Question orale n° 593 :
Impact du CDG-Express et suspension des travaux

15e Législature

Question de : Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Mme Frédérique Dumas attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur le projet de ligne à grande vitesse Charles-de-Gaulle Express qui devrait relier l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle à la gare de l'est. Différentes études techniques et environnementales ont montré que le chantier impactera de manière très négative l'exploitation des lignes du RER B, mais aussi de celles du RER E ainsi que celles des lignes P et K. La modernisation du RER B étant programmée pour se terminer en 2025, le risque de voir ce délai reporté par ces travaux est plus que prévisible. Mais c'est aussi l'existence du CDG express lui-même, tel qu'il est conçu, qui risque de dégrader durablement le trafic sur le RER B, donc la vie quotidienne des usagers. C'est d'ailleurs à ce titre que le conseil d'administration d'Île-de-France Mobilité demandait le 12 décembre 2018 « la suspension des travaux tant que toutes les garanties n'auraient pas été données sur l'absence d'impact sur les voyageurs du quotidien ». Le préfet de région, Michel Cadot, a récemment été chargé de mener une consultation à laquelle seuls les députés de Paris ont été conviés, excluant ainsi les députés d'Île-de-France, donc les députés les plus concernés par les impacts négatifs du projet, et alors que l'ensemble des associations d'usagers et de nombreux élus demandent depuis longtemps de reporter et de réinterroger ce projet coûteux impactant la vie des usagers du quotidien. Par ailleurs, le coût de ce projet, 2 milliards d'euros, financé par un emprunt d'État comme l'a autorisé la loi de finances pour 2018, menace les finances publiques du fait des dépassements attendus et d'un réel risque de déficit d'exploitation à terme. En effet les faiblesses intrinsèques de la conception du projet ne lui permettront pas de remplir les objectifs qui lui ont été assignés. Elle lui demande si le Gouvernement acceptera de suspendre les travaux comme demandé par Île-de-France Mobilité ainsi que par les associations d'élus et d'usagers et, si, en second lieu, à l'heure du grand débat national, le Gouvernement serait par ailleurs prêt à réinterroger de manière sérieuse l'opportunité de la réalisation d'un tel projet, comme il a pu le faire concernant Notre-Dame-des-Landes.

Réponse en séance, et publiée le 20 février 2019

CDG EXPRESS
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour exposer sa question, n°  593, relative au CDG Express.

Mme Frédérique Dumas. Madame la ministre chargée des transports, dans une interview au Parisien du 5 février dernier, vous avez annoncé la signature du contrat de concession pour la réalisation du CDG Express, en assurant que « cela ne se fera pas au détriment des transports franciliens ». Nous avons alors été cinq députés à diffuser un communiqué de presse pointant les nombreuses incohérences du dossier. Nous demandions, comme de nombreux élus et citoyens, le report, et non l'étalement, de ce chantier comme cela semble être envisagé.

Le préfet Cadot a confirmé dans son pré-rapport que « si l'impact des travaux serait acceptable en 2019 et 2020 », ce ne serait pas le cas entre 2020 et 2024 « sans un plan inédit et ambitieux ». Il a par ailleurs relevé les incertitudes pesant sur l'impact des travaux, en précisant que « les solutions en cours d'étude ne seront connues et leur efficacité démontrée qu'à l'issue de la mission de coordination fin mars 2019 ». Ce n'est qu'à cette échéance qu'il sera possible « de confirmer l'impact des travaux sur les trains du quotidien ».

Je souhaite vous poser deux questions, madame la ministre. Première question : alors que tout se décide un peu dans la précipitation, pouvez-vous nous garantir que le principe que vous avez vous même fixé, de la neutralité du projet CDG Express sur le RER B, aussi bien durant la phase de travaux qu'ultérieurement en exploitation, sera respecté ?

Seconde question : il n'a été possible, ni à Nicolas Sarkozy, ni à Manuel Valls, qui tenaient à ce projet, de trouver une solution de financement émanant du privé, du fait des interrogations sévères sur l'équilibre d'exploitation de la ligne à terme. Le Gouvernement a donc pris la décision, afin de respecter la parole donnée que le CDG Express serait prêt pour les Jeux olympiques, de devenir le créancier de ce projet pour un montant qui s'élève à ce jour à 1,8 milliard d'euros.

Il s'agit certes non pas d'une subvention publique mais d'un prêt remboursable. Mais la loi de finances pour 2018 précise bien que les dépenses et la dette seront consolidées au sein des finances publiques et que la société dédiée appartient à la catégorie des organismes divers d'administration centrale. Si la concession a bien été ainsi accordée à un consortium de droit privé, les principaux actionnaires sont des entreprises publiques : SNCF Réseau d'une part, Aéroports de Paris d'autre part, dont la privatisation annoncée est fortement contestée.

Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que le contrat de concession ne comporte aucune garantie de l’État ? Pouvez-vous également nous assurer que, sous une forme ou sous une autre, les finances publiques ne seront pas engagées en cas de déficit d'exploitation ?

Si le lien de confiance est rompu entre les Français et leurs dirigeants, c'est que, bien trop souvent, les engagements ne sont pas tenus. Car les paroles s'envolent, les ministres passent – je le dis non pas pour vous mais de manière générale –, alors que les conséquences des décisions prises, elles, sont inéluctables.

Ces deux questions, madame la ministre, je vous les pose solennellement : vos réponses engageront la parole de l'État et votre propre parole, devant les citoyens. Elles vous engageront pour l'avenir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Madame la députée, j'entends vos inquiétudes concernant le CDG Express, notamment son impact sur les lignes du quotidien que sont le RER B, le RER D ou encore les lignes P et K du Transilien. Cependant, personne ne peut se satisfaire de la desserte actuelle de l'aéroport. L'objectif est donc de reporter le trafic de la route vers le rail, tout en évitant une cohabitation délicate des usagers du RER B avec des passagers transportant des bagages.

Je l'ai déjà affirmé très clairement : il n'est pas question que le CGD Express se fasse au détriment des transports du quotidien. Je le répète : il n'y pas 1 euro de subvention publique à destination de ce projet, qui sera financé à hauteur respective de 60 % par ses utilisateurs et de 40 % par une taxe sur les billets d'avion.

Vous m'avez interrogée sur la fragilité financière du projet : nous sommes encore loin d'avoir atteint le plafond, prévu par la loi, de la taxe sur les billets aériens. Le contrat prévoit, de plus, de nombreux dispositifs de rééquilibrage si la trajectoire du projet ne devait pas être nominale.

Je tiens aussi à rappeler que, sur les 1,8 milliards d'euros investis – sans aucune subvention publique –, 530 millions serviront à des améliorations sur le RER B, notamment sur la partie sud de la ligne, en garantissant une plus grande robustesse et une meilleure ponctualité grâce à trois retournements qui permettront de limiter les conséquences des incidents.

Ma priorité n'a jamais changé : elle va aux transports du quotidien. La totalité des investissements de l’État en Île-de-France y est consacrée, avec un niveau d'investissements inédit : 7,6 milliards d’euros dans le cadre du contrat de plan, plus de 200 kilomètres de lignes nouvelles de métro et un effort de modernisation du réseau ferroviaire multiplié par trois.

Jamais le projet CDG Express ne passera avant la priorité donnée aux transports du quotidien : telle est ma ligne rouge, je vous le confirme. Je suis donc prête, et je l'ai déjà dit, à ce qu'il soit ajusté autant que nécessaire pour respecter cette priorité, y compris en matière de calendrier. Le préfet, chargé de coordonner l'ensemble des travaux prévus sur le secteur, nous rendra ses recommandations à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril. Nous veillerons de près à ce que les usagers et les collectivités soient associés aux travaux en toute transparence.

En réponse aux inquiétudes que vous aviez déjà exprimées, une réunion est prévue, ce jeudi, avec les parlementaires des Hauts-de-Seine et le préfet de région : elle permettra, je l’espère, de répondre à vos interrogations sur le CDG Express et de recueillir toutes vos propositions.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. S'agissant de l'impact des travaux, quelle valeur ont les garanties que vous apportez puisque, comme l'a indiqué le préfet Cadot, les conclusions sur le sujet ne sont pas encore rendues – elles ne le seront que fin mars ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. J'ai dit que nous en tiendrions compte.

Mme Frédérique Dumas. Votre engagement ne s'appuie donc pas sur des garanties certaines, lesquelles sont très ambitieuses, comme l'a souligné le préfet lui-même.

De plus, si le financement n'est pas assuré par une subvention publique, toutefois, les actionnaires de la société privée appartiennent au public : les finances de l'État pourront dont être sollicitées.

Données clés

Auteur : Mme Frédérique Dumas

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports ferroviaires

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 février 2019

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