Sécheresse 2018
Question de :
Mme Christine Pires Beaune
Puy-de-Dôme (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Christine Pires Beaune attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la longue période de sécheresse de l'automne 2018 dans la quasi-totalité des régions de France. Dans les Combrailles (63), les éleveurs de charolais doivent affourager le bétail depuis la fin du mois d'août 2018 en raison d'une absence d'herbe. Compte tenu de l'hiver qui approche, les bêtes ne pourront pas regagner les pâturages avant avril 2018. Les éleveurs puisent donc fortement dans leur stock de foin. Du fait de la hausse du prix du fourrage et de sa raréfaction, certains éleveurs vont être démunis avant la fin de cette année. Ils sont déjà victimes financièrement des faibles cours du prix de la viande qui couvrent à peine les coûts de production. Les éleveurs doivent être aidés, faute de quoi nombre d'entre eux vont disparaître. Aussi, elle lui demande d'indiquer les mesures que le Gouvernement envisage pour aider les éleveurs à supporter la sécheresse 2018.
Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2018
CONSÉQUENCES DE LA SÉCHERESSE POUR LES ÉLEVEURS
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour exposer sa question, n° 491, relative aux conséquences de la sécheresse pour les éleveurs.
Mme Christine Pires Beaune. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et concerne les suites données aux états généraux de l'agriculture et de l'alimentation. Ils auront malheureusement donné le sentiment d'une grande illusion, et finalement d'une terrible déception.
Rappelons-nous l'engagement du Président de la République qui, le 12 octobre 2017, en clôture des états généraux, en fixait lui-même l'ambition en déclarant : « Le premier objectif est de permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé. »
Nous sommes très nombreux à partager l'ambition de parvenir à un prix digne : celui qui assure la dignité de chaque travailleur, à chaque étape de la chaîne de production, le renouvellement des générations et l'épanouissement d'une profession qui a toujours su faire preuve de dignité, malgré les nombreuses difficultés qu'elle a rencontrées. Ce prix digne est celui qui reconnaît le travail et permet d'en partager justement la valeur.
L'engagement du Président avait légitimement suscité une grande espérance, mais aussi quelques doutes. Un an plus tard, après le vote de la loi EGALIM, nous constatons que l'engagement est resté lettre morte. Cette ambition supposait en effet de fixer des limites et des règles. Or aucun dispositif sérieux de régulation économique n'a été accepté par le Gouvernement. Aucune possibilité d'intervention réelle de la puissance publique n'a été tolérée, notamment en cas de désaccord dans les négociations entre producteurs et industriels.
Pour remédier au déséquilibre des forces dans ces négociations interprofessionnelles, il ne reste donc qu'une vague promesse de « responsabiliser les différents acteurs », et l'institution d'un médiateur, malheureusement dépourvu de tout pouvoir de contrainte.
La triste réalité, c'est que le Gouvernement a choisi de laisser les agriculteurs à leurs propres moyens face aux industriels.
Vous avez présenté la semaine dernière, en conseil des ministres, l'ordonnance sur le relèvement du seuil de revente à perte. Si vous semblez considérer qu'il s'agit d'une mesure phare des états généraux, nous sommes en réalité très loin du compte pour le revenu des agriculteurs.
Augmenter les marges des distributeurs et encadrer très timidement les promotions ne mettra pas fin à la guerre des prix. Cela ne permettra en rien de former les prix agricoles à partir de la réalité des coûts de production, et ne contribuera donc pas à relever le revenu des agriculteurs.
Afin de renouer avec l'engagement présidentiel, que nous partageons, vous pouvez encore agir utilement, notamment en interdisant l'achat des produits agricoles à un prix inférieur à leurs coûts de production. Serez-vous sensible à l'urgence d'agir concrètement en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Je vous réponds, madame la députée, à la place du ministre de l'agriculture, qui ne peut être présent.
Je tiens à rappeler, en premier lieu, que la loi EGALIM a été votée au début d'octobre 2018, il y a donc moins d'un an, et que les négociations commerciales annuelles entre distributeurs et industriels ont commencé le 1er décembre et se termineront le 28 février. Ces premières négociations sous le régime de la loi EGALIM sont donc en cours.
Nous souhaitons évidemment qu'elles soient l'occasion historique d'établir un équilibre dans les relations entre l'amont et l'aval de la chaîne alimentaire, grâce à une meilleure répartition de la valeur ajoutée.
Cette meilleure répartition est, vous le disiez, particulièrement attendue par le monde agricole. Elle a fait l'objet, lors de la clôture des états généraux de l'alimentation, de l'accord de la plupart des parties prenantes, en présence du Premier ministre. Cet accord doit être respecté.
Elle vise, à travers une expérimentation de deux ans, à relever le seuil de revente à perte à 10 %, et à encadrer les promotions. Il s'agit de redonner leur juste valeur aux produits agricoles, et surtout de rémunérer décemment les agriculteurs. Ils constituent la seule profession dont on exige qu'elle vende au-dessous de son prix de revient, ce qui est bien sûr intolérable.
Nous veillerons à ce que les distributeurs et les industriels respectent tous les nouvelles dispositions. Les contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le dispositif technique de suivi seront fondamentaux.
Nous cherchons à modifier le comportement des acteurs, ce qui n'est pas rien. La détermination du Gouvernement est essentielle.
Le ministre a rencontré la semaine dernière les principales interprofessions et rappelé les attentes du Gouvernement, notamment le principe du « donnant donnant » posé par le Président de la République dans son discours d'octobre 2017 à Rungis.
Il est également primordial que les producteurs accélèrent la transformation de leur organisation : seul un regroupement de l'offre peut leur permettre de peser, à l'avenir, dans les négociations commerciales.
Le ministre souhaite tenir un langage de vérité à chaque maillon de la chaîne. EGALIM est un pari : le succès du titre I, c'est-à-dire la redistribution effective de la plus-value aux producteurs, est incertain, et repose pour beaucoup sur les stratégies de la grande distribution et des grands industriels.
Le Gouvernement a fait ce pari devant le désarroi d'une grande partie des agriculteurs, qui ne parviennent pas à vivre de leur métier. Le nouveau contrat social que le Président de la République appelle de ses vœux doit aussi être un contrat entre urbains et ruraux, entre consommateurs et producteurs.
Nous ferons en sorte que le pari d'EGALIM soit un pari gagnant pour toutes les parties. Ce sera une double bonne nouvelle : pour le portefeuille des agriculteurs et pour la santé et la qualité de vie de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Que Mme la secrétaire d'État soit remerciée d'avoir remplacé le ministre de l'agriculture.
J'ai bien noté que les négociations étaient en cours, et que l'expérimentation prendrait deux ans ; mais j'ai également noté que cet accord n'était pas contraignant. Mon inquiétude – qui n'est que l'écho de celles de la profession – tient à ce qu'aucun moyen contraignant n'existe actuellement pour sortir d'une situation de désaccord. Je suis d'autant plus inquiète que les effectifs du contrôle et de la répression des fraudes ont eux aussi été réduits. Vous comprenez donc que l'équation semble difficile à résoudre. Mais nous nous retrouverons probablement avant la fin de l'expérimentation pour en parler de nouveau.
Auteur : Mme Christine Pires Beaune
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 2018