Question orale n° 530 :
Mesures envisagées concernant le contrôle de dispositifs médicaux

15e Législature

Question de : Mme Caroline Fiat
Meurthe-et-Moselle (6e circonscription) - La France insoumise

Mme Caroline Fiat interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé au sujet des très graves carences du système d'évaluation et de contrôle des dispositifs médicaux révélées notamment par le documentaire « Implants : tous cobayes » réalisé à partir d'une enquête de Marie Maurice et Édouard Perrin. Actuellement ce sont essentiellement les industriels qui contrôlent et prouvent la sécurité des dispositifs médicaux commercialisés en France. L'épidémiologiste Carl Heneghan et la journaliste Jet Shouten ont ainsi réussi à recevoir une autorisation de l'ANSM pour mettre sur le marché un dispositif médical fictif à risque potentiel élevé. Leur dossier comportait un filet de mandarine en guise de photographie et des études portant sur d'autres dispositifs médicaux révélant qu'ils étaient susceptibles de générer de nombreuses complications et n'avaient pas fait l'objet de tests sur des êtres vivants. Le marquage CE leur aurait été accordé par de nombreux cabinets d'audit habilités ! L'ANSM, le « gendarme sanitaire » n'a quant à elle pas de compétence pour évaluer les dispositifs médicaux et autorise la commercialisation de tous ceux qui obtiennent le marquage CE. Les conséquences sont très graves, d'autant plus que de nombreux industriels font à la hâte leurs essais cliniques pour pouvoir lancer leurs produits aussi vite que possible sur un marché dont le chiffre d'affaires s'élève chaque année à 316 milliards d'euros. Ce fut le cas de l'entreprise Ethicon qui a commercialisé les prothèses Prolift sans effectuer d'étude clinique à long terme, en connaissant les risques de complications, en omettant d'en informer à la fois les médecins et les patientes opérées et en utilisant ces dernières comme cobayes à leur insu. C'est aussi le cas actuellement des industriels commercialisant la valve cardiaque Tavi et qui ciblent désormais une nouvelle tranche d'âge sans avoir réalisé d'étude de durabilité du produit sur le long terme. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que de nombreux dispositifs médicaux implantés ne peuvent être explantés et ont de très graves conséquences sur la santé du fait de leur dégradation. Elle lui demande donc ce qu'elle compte faire pour que soit mis en place un contrôle a priori des dispositifs médicaux et s'assurer ainsi que des essais cliniques ont été réalisés et sont conformes aux exigences sanitaires sur le long terme.

Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2019

CONTRÔLE DES DISPOSITIFS MÉDICAUX
M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour exposer sa question, n°  530, relative au contrôle de dispositifs médicaux.

Mme Caroline Fiat. Implants : tous cobayes ? C'est avec ce documentaire que les enquêteurs Marie Maurice et Édouard Perrin ont interpellé l'opinion publique sur les très graves carences de notre système de contrôle des dispositifs médicaux. Et pour cause : actuellement, ce sont essentiellement les industriels qui contrôlent et prouvent la sécurité des dispositifs médicaux commercialisés en France.

C'est ainsi que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM –, notre prétendu « gendarme sanitaire », donne son feu vert pour tout et n'importe quoi, dès lors que le marquage « CE » a été accordé, et que la Haute autorité de santé est contournée. Un simple filet de mandarine a ainsi reçu une autorisation de mise sur le marché en tant que dispositif médical !

Les conséquences sont très graves pour toutes les personnes portant un implant, d'autant plus que de nombreux industriels font à la hâte leurs essais cliniques pour lancer leurs produits aussi vite que possible sur un marché dont le chiffre d'affaires s'élève chaque année à 316 milliards d'euros. Ce fut le cas pour les prothèses Prolift, qui n'ont pas fait l'objet d'études cliniques à long terme, ou encore pour la valve cardiaque Tavi.

Cette situation est d'autant plus incompréhensible que de nombreux dispositifs médicaux implantés ne peuvent être explantés, leur dégradation ayant par ailleurs de très graves conséquences sur la santé. Les vies de milliers de personnes sont en jeu.

Madame secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, ma question est simple : qu'attendez-vous pour instaurer en France un dispositif de contrôle des dispositifs médicaux, sans attendre que les instances européennes se saisissent du problème ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Certains dispositifs médicaux ont radicalement modifié la prise en charge des malades en améliorant leur qualité de vie. Les dispositifs médicaux sauvent des vies, mais leur efficacité et leur sécurité doivent être garanties. Le rôle des autorités sanitaires est de s'assurer que les patients ont accès aux dispositifs médicaux dans les meilleures conditions de sécurité.

Afin de mieux répondre à ces enjeux de santé publique, le Gouvernement a engagé des actions au niveau national et Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, porte ces enjeux, au nom de la France, au niveau européen. Le règlement européen qui sera applicable en mai 2020 permettra de mieux surveiller les organismes chargés d'évaluer les dossiers de marquage de conformité « CE » et de renforcer leur indépendance. Sans attendre la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation, la ministre, en lien avec l'ANSM, la Haute Autorité de santé et la Caisse nationale de l'assurance maladie, a mis en place plusieurs actions, regroupées selon trois axes principaux.

Le premier a trait au renforcement de l'évaluation et à l'encadrement des pratiques de pose des dispositifs médicaux, notamment pour les personnes les plus à risque. Dès que cela sera nécessaire, un encadrement de la pose des dispositifs médicaux implantables – DMI – dans les établissements de santé sera dorénavant mis en place.

Le deuxième axe vise à faciliter la transmission des signaux, même faibles, de matériovigilance, en améliorant la traçabilité des dispositifs médicaux implantables dans les établissements de santé. Une note d'information a été adressée à ces derniers afin de leur rappeler la réglementation en vigueur et un texte permettra, dès le premier semestre 2019, de renforcer le management de la qualité et de la sécurisation du circuit des DMI à l'hôpital. Des travaux ont été engagés avec l'ensemble des parties prenantes pour mettre en place l'identifiant unique du dispositif médical dans l'ensemble des établissements de santé.

Le troisième axe consiste à rendre la base Transparence santé plus accessible et à étendre les exigences actuelles en matière de transparence et de lien d'intérêts. Agnès Buzyn a demandé de faire évoluer cette base pour prendre en compte les recommandations du rapport de la mission d'information sénatoriale sur le médicament, afin que l'ensemble des bénéficiaires des industries de santé soient clairement identifiés et que les fonctionnalités, l'ergonomie et l'exploitation des données de la base soient adaptées.

M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Nous ne contestons pas le fait que les implants puissent sauver des vies, mais des milliers de femmes ont été mutilées – car c'est bien de mutilations qu'il est question – et souffrent aujourd'hui le martyre.

Une enquête a prouvé qu'un filet de mandarine pouvait être reconnu comme un dispositif médical parce qu'il avait la norme « CE ». Je vois le travail que Mme la ministre Buzyn compte faire mais, à l'échelle européenne, les implants devraient bénéficier d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par une instance indépendante, entièrement fermée aux lobbies. Or le règlement européen qui s'appliquera en 2020 ne le prévoit pas. La Commission européenne a fait campagne contre l'instauration d'une procédure d'autorisation de mise sur le marché, au motif qu'elle nuirait, selon elle, à l'innovation et à la compétitivité du secteur, sans valeur ajoutée démontrée pour la sécurité des patients. La façon dont le processus législatif a été conduit montre le poids écrasant des lobbies, qui sont ouvertement intégrés par la Commission européenne dans le processus et dont la voix compte bien plus que celle des victimes et des citoyens.

Notre groupe vous lance depuis plusieurs mois une alerte : certes, les laboratoires créent des médicaments qui sauvent des vies, mais nous ne pouvons pas leur permettre de continuer à provoquer des mutilations pour la simple recherche du profit. Ce n'est pas pensable – en tout cas, pas dans notre pays.

Vous évoquez le renforcement de la sécurisation et des exigences pesant sur les DMI, ainsi que l'envoi d'une note aux hôpitaux. Or, les professeurs des hôpitaux que j'ai rencontrés sont ennuyés par cette note, car elle leur demande de faire des économies et la procédure d'appel d'offres peut les contraindre à retenir un implant qui n'est pas celui qu'ils souhaitent, mais dont le fabricant a remporté le marché. Il y a donc un gros problème.

Données clés

Auteur : Mme Caroline Fiat

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2019

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