Question orale n° 589 :
Retour des djihadistes détenant la nationalité française

15e Législature

Question de : Mme Marine Le Pen
Pas-de-Calais (11e circonscription) - Non inscrit

Mme Marine Le Pen interroge M. le ministre de l'intérieur sur les djihadistes détenant la nationalité française aujourd'hui prisonniers en Syrie et en Irak dont le retour en France est envisagé par le Gouvernement, à la suite du départ annoncé des troupes américaines de cette zone de conflit. La presse évoque le chiffre de 130 personnes sans préciser si dans ce chiffre est englobé les familles des djihadistes. Le 29 janvier 2019, le Gouvernement, par la voix du ministre de l'intérieur, évoquait le retour des djihadistes ayant la nationalité française sur le territoire national en disant « on sait où ils sont et de qui il s'agit ». Elle souhaiterait par conséquent connaître avec précision le nombre de personnes concernées, qui parmi elles ont une autre nationalité et le cas échéant la ou lesquelles. Elle souhaite également savoir si des discussions ont été entamées avec les pays dont ces djihadistes ont également la nationalité et suivant quel critère le choix d'un retour en France plutôt que dans l'autre pays a été fait. Enfin, elle souhaite savoir pour quelles raisons le Gouvernement n'a pas entamé des procédures de déchéance de nationalité, dès que les autorités françaises ont eu connaissance de leur présence parmi les troupes de l'État Islamique, n'en n'a pas lancé, a minima pour ceux qui ont plusieurs nationalités.

Réponse en séance, et publiée le 20 février 2019

RETOUR DES DJIHADISTES DÉTENANT LA NATIONALITÉ FRANÇAISE
M. le président. La parole est à Mme Marine Le Pen, pour exposer sa question, n°  589, relative au retour des djihadistes détenant la nationalité française.

Mme Marine Le Pen. « S'il y a des djihadistes qui périssent dans ces combats, je dirais que c'est tant mieux. Nous ne pouvons rien faire pour empêcher leur retour. Nous pouvons poursuivre le combat pour neutraliser le maximum de djihadistes. » Vous aurez reconnu les propos de Mme la ministre des armées, le 15 octobre 2017. Depuis, les arbitrages n'ont malheureusement pas penché en faveur de Florence Parly. En effet, suite au départ prévu des troupes américaines, le Gouvernement a annoncé la mise en place d'un dispositif afin de faire revenir une centaine de djihadistes sur notre sol – 130 selon la presse.

Ces djihadistes détenant la nationalité française sont aujourd'hui prisonniers en Syrie et le Gouvernement travaillerait donc à les faire revenir sans qu'ils aient été jugés là où ils ont commis leurs crimes. Drôle de conception du droit international ! Le 29 janvier dernier, Gouvernement, par la voix de Christophe Castaner, expliquait : « on sait où ils sont et de qui il s'agit ». Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, que vous indiquiez avec précision à la représentation nationale le nombre de personnes concernées, qui parmi elles ont une autre nationalité, et le cas échéant la ou lesquelles.

Pour les binationaux, voire les multinationaux, pouvez-vous nous indiquer si des discussions ont été entamées avec les pays dont ces djihadistes ont également la nationalité, et suivant quel critère le choix d'un retour en France, plutôt que dans l'autre pays, a été fait ?

Enfin, comme je ne comprends toujours pas pourquoi le Gouvernement n'a pas entamé des procédures de déchéance de nationalité dès qu'il a eu connaissance de l'identité de ces soldats de l'État islamique, qui sont de facto des ennemis de la France. Pouvez-vous nous éclairer sur l'intérêt pour la France de les garder parmi ses citoyens ?

Les islamistes, comme M. Finkelkraut en a fait l'expérience ce week-end, sont déjà largement présents sur notre sol. Pourquoi voulez-vous donc à tout prix grossir leurs troupes en faisant revenir les plus dangereux d'entre eux ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame Le Pen, vous évoquez la situation des djihadistes français qui sont partis sur zone en Syrie et en Irak. Je rappelle d'abord que depuis le début de la période, c'est-à-dire environ depuis 2013, 1 300 personnes ont quitté le territoire national pour aller combattre au djihad. Parmi elles, nous estimons qu'environ à 300 personnes sont décédées sur zone et 270 personnes sont d'ores-et-déjà revenues en France. Il demeurerait quelques centaines d'adultes toujours vivants en Syrie et en Irak.

Concernant la question très précise du nombre de prisonniers en Syrie et en Irak, vous savez que la plupart d'entre eux sont détenus en Syrie par les forces démocratiques syriennes, majoritairement composées de Kurdes. Ils le sont dans des conditions que nous connaissons et qu'il ne m'appartient pas de révéler puisqu'elles sont couvertes par le secret de la défense nationale. Je vous répète que nous considérons comme tout à fait normal que ces personnes soient jugées là où elles ont commis des exactions. Nous avons d'ailleurs toute confiance dans nos alliés pour en assurer la garde et les maintenir en sécurité.

Vous avez raison d'évoquer le contexte international et la décision de retrait prise par les Américains, laquelle est susceptible d'avoir un impact sur cette situation. Dans ces conditions, il est tout à fait normal que le gouvernement français travaille à différentes options. Le « rapatriement », que vous évoquez, n'est qu'une de ces options, et constitue d'ailleurs une expulsion plutôt qu'un rapatriement. Bref, nous travaillons à toutes les options, et je tiens à vous dire que l'option de l'expulsion n'est à ce jour pas d'actualité. Ces personnes sont pour l'instant détenues en Syrie et cette situation demeure en l'état. Mais il est normal – et je regrette les fuites qu'on a trouvées dans la presse – que le Gouvernement travaille aux conditions dans lesquelles pourraient être accueillies des personnes expulsées.

Je vous rassure : les 270 personnes qui sont déjà revenues de Syrie et d'Irak ont dans leur quasi-totalité fait l'objet d'une procédure judiciaire et bon nombre d'entre elles se trouvent actuellement incarcérées. Celles qui ont purgé leur peine sont très attentivement suivies par les services de renseignement. Les individus qui ont fait le choix d'aller combattre en Syrie et en Irak pour le djihad doivent assumer la responsabilité de leurs actes. De même, une centaine d'enfants sont déjà revenus sur le territoire national avec leurs parents. Ils sont placés dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, généralement en familles d'accueil.

Je répète que l'expulsion n'est à ce jour pas d'actualité, même si nous y travaillons. Par ailleurs, nous sommes capables de traiter la situation de ces individus. Au cas où ils remettraient le pied sur le territoire national, ils feraient l'objet d'une procédure judiciaire et seraient donc incarcérés.

M. le président. La parole est à Mme Marine Le Pen.

Mme Marine Le Pen. J'en conclus que vous n'entendez absolument pas les déchoir de leur nationalité et les expulser définitivement du territoire national. Or la durée moyenne de condamnation des « revenants » condamnés est de huit ans, ce qui signifie, et c'est l'avocate qui vous parle, que dans cinq ans ils seront de nouveau dans les rues de nos villes, après avoir commis des exactions épouvantables, véritablement barbares, là où ils sont partis ! Il me semble que le Gouvernement ferait mieux de s'intéresser aux moyens d'envoyer définitivement hors de notre territoire les gens qui ont commis ces exactions, plutôt que de chercher à les y faire revenir.

Données clés

Auteur : Mme Marine Le Pen

Type de question : Question orale

Rubrique : Terrorisme

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 février 2019

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