Assujettissement à la CSG-CRDS des Français de l'étranger établis hors de l'UE
Question de :
M. M'jid El Guerrab
Français établis hors de France (9e circonscription) - Libertés et Territoires
M. M'jid El Guerrab alerte M. le ministre de l'action et des comptes publics sur l'assujettissement à la CSG-CRDS des Français de l'étranger établis hors de l'UE. En février 2015, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a remis en cause l'imposition à des prélèvements sociaux affectés au financement de prestation de sécurité sociale, sur les revenus du capital en France de personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Union européenne (UE) ou de l'Espace économique européen (EEE) ainsi que la Suisse. Elle a demandé à la France de restituer la CSG et la CRDS qu'elle prélève sur certains revenus de non-résidents. Cette décision s'applique aux personnes affiliées à un régime de sécurité sociale, autre que français, couvert par la réglementation communautaire relative à la coordination des systèmes de sécurité sociale (règlement CE n° 883/2004 qui a succédé au règlement 1408/71), soit un régime légal obligatoire de sécurité sociale d'un pays autre que la France de l'Union européenne, de l'Espace économique européen (EEE) ou en Suisse. Alerté très fréquemment par les Français de l'étranger, il souhaiterait savoir s'il envisage une réforme, afin que cette décision d'exemption de CSG-CRDS s'applique à l'ensemble des Français résidant à l'étranger.
Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2019
ASSUJETTISSEMENT À LA CSG ET À LA CRDS DES FRANÇAIS RÉSIDANT HORS DE L'UNION EUROPÉENNE
M. le président. La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour exposer sa question, n° 551, relative à l'assujettissement à la CSG et à la CRDS des Français résidant hors de l'Union européenne.
M. M'jid El Guerrab. Monsieur le secrétaire d'État chargé du numérique, je vous remercie de représenter le ministre de l'action et des comptes publics. Je reviens du terrain, d'un pays que vous connaissez particulièrement bien : le Maroc, situé dans ma circonscription. Au cours des dix derniers jours, j'y ai tenu sept réunions publiques et sept permanences parlementaires, en contact direct avec nos concitoyens qui y sont établis. Parmi les sujets qui cristallisent le plus les préoccupations, parfois même la colère, des Français de l'étranger, c'est de leur assujettissement à la CSG et à la CRDS que je voudrais vous parler ce matin. J'ai déjà soulevé cette question l'année dernière ; je me suis battu sans avoir été entendu par le Gouvernement. Nous sommes toutefois heureux d'avoir remporté la première manche du combat, s'agissant des Français en Europe.
Je vous rappelle qu'en février 2015, pour les Français de l'étranger résidant dans l'Union européenne et affiliés à un autre régime de sécurité sociale européen que le régime français, la Cour de justice de l'Union européenne a remis en cause les prélèvements sociaux sur les revenus du capital perçus en France, affectés au financement de prestations de sécurité sociale. Par cet arrêt, dit « de Ruyter », la CJUE a exigé de la France qu'elle restitue la CSG et la CRDS qu'elle avait indûment prélevées. Il y a lieu de s'en réjouir mais cette décision, vous le savez, ne s'applique qu'aux personnes affiliées à un régime de sécurité sociale autre que le régime français et couvert par la réglementation communautaire. Nous avons donc remporté une première manche, je le répète, mais ce n'est pas suffisant : l'extension de la solution de la CJUE à tous les non-résidents n'a pas été acceptée par le Gouvernement, lors du débat sur le dernier projet de loi de finances. Les Français de l'étranger établis en dehors de ces zones restent donc assujettis à la CSG et à la CRDS. J'y vois une inacceptable entorse au principe d'égalité, qu'absolument rien ne justifie. Sommes-nous des citoyens égaux devant les lois de la République ou y a-t-il des Français plus français que d'autres, plus égaux que d'autres, plus reconnus dans leur vie à l'étranger que d'autres ?
Monsieur le secrétaire d'État, pendant dix jours, ce ne sont pas des exilés fiscaux qui sont venus dans mes permanences et dans mes réunions publiques. Au contraire, ce sont souvent des exilés sociaux, qui vont à l'étranger avec leur modeste retraite pour vivre dignement, pour vivre mieux. J'avais en face de moi des gilets jaunes, à cette nuance près qu'ils ne bloquent pas les ronds-points, les ambassades, mais expriment une colère silencieuse. Le grand débat national voulu par le Président de la République est une occasion d'écouter nos concitoyens exprimer leur incompréhension vis-à-vis de cette taxation injuste ; ils paient en effet une contribution sociale sans avoir le droit à la santé.
Envisagez-vous une réforme afin que la décision d'exemption de la CSG et de la CRDS s'applique à l'ensemble des Français résidant à l'étranger, et pas seulement à ceux qui résident en Europe ? Ce serait une mesure juste, permettant de lever les obstacles posés par les arguties juridiques. De la sorte, vous répondriez à une demande issue du grand débat national. C'est ainsi que vous renouerez avec le peuple français.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique. Monsieur El Guerrab, vous appelez l'attention de Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur l'assujettissement aux prélèvements sociaux des contribuables affiliés à un autre régime social européen et sur les mesures prises à la suite de l'arrêt de la CJUE du 27 juillet 2015 dit « de Ruyter ».
L'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a déjà mis la législation française en conformité avec cette décision. Il a introduit une exonération de la CSG et de la CRDS assises sur les revenus du capital, au profit des personnes qui ne relèvent pas de la sécurité sociale en France mais qui sont affiliées dans un autre État membre de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou en Suisse. Cette jurisprudence et l'exonération qui en découle se justifient – j'insiste sur ces mots – par l'existence d'un système coordonné de sécurité sociale organisé au sein de l'espace européen. Les personnes se trouvant en dehors de l'espace européen ne relèvent pas de ce système coordonné : là est la différence. Toute personne affiliée dans l'espace européen participe au financement du seul régime de sécurité sociale dont elle dépend, indépendamment de l'État dans lequel elle réside fiscalement. Si elle est affiliée à un autre État de l'espace européen, elle n'est pas assujettie à la CSG et à la CRDS.
En revanche, comme je viens de le rappeler – et malgré les demandes des Français se trouvant dans votre circonscription, qui sont évidemment tout aussi français que les autres –, ces règles de coordination européenne ne justifient pas l'exonération de l'ensemble des personnes résidant hors de France, puisque tous les non-résidents ne rentrent pas dans ce cadre européen d'un financement coordonné de la sécurité sociale. En effet, on ne peut pas considérer que l'ensemble des personnes résidant hors de France pourraient échapper à l'assujettissement de leurs revenus du capital à la CSG et à la CRDS au simple motif qu'elles auraient d'ores et déjà contribué au financement d'un régime européen de sécurité sociale, puisque ce n'est pas le cas.
De fait, à l'heure actuelle, tous les revenus du capital de source française ont vocation à être soumis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, que le bénéficiaire soit fiscalement domicilié en France ou non. Ce principe d'universalité de l'assiette des prélèvements vise, dans une logique de solidarité nationale, à inclure l'ensemble des revenus de source française dans le financement de notre système de protection sociale. La jurisprudence « de Ruyter » ne change rien ; elle ne fait que tirer les conséquences du financement dans un système européen coordonné de sécurité sociale. Le principe, je le répète, est celui de l'universalité.
M. le président. La parole est à M. M'jid El Guerrab.
M. M'jid El Guerrab. Monsieur le secrétaire d'État, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, la France s'est est effet conformée à la législation européenne. Mais je rappelle que, sur les frontons de nos mairies, s'affiche la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité ».
Aujourd'hui, le principe constitutionnel d'égalité, fondamental pour notre vie en commun et pour notre pays, n'est malheureusement pas appliqué. Avec plusieurs concitoyens, nous sommes prêts à saisir le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité afin de casser cette décision et faire en sorte que le droit qui s'applique à nos concitoyens en Europe s'applique également à ceux qui vivent hors d'Europe. Je ne parle pas seulement pour les Français de ma circonscription, mais pour les 3,5 millions qui vivent à travers le monde. Ils sont une richesse pour notre pays, comme on le voit à chaque débat dans les ambassades et à chaque réunion publique, et hier encore lors de la visite du Président de la République. Il faut reconnaître cette richesse et traiter ces Français avec égalité.
Auteur : M. M'jid El Guerrab
Type de question : Question orale
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Action et comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2019