Question orale n° 560 :
Réforme des lycées et du baccalauréat

15e Législature

Question de : M. Thierry Benoit
Ille-et-Vilaine (6e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

M. Thierry Benoit attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à propos de la réforme des lycées et du baccalauréat qui risque d'exacerber les inégalités de réussite entre les lycéens de la commune de Fougères. L'une des vocations de l'école de la République est d'offrir à chaque citoyen la possibilité de dépasser la condition sociale dans laquelle il a grandi en lui prodiguant un accompagnement ainsi qu'un enseignement de qualité. Ce faisant l'éducation nationale lui donne la chance de s'émanciper intellectuellement et matériellement en multipliant ses opportunités professionnelles. Le lycée Jean Guéhenno de Fougères est un lycée d'enseignement général, technologique et professionnel, qui partage la même ambition pour ses élèves quelle que soit la voie qu'ils ont choisie. La réforme actuelle remet en question cette ambition. Actuellement, au lycée Jean Guéhenno, environ 50 % de bacheliers professionnels intègrent des BTS (en augmentation les trois dernières années). Cette intégration est favorisée par la liaison bac pro-BTS, notamment axée sur les enseignements généraux communs aux deux filières (anglais, français, mathématiques). Ce que le Gouvernement propose est la diminution du nombre d'heures d'enseignements généraux, que ce soit en CAP (- 40 %) ou en bac pro (- 20 %) et met en péril la possibilité d'accès des lycéens professionnels aux filières du supérieur, faute d'une formation suffisante au regard des exigences en BTS. Au lieu d'aider les lycéens à choisir, cette réforme leur ferme des portes et les condamne à subir, plus que choisir, une voie qui ne leur correspondait pas. Ainsi, il souhaiterait savoir comment, en diminuant drastiquement le volume horaire d'enseignement en lycée professionnel, on peut imaginer former de futurs citoyens accomplis professionnellement, particulièrement dans des bassins où de nombreux élèves sont issus de catégories socio-professionnelles défavorisées.

Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2019

RÉFORME DES LYCÉES ET DU BACCALAURÉAT
M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour exposer sa question, n°  560, relative à la réforme des lycées et du baccalauréat.

M. Thierry Benoit. Ma question s'adresse à M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et non à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants. Elle porte en effet sur la réforme des lycées et du baccalauréat. Elle a été rédigée par des professeurs du lycée Jean-Guéhenno de Fougères et adressée au ministre. Je vous la lis.

L'une des vocations de l'école de la République est d'offrir à chaque citoyen la possibilité de dépasser sa condition sociale en lui prodiguant un accompagnement ainsi qu'un enseignement de qualité. Ce faisant, l'éducation nationale lui donne la chance de s'émanciper intellectuellement et matériellement en multipliant ses opportunités professionnelles. Le lycée Jean-Guéhenno de Fougères est un lycée d'enseignement général, technologique et professionnel, qui a la même ambition pour ses élèves, quelle que soit la voie qu'ils ont choisie.

La réforme actuelle remet en question cette ambition. Actuellement, au lycée Jean-Guéhenno, environ 50 % des bacheliers professionnels intègrent des BTS, et la proportion a augmenté ces trois dernières années. Cette intégration est favorisée par la liaison entre bac pro et BTS, notamment axée sur les enseignements généraux communs aux deux filières – anglais, français et mathématiques.

La diminution du nombre d'heures d'enseignements généraux que le Gouvernement propose, que ce soit en CAP – moins 40 % – ou en bac pro – moins 20 % – met en péril l'accès des lycéens professionnels aux filières du supérieur, faute d'une formation suffisante au regard des exigences en BTS. Au lieu d'aider les lycéens à faire un choix, cette réforme leur ferme des portes et les condamne à subir, plus que choisir, une voie qui ne leur correspondait pas.

La question posée à M. le ministre de l'éducation nationale est la suivante : comment, en diminuant drastiquement le volume horaire d'enseignement en lycée professionnel, peut-on imaginer former de futurs citoyens accomplis sur le plan professionnel, particulièrement dans des bassins où de nombreux élèves sont issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées ?

M. le président. Je vous rappelle que le Gouvernement mandate l'un de ses membres pour répondre en son nom. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Je vais essayer de vous répondre de façon claire, monsieur Benoit. Du reste, au ministère des armées, je suis également chargée des lycées militaires ; je m'intéresse donc également à l'enseignement et à la formation des jeunes.

L'ambition du Gouvernement est de faire de la voie professionnelle une voie d'excellence, attractive et insérante. Il s'agit de construire, avec les 70 000 professeurs de lycée professionnel, les chefs d'établissement et l'ensemble des partenaires, un lycée professionnel en pointe sur la formation aux métiers d'avenir, ce qui suppose de redonner la fierté d'apprendre un métier.

Les nouveaux horaires dédiés aux enseignements généraux et professionnels, en alternance avec les périodes de formation en milieu professionnel, sont destinés à accroître la qualité des apprentissages et à améliorer les conditions d'enseignement. Ainsi, la mise en œuvre d'enseignements généraux rénovés et ambitieux – et non amoindris, contrairement à ce que vous sembliez dire – et de modalités pédagogiques diversifiées vise à améliorer l'articulation entre enseignement général et enseignement professionnel. C'est le cas par exemple de la co-intervention : on associe dans une même classe un enseignant d'enseignement général et un enseignant d'enseignement professionnel.

Grâce à l'accompagnement renforcé des élèves, la réforme permettra de consolider des acquis fondamentaux, en mathématiques et en français, de personnaliser les parcours de formation, rendant les apprentissages plus progressifs et de transmettre des savoirs professionnels adaptés aux métiers de demain.

La mise en place de modules d'insertion professionnelle et de modules de poursuite d'études, en terminale professionnelle, permettra de soutenir les élèves dans l'élaboration de leur projet post-baccalauréat, en particulier vers les BTS.

L'allégement du volume horaire des élèves, bien inférieur à vos estimations, favorise justement la qualité des apprentissages. Le volume actuel de trente-quatre heures et demie, proche du temps de travail hebdomadaire en France, ne garantissait pas cette qualité. La France affiche certes le volume horaire le plus élevé mais sans pouvoir mettre en regard pour autant des taux d'insertion satisfaisants. Il s'agit donc d'améliorer la qualité, en proposant un apprentissage professionnel plus adapté à la jeunesse et plus à même de lui permettre la poursuite des études.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette réforme. Je m'adresse au président de l'Assemblée nationale : le Gouvernement s'organise comme il le souhaite…

M. le président. Absolument.

M. Thierry Benoit. …mais il est un mot qu'il conviendrait de placer au sommet du débat public actuellement : respect. Il faut respecter les Français, respecter les députés. La moindre des choses, monsieur le président, aurait été que le ministre de l'éducation nationale, auprès duquel travaille aussi un secrétaire d'État, informe le député de son indisponibilité pour répondre et le prie de l'excuser. Je n'admets pas que la secrétaire d'État chargée des anciens combattants soit amenée à répondre à une question que des professeurs de lycée ont pris le temps de rédiger – le député n'est ici que le messager. Nous y reviendrons. Au-delà de la réforme du bac et des lycées, c'est la question du fonctionnement de notre Assemblée qui est posée.

M. le président. Je tiens à vous rappeler, mon cher collègue, qu'une décision rendue par le Conseil constitutionnel en 1964 a clairement tranché la question du point de vue juridique.

M. Thierry Benoit. Pff ! Le débat est clos !

M. le président. Je prends néanmoins bonne note de votre protestation.

Données clés

Auteur : M. Thierry Benoit

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement secondaire

Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2019

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