des crédits du CPER encore disponibles pourraient être fléchés pour une étude qui établirait précisément les besoins de travaux. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour que puisse rouvrir au plus vite et de manière pérenne la ligne Angoulême-Limoges qui s'inscrit dans la logique défendue dans la loi d'orientation sur les mobilités.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2018
LIGNE ANGOULÊME-LIMOGES
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Mesnier, pour exposer sa question, n° 476, relative à la ligne Angoulême-Limoges.
M. Thomas Mesnier. « J'ai craqué, j'ai repris la voiture. » C'est ainsi qu'Isabelle, secrétaire administrative de cinquante-deux ans, qui prenait chaque jour le train à Chasseneuil-sur-Bonnieure, dans le département de la Charente, expliquait à un journaliste comment elle a été contrainte de renoncer au TER afin d'aller travailler à Angoulême.
La ligne Angoulême-Limoges, ce sont 118 kilomètres de voies, onze gares et 80 000 voyageurs à l'année. Le ballast date des années 1960, les traverses en bois de 1977 et les autres, en béton, de 1986 – mon année de naissance. Malgré les 23 000 traverses remplacées et les millions d'euros investis afin d'éviter que des tronçons entiers ne soient limités à 40 km/h, la ligne a été « suspendue » – comme on dit pudiquement – en mars dernier.
Comme les nombreux naufragés d'une gestion du réseau ferré caractérisée par des années d'inaction et de déficit d'investissement, cette concitoyenne est pourtant convaincue de l'intérêt du TER. Les lycéens, les apprentis, les professionnels et les entreprises implantées tout le long de la ligne – désireuses d'un accès au transport de fret – en sont eux aussi convaincus.
Ils attendent beaucoup de cette ligne, qui est décisive pour de nombreux enjeux : le renforcement du nœud ferroviaire d'Angoulême, soumis à des objectifs en matière de nombre de voyageurs pour le maintien de sa desserte LGV, assortis d'une « clause de revoyure » en 2027 ; le désenclavement de Limoges, favorisé par cette ligne transversale permettant un accès à la LGV desservant Angoulême et l'océan via Royan ; enfin, le développement et l'intégration de cette France périphérique, rurale, qui fait entendre sa colère comme sa volonté de développement.
L'annonce de la mise en deux fois deux voies du dernier tronçon de la RN 141, parallèle à la ligne Angoulême-Limoges, est accueillie favorablement, mais ne saurait constituer une réponse satisfaisante et cohérente avec les objectifs du projet de loi d'orientation des mobilités. Le 12 novembre dernier, à la demande de Mme Borne, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a réuni les acteurs locaux, sans co-invitation avec celle-ci, ce que je regrette. Un premier chiffrage de la réouverture de la ligne, à 150 millions d'euros, a été évoqué. Trois des 10 millions d'euros de crédits du contrat de plan État-région encore disponibles pour cette ligne pourraient être fléchés afin de financer une étude établissant précisément les travaux nécessaires.
Aussi aimerais-je connaître les mesures que le Gouvernement ne manquera pas de prendre pour rouvrir cet axe, qui s'inscrit dans la logique de la politique suivie.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Mme la ministre des transports ne pouvant être présente ce matin, elle m'a chargée de vous répondre.
Je partage votre constat relatif au manque d'entretien et au sous-investissement que les infrastructures ferroviaires existantes ont connu pendant de nombreuses années, ce qui explique l'état préoccupant de nombreuses lignes de desserte fine du territoire. La ligne Angoulême-Limoges est un exemple frappant de ce mauvais état général du réseau ferré secondaire, auquel les collectivités locales et, plus généralement, nos concitoyens sont si attachés.
Les investissements nécessaires pour remettre ces lignes à niveau s'élèvent à plusieurs centaines de millions d'euros par an durant les dix prochaines années. C'est pour cette raison que nous souhaitons adopter une nouvelle approche de la question des petites lignes : il s'agira de conduire, région par région, dans le cadre d'un partenariat entre l'État, les régions et SNCF Réseau, un travail qui permettra d'identifier les différentes solutions – techniques, d'organisation, financières, contractuelles – de manière à utiliser toutes les marges de manœuvre disponibles pour assurer la sauvegarde de cette partie du réseau ferroviaire.
S'agissant plus précisément de la ligne Angoulême-Limoges, 19 millions d'euros sont inscrits dans le contrat de plan État-région signé par la Nouvelle-Aquitaine afin de réaliser les travaux de sauvegarde permettant d'assurer la continuité des circulations. L'État et ses partenaires ont ainsi dégagé en 2017 les crédits nécessaires à la réalisation des travaux les plus urgents entre Limoges et Saint-Victurnien, de façon à éviter l'instauration de ralentissements supplémentaires sur cette partie de la ligne, située en Haute-Vienne.
Vous le rappelez, malgré ces investissements, l'état très dégradé de la partie charentaise de la voie a nécessité l'interruption des circulations de trains entre Angoulême et Saillat-Chassenon, au mois de mars 2018. SNCF Réseau évalue les moyens nécessaires pour mener des travaux sur ce tronçon et pérenniser l'ensemble de la ligne à près de 150 millions d'euros ; une contre-expertise a été commandée par le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine.
M. le préfet de région a, comme vous l'avez dit, réuni le 12 novembre dernier les parlementaires et les élus des collectivités territoriales concernées afin d'évoquer les différentes options et les perspectives envisageables pour la ligne. Une nouvelle réunion sera envisagée à la fin du mois de janvier 2019 afin d'établir un constat commun de la situation et de définir une stratégie d'action, en fonction des scénarios possibles. L'objectif est de garantir une liaison entre Angoulême et Limoges qui réponde aux besoins de nos concitoyens.
En tout état de cause, soyez assuré, monsieur le député, que Mme Borne et l'ensemble du Gouvernement seront particulièrement vigilants sur les suites données à ce dossier.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Mesnier.
M. Thomas Mesnier. Je rappellerai ici le mot d'Alain : « Je ne sais ce que c'est que vouloir sans faire. » L'ambition du projet de loi d'orientation des mobilités est d'apporter à tous et partout des solutions alternatives à la voiture, afin d'en réduire l'usage individuel et donc l'empreinte environnementale des transports, et d'améliorer les déplacements du quotidien. C'est la feuille de route du Gouvernement et c'est le contrat moral passé avec les Français. Je m'attacherai à en faire respecter l'esprit et la lettre, au plus près des territoires, au plus près de la Charente.
Auteur : M. Thomas Mesnier
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 2018