Question orale n° 634 :
Congés bonifiés

15e Législature

Question de : Mme Manuéla Kéclard-Mondésir
Martinique (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir interroge M. le Premier ministre sur les congés bonifiés auxquels ont droit depuis plus de trente ans les fonctionnaires originaires des outre-mer. Cette mesure institué par Raymond Barre qui, en tant que Réunionnais, connaissait les difficultés des originaires des outre-mer en métropole a pour finalité de redonner plus d'égalité dans les carrières en limitant les distorsions de droit entre fonctionnaires métropolitains et d'outre-mer. Ce n'est d'évidence pas la même chose que de pouvoir revenir chez soi de Paris à Limoges que de Paris à Fort-de-France ! De même, cette mesure s'inscrit dans une politique de continuité territoriale à laquelle les originaires des outre-mer ont droit. Or ces derniers sont doublement inquiets aujourd'hui. Tout d'abord parce que de plus en plus d'administrations, notamment dans le secteur hospitalier ou les collectivités territoriales refusent de plus en plus ce droit à leurs fonctionnaires originaires des outre-mer. Depuis les décrets de 1978 et de 1987 il faut justifier de critères matériels et moraux comme la naissance outre-mer, le domicile des parents outre-mer, la scolarisation outre-mer, le domicile outre-mer avant l'entrée dans l'administration, etc., qui sont laissés à la libre appréciation des services, qui souvent en rajoutent pour justifier leur refus. Avec parfois des situations ubuesques où un fonctionnaire originaire d'outre-mer se voit accorder ce droit une année puis refuser celui-ci trois ans plus tard... alors que sa situation n'a pas changé ! Ce droit acquis quand la France avait besoin des ressortissants des outre-mer pour moderniser sa fonction publique est aujourd'hui bafoué et remis en cause. Et c'est une grande inquiétude pour nos compatriotes. Une autre inquiétude résulte des déclarations du Président de la République faites le 28 octobre 2017 à Cayenne et du Premier ministre récemment, appelant à une réforme des congés bonifiés. Mme la députée souligne que s'il est évidemment concevable de réformer ce droit, il ne peut être acceptable de le supprimer ou de le réduire pour des raisons simplement comptables. 30 000 personnes y ont recours chaque année et cette mesure est souvent la seule qui permette à des familles éloignées et séparées de pouvoir se revoir une fois tous les trois ans. Elle lui demande en conséquence de lui confirmer que ce droit sera maintenu et même clarifié pour limiter les interprétations administratives aléatoires ou abusives. Elle lui demande enfin pour dissiper toute inquiétude de lui préciser comment ce droit aux congés bonifiés pour les fonctionnaires d'outre-mer sera modifié.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2019

CONGÉS BONIFIÉS DES FONCTIONNAIRES ORIGINAIRES DES OUTRE-MER
M. le président. La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, pour exposer sa question, n°  634, relative aux congés bonifiés des fonctionnaires originaires des outre-mer.

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Le 11 janvier dernier, une réunion interministérielle sur la réforme des congés bonifiés s'est tenue à Matignon. Il n'est pas de notre volonté de nous opposer au principe d'une réforme en la matière ; mais le Gouvernement touche là à une mesure qui a été instituée par Michel Debré et Raymond Barre, deux Premiers ministres issus des outre-Mer, qui entendaient ainsi ramener un peu d'égalité dans la situation des fonctionnaires, qu'ils soient d'origine ultramarine ou métropolitaine.

En effet, un fonctionnaire métropolitain, même éloigné de sa région et de sa famille, peut y retourner chaque week-end ou chaque mois ; c'est impensable pour un fonctionnaire originaire d'outre-mer muté en métropole, comme pour un fonctionnaire métropolitain muté outre-mer. Le dispositif concerné vise donc bien à réduire une inégalité de situation. Et on comprend l'émotion des familles, ici comme outre-mer.

Pouvez-vous confirmer que la réforme que vous envisagez maintiendra le principe de la surrémunération pour tenir compte du coût de la vie chère outre-mer ? Pouvez-vous également nous confirmer que les fonctionnaires – qui partent évidemment en famille – n'auront pas à faire l'avance des billets d'avion, quelle que soit la fréquence retenue ?

Il serait peut-être plus judicieux de conforter le droit au recours des congés bonifiés, trop souvent remis en cause, selon l'appréciation aléatoire des critères des intérêts matériels et moraux par les administrations. Une définition claire s'impose. Ces congés ne doivent pas non plus être remis en cause en cas de prise de congés maternité ou parentaux, qui font repartir de zéro la période de trois ans, ce qui empêche parfois tout retour.

Nos populations veulent être rassurées sur ces questions. Aussi, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous clarifier les principes de la réforme en cours ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la députée, lors de son discours en Guyane pour le lancement des Assises de l'outre-mer, le 28 octobre 2017, le Président de la République a lancé une réforme des congés bonifiés. Lors de la restitution de ces assises, le 28 juin 2018, il a confirmé cette attention, annonçant une réforme du dispositif, qui sera effective à compter de 2020 pour les fonctionnaires, avec un objectif et un principe simples : les congés, moins longs, seront désormais autorisés tous les deux ans.

Afin de poursuivre cet objectif, le Gouvernement a souhaité qu'une concertation associant les organisations syndicales représentatives et les employeurs des trois versants de la fonction publique soit organisée à compter du mois de mai 2019. Cette concertation doit notamment permettre d'évaluer le dispositif, dont les caractéristiques actuelles ont été déterminées en 1978 et, le cas échéant, d'identifier les évolutions pertinentes.

En toute hypothèse, et conformément aux annonces du Président de la République, les travaux seront conduits, non pas pour remettre en cause le droit à congés bonifiés, mais pour en moderniser les modalités d'application, de façon à permettre aux personnes concernées de bénéficier de congés plus fréquents, tout en répondant aux enjeux d'efficacité et de continuité des services publics.

Le régime actuel des congés bonifiés n'est plus adapté à notre temps, ni à nos modes de transport et de congés. Le système doit être réformé, non pas pour satisfaire des objectifs budgétaires, mais pour répondre à une meilleure organisation des services et permettre aux agents des retours plus fréquents.

Le Gouvernement souhaite une politique qui incite à revenir en outre-mer plus rapidement, plus facilement, plus souvent, et moins longtemps. L'objectif poursuivi est qu'au lieu de partir tous les trois ans, les agents publics de l'Hexagone, qui ont leurs intérêts matériels et moraux dans les territoires d'outre-mer, pourront partir tous les deux ans avec leur famille, dès l'année 2020, pour ceux qui sont partis en 2018.

Par ailleurs, le congé supplémentaire de trente-cinq jours, qui perdurait pour des raisons historiques, ne se justifie plus aujourd'hui. Seuls les temps de trajet devront être accordés aux bénéficiaires.

Vous avez également raison de souligner, madame la députée, que la question du maintien ou non de la surrémunération ne doit pas être un sujet de la discussion.

Enfin, je me permets de vous indiquer que le Gouvernement ne souhaite pas que les agents aient à faire l'avance des billets d'avion, car cela représenterait une charge trop importante pour un foyer. Il nous faudra trouver un moyen souple et adapté aux propositions, souvent changeantes, des liaisons aériennes.

L'ensemble de ces sujets seront discutés dans le cadre d'une concertation, qui débutera dans les prochaines semaines, pour aboutir à l'été 2019.

M. le président. La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir.

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. J'entends qu'une concertation sera menée avec les représentants des fonctionnaires concernés. Revenir plus souvent, par exemple au bout de deux ans, est une mesure positive, permettant aux fonctionnaires de maintenir le lien avec les familles.

Vous avez apaisé notre inquiétude en répondant à notre principale interrogation, qui portait sur l'avance des billets d'avion. Vous m'avez répondu sur la surrémunération. Compte tenu de l'évolution des conditions de transport depuis 1978, il faudra notamment revoir les modalités de prise en compte des périodes de congés.

Je vous fais donc confiance pour mener à bien la concertation avec les acteurs concernés.

Données clés

Auteur : Mme Manuéla Kéclard-Mondésir

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Action et comptes publics

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2019

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