Transfert de compétences eau et assainissement
Question de :
Mme Laure de La Raudière
Eure-et-Loir (3e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
Mme Laure de La Raudière attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales au sujet du transfert de compétences eau et assainissement aux communautés de communes, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018. La loi du 7 août 2015 (loi NOTRe) a attribué, à titre obligatoire, les compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération à compter du 1er janvier 2020. Or, actuellement, la compétence « distribution d'eau » est généralement assurée directement par la commune, afin de garantir à la population un service de proximité, de dépannage et de détection des fuites rapide sur le réseau. Ce service est aussi souvent exercé par l'agent technique communal, pour 30 % ou 40 % de son temps. Si cette mesure venait à s'appliquer au sein d'une communauté de communes ou d'agglomération, cela entraînerait des difficultés au niveau de la destination des agents affectés dans chaque commune à cette tâche, mais également une baisse de la qualité de service offert aux habitants. Pour ces raisons, la mesure adoptée dans la loi NOTRe a rencontré une vive opposition de la part des élus locaux et de nombreux parlementaires. Dans ce contexte, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail transpartisan composé de députés et de sénateurs, qui a conduit à un nouveau débat parlementaire et à un accord politique inscrit dans la loi n° 2018-702 du 3 août 2018. Cette dernière vise ainsi à aménager l'obligation du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes qui n'exercent pas, à titre optionnel ou facultatif, l'une de ces compétences, en repoussant la date au 1er janvier 2026. Or il apparaît que les termes de la circulaire ministérielle Nor : INTB1822718J du 28 août 2018 portant sur l'application de la loi n° 2018-702, ne reflètent pas l'esprit de l'accord politique obtenu au Parlement. En particulier, le dispositif de minorité de blocage, par lequel les communes ont la possibilité de s'opposer à un transfert de compétences, est restreint aux « membres d'une communauté de communes n'exerçant [...] ni à titre optionnel, ni à titre facultatif, la compétence en cause, y compris partiellement ». Cette formulation vient restreindre considérablement la portée de l'aménagement prévu par la loi n° 2018-702, sachant que depuis plusieurs années, de nombreuses communes rurales avait décidé le transfert de la compétence « production d'eau » au niveau de la communauté, souvent à la demande de l'État. Par conséquent, elle l'interroge sur les motivations qui expliquent le décalage entre la loi du 3 août 2018 et la circulaire du 28 août 2018, ainsi que sur le fondement légal de l'interprétation jugée trop restrictive de cette dernière et ne correspondant pas à l'esprit des discussions politiques à ce sujet et à l'esprit de la loi. Elle souhaite également savoir si le Gouvernement entend revenir sur les termes de ladite circulaire, afin qu'elle reflète plus fidèlement la volonté du législateur.
Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2019
TRANSFERT DES COMPÉTENCES EAU ET ASSAINISSEMENT
M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour exposer sa question, n° 558, relative au transfert des compétences eau et assainissement.
Mme Laure de La Raudière. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, comme vous le savez, la loi NOTRe – portant nouvelle organisation territoriale de la République – a rendu obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les communautés de communes au plus tard en 2020. Cette mesure, dogmatique et éloignée du terrain, s'est heurtée à une vive opposition des élus locaux, notamment en milieu rural. Dans ce contexte, le Gouvernement a institué un groupe de travail transpartisan composé de députés et de sénateurs, qui ont demandé unanimement le report de l'application de la loi NOTRe sur ce point. Le Parlement s'est alors saisi du sujet et a voté la loi no 2018-702 du 3 août 2018, qui prévoit des dérogations pour le transfert de ces compétences, de 2020 à 2026.
Malheureusement, la circulaire publiée à la fin août 2018 ne prend pas en compte cet accord politique, puisque les territoires dans lesquels la compétence de production d'eau a été reprise par la communauté de communes – souvent à la demande de l'État, pour permettre la suppression de syndicats de production d'eau – ne pourront pas utiliser cette dérogation pour conserver au niveau communal la compétence de distribution.
En milieu rural, la distribution de l'eau est restée une compétence exercée directement par la commune, ce qui garantit à la population un service de proximité, notamment pour le dépannage et la détection rapide des fuites, et ce service est souvent assuré à temps partiel par un agent communal ou un élu. Le transfert à la communauté de communes entraînera nécessairement des augmentations de dépenses publiques – que faire des 20 ou 30 % de temps de travail de l'agent communal qui exerce cette compétence pour la commune ? – et une moindre réactivité vis-à-vis des demandes des citoyens. C'est injuste et incompréhensible. Les élus ont l'impression que la parole politique du Gouvernement a été bafouée et que l'on ne tient pas compte des remontées du terrain.
Dès lors, ne serait-il pas judicieux, dans le cadre du grand débat national, de revenir sur la circulaire de la fin du mois d'août, afin de respecter les termes de l'accord politique intervenu avec les députés et les sénateurs qui s'étaient investis dans le groupe de travail ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Madame de La Raudière, vous soulevez un problème important, qui a des conséquences très pratiques dans les intercommunalités.
La loi du 3 août 2018 vise précisément à traduire une position très pragmatique et équilibrée. Elle ne remet pas en cause le caractère obligatoire du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, décidé dans le cadre de la loi NOTRe. Elle prend en compte les préoccupations des élus sur le sujet, en réservant la possibilité d'un report aux communautés de communes, puisque ce sont ces dernières qui couvrent majoritairement nos zones rurales et de montagne, où les élus ont souligné la nécessité de disposer d'un temps supplémentaire pour organiser le transfert. Il s'agit donc non pas de revenir sur la loi NOTRe, mais d'accorder un peu plus de temps pour que ce transfert soit réalisé dans les meilleures conditions.
L'article 1er de la loi introduit ainsi un dispositif de minorité de blocage : les communes ont la possibilité de reporter le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement au 1er janvier 2026 si 25 % des communes membres représentant 20 % de la population intercommunale s'opposent à ce transfert avant le 1er juillet 2019.
Mme Laure de La Raudière. Ce n'est pas l'objet de ma question !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. En termes clairs, cela signifie que les communautés de communes qui peuvent bénéficier de la faculté de report à 2026 sont celles qui n'exercent pas du tout les compétences eau et assainissement. Là où la production d'eau a déjà été transférée au niveau communautaire, le dispositif de minorité de blocage ne trouvera pas à s'appliquer.
Mme Laure de La Raudière. Si !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État . Non, ce n'est pas ce que prévoit le texte.
En conséquence, l'emploi des termes « y compris partiellement » dans l'instruction ministérielle du 28 août 2018 est parfaitement conforme à la loi votée par l'Assemblée nationale. Aucune modification de l'instruction n'est donc envisagée par le Gouvernement.
Je rappelle que l'existence de ce droit d'opposition ne doit pas conduire les communes à renoncer à préparer un projet d'intercommunalisation des compétences. En effet, le sens de notre action est de soutenir la mutualisation des moyens nécessaire à la reprise des investissements, devenus urgents sur certains territoires, ainsi qu'à une meilleure maîtrise commune et à une plus grande cohérence de nos réseaux.
Quant au transfert des 30 ou 40 % de temps de travail, il ne pose pas de problème : comme vous le savez, l'agent communal en question pourra tout à fait poursuivre le travail local qu'il réalisait dans sa commune une fois qu'il aura été transféré à l'intercommunalité.
M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière. Je vous entends bien, madame la secrétaire d'État, car je sais lire la circulaire. Toutefois, au vu de la loi, la position du Gouvernement aurait très bien pu être autre, et la rédaction de la circulaire aurait donc pu être différente. Lorsqu'il existe un syndicat de production d'eau, les communes peuvent conserver la compétence de distribution. Mais, ces syndicats ayant été supprimés, à la demande de l'État, sur certains territoires, on est alors obligé de transférer la compétence de distribution, alors que les élus ne le veulent pas et que la minorité de blocage prévue par la loi est potentiellement réunie.
Ce que vous avez indiqué concernant les 30 % de temps de travail de l'agent communal compétent est exact, mais ce n'est pas ce qui va se passer dans la vraie vie, sur le terrain : au bout de trois à quatre ans, vous le savez très bien, une délégation de service public sera instituée, ce qui se traduira par une augmentation des dépenses publiques.
Surtout, on n'a pas écouté le souhait des élus ni respecté, à mon avis, l'accord transpartisan, qui portait sur l'introduction d'une dérogation quel que soit le cas de figure, dès lors que la minorité voulue serait réunie au sein du conseil communautaire. Voilà ce que je déplore.
Auteur : Mme Laure de La Raudière
Type de question : Question orale
Rubrique : Eau et assainissement
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2019