TVA construction logements sociaux en Corse
Question de :
M. Jean-Félix Acquaviva
Haute-Corse (2e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Jean-Félix Acquaviva alerte M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le relèvement du taux de TVA sur la construction de logements sociaux en Corse. Ces derniers mois, la construction de logements neufs et notamment de logements sociaux est ralentie, alors que la demande est importante. Il y a un mois, dans le cadre d'une alliance assez inédite, les professionnels du bâtiment, les collectivités locales et les associations humanitaires, telle que la Fondation Abbé Pierre, ont poussé un cri d'alarme. L'année 2018 enregistre 7,6 % de permis de construire en moins par rapport à 2017. Certes, des facteurs conjoncturels sont à prendre en compte ; mais les dernières décisions prises par le Gouvernement, en matière de fiscalité relative à l'aide au logement (rabotage des APL dont celles dites « accession » et fin du prêt à taux zéro dans les zones rurales et périurbaines), ont malheureusement eu les effets négatifs, redoutés et dénoncés par plusieurs membres de l'opposition dans cette Assemblée. En Corse, plus spécifiquement, en plus des rabotages évoqués, la décision du Gouvernement de relever le taux réduit de 5,5 % à 10 % sur la construction de logements sociaux, dont bénéficiait la Corse, en tant que zone insulaire, « île-montagne » reconnue par la loi, à l'instar de l'outre-mer, mine gravement les perspectives de construction. La situation est pourtant grave : 20 % de taux de pauvreté (14 % dans l'Hexagone) ; un taux de logement social qui s'élève seulement à 10 % (17 % au niveau hexagonal) ; un ratio entre le stock de la demande de logement social et le nombre d'attribution qui est de facto très fort, il culmine à 6 (il est seulement de 3,8 en France). Les bailleurs sociaux, dont l'Office public de l'habitat de la collectivité de Corse, à titre d'exemple, sont étranglés. Malgré la bonne volonté de ce dernier ainsi que ses efforts de redressement, il lui faudra puiser pas moins de un million d'euros dans ses réserves pour mener à bien les programmes de rénovation. La libéralisation du logement social et la baisse des aides publiques prônées par ce Gouvernement sont catastrophiques pour la Corse, pour ce territoire qui tente de reconstruire son économie, fortement impactée par la pression de l'attractivité touristique qui apporte son lot de spéculation foncière et immobilière. Il est difficile de se résoudre à cette réalité de la Corse, à savoir qu'il est plus intéressant pour un promoteur de construire une villa luxueuse au bord de mer pour un riche vacancier, deux mois dans l'année, plutôt que de construire un logement pour une famille corse, dans le besoin. Le rééquilibrage doit être opéré de manière urgente. La collectivité de Corse et les parlementaires de l'île sont prêts à travailler dans le sens d'une politique du logement plus ambitieuse et plus équitable. Il invite le Gouvernement à prendre la mesure de la situation et à revenir à une TVA à 5,5 % pour la construction de logements sociaux en Corse.
Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2019
TVA SUR LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX EN CORSE
M. le président. La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour exposer sa question, n° 653, relative à la TVA sur la construction de logements sociaux en Corse.
M. Jean-Félix Acquaviva. Monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, ces derniers mois, le rythme de construction de logements neufs, notamment de logements sociaux, a ralenti, alors que la demande est importante. Il y a un mois, dans le cadre d'une alliance assez inédite, les professionnels du bâtiment, les collectivités locales et les associations humanitaires, comme la Fondation Abbé-Pierre, ont poussé un cri d'alarme. En 2018, une baisse de 7,6 % des permis de construire a d'ailleurs été enregistrée par rapport à 2017.
Si des facteurs conjoncturels sont à prendre en compte, les dernières décisions de ce gouvernement en matière de fiscalité relative à l'aide au logement – rabotage des APL, les aides personnalisées au logement, dont celle en faveur de l'accession, fin du prêt à taux zéro dans les zones rurales et périurbaines – ont malheureusement eu des effets négatifs que nous redoutions et que nous avions dénoncés dans cette assemblée.
En Corse, plus particulièrement, outre les rabotages que je viens d'évoquer, votre décision de relever de 5,5 à 10 % le taux réduit de TVA sur la construction de logements sociaux – dont elle bénéficiait de par la loi, à l'instar de l'outre-mer, en tant que zone insulaire île-montagne reconnue – y mine gravement les perspectives de construction, alors que le parc de logements sociaux de ce territoire accuse déjà un retard très important.
Monsieur le ministre, la situation est grave : l'île connaît un taux de pauvreté de 20 %, contre 14 % en moyenne dans l'Hexagone, et un taux de logement social qui s'élève seulement à 10 %, contre 17 % au niveau hexagonal. Le ratio constaté entre la demande de logements sociaux et le nombre d'attributions est très fort, puisqu'il culmine à 6, contre seulement 3,8 en France continentale. Les bailleurs sociaux, comme l'Office public de l'habitat de la collectivité de Corse, y sont étranglés. Malgré sa bonne volonté et ses efforts de redressement, il lui faudra puiser pas moins d'1 million d'euros dans ses réserves pour mener à bien ses programmes de rénovation.
La libéralisation du logement social et la baisse des aides publiques qui ont été prônées sont catastrophiques pour la Corse et les autres territoires à fortes contraintes où l'économie est fortement touchée par la pression de l'attractivité touristique. Cela apporte son lot trop important de spéculation foncière et immobilière, engendrant une rente foncière insupportable. Nous ne nous résoudrons jamais à cette réalité que nous vivons : il s'avère plus intéressant pour un promoteur de construire une villa luxueuse en bord de mer pour un riche vacancier qui n'y séjournera que deux mois dans l'année plutôt qu'un logement pour une famille insulaire dans le besoin.
Le rééquilibrage doit s'opérer de manière urgente. Nous sommes prêts à y travailler. Nous estimons que vous devez prendre la mesure de la situation et revenir à une TVA à 5,5 % pour la construction de logements sociaux en Corse.
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Monsieur Acquaviva, je vous prie d'excuser M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, qui, ne pouvant être présent, m'a chargé de vous lire la réponse qu'il avait préparée à votre attention.
Tout d'abord, j'aimerais revenir sur les chiffres que vous avez évoqués. La baisse de 7,6 % des permis de construire en 2018 doit être relativisée car elle succède à une période de croissance continue, depuis mai 2015, du nombre de ces permis et de la construction de logements ; on se trouve donc actuellement à un niveau très supérieur à celui des années 2013 à 2015. En outre, cette baisse ne vaut pas pour la Corse, où le nombre de logements autorisés a augmenté de 9,3 %.
Le Gouvernement reste néanmoins attentif à la conjoncture de la construction de logements. La loi ELAN, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, adoptée fin 2018, comporte ainsi un volet destiné à soutenir la construction de logements, avec des mesures visant notamment à libérer le foncier – vous l'avez dit –, à simplifier l'acte de construire et les règles d'urbanisme, à accélérer les procédures administratives ou encore à encadrer les recours abusifs.
Quant au volume de logements sociaux financés en 2018 en France métropolitaine continentale, quoiqu'en léger retrait par rapport à 2017 – moins 4 % –, il demeure à un niveau très élevé.
En Corse plus spécifiquement, la croissance du nombre de logements sociaux financés en 2018 est spectaculaire : elle s'établit à 20 % tous logements sociaux confondus, et 134 % pour les logements les plus sociaux, financés grâce à des PLAI, des prêts locatifs aidés d'intégration.
Le Gouvernement ne méconnaît pas pour autant les efforts du secteur du logement social, dont plusieurs mesures témoignent. Je pense notamment à deux d'entre elles : la mise en œuvre, dès 2018, de la réduction de loyer de solidarité destinée à contenir les dépenses d'allocation logement sans affecter le pouvoir d'achat des locataires ; la hausse du taux de TVA de 5,5 à 10 %. Le Gouvernement a donc accompagné les bailleurs sociaux par des mesures de soutien, comprenant notamment un plan de la Caisse des dépôts et consignations de 10 milliards d'euros de financements ainsi que le gel à 0,75 % du taux du livret A.
Ont été parallèlement adoptées des mesures favorables à une augmentation progressive des ventes de logements HLM, en priorité aux locataires du parc social.
Pour venir en aide aux bailleurs fragilisés, le Gouvernement a également prévu la création d'un dispositif de péréquation via la Caisse de garantie du logement locatif social.
Est enfin engagée, sous la conduite du Premier ministre, une concertation avec les représentants des bailleurs sociaux sur la clause dite « de revoyure », afin d'évaluer l'impact des mesures de la loi de finances pour 2018 et du dispositif d'accompagnement, et d'envisager d'éventuels ajustements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour un mot.
M. Jean-Félix Acquaviva. Je serai très rapide.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les éléments de réponse globaux que vous m'avez apportés s'agissant de la France continentale.
Je note simplement qu'il existe encore un décalage entre ceux-ci et la réalité territoriale spécifique à la Corse, évident à la lumière des chiffres annoncés. Vous avez évoqué le taux de croissance, certes ; mais comme nous partions de très loin, comme nous sommes victimes d'un effet ciseau dû à la rareté foncière, plus forte qu'ailleurs – je rappelle qu'en Corse, le taux de résidences secondaires est de 39 %, contre 9 % en moyenne à l'échelle métropolitaine –, et que ce phénomène s'aggrave, et comme les fonds propres de l'Office public de l'habitat diminuent, je vous donne malheureusement rendez-vous l'année prochaine pour constater que ce taux de croissance accusera une baisse et même que des opérations auront dû être stoppées. Je vous lance donc un appel urgent !
Auteur : M. Jean-Félix Acquaviva
Type de question : Question orale
Rubrique : Taxe sur la valeur ajoutée
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Ville et logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2019