Question orale n° 695 :
Contrôle de l'instruction en famille

15e Législature

Question de : Mme Lise Magnier
Marne (4e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Mme Lise Magnier attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'article 5 du projet de loi pour une école de confiance relatif au contrôle de l'instruction dans la famille. En raison de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire dès trois ans, les familles qui dispensent l'instruction à leurs enfants, s'inquiètent des critères d'évaluation. Si dès le cours préparatoire, l'évaluation peut s'appuyer sur une grille d'indicateurs objectifs tels qu'écrire, lire et compter, le contrôle sera davantage suggestif pour les enfants plus jeunes. En effet, la période entre les trois et les cinq ans de l'enfant est dédiée à l'apprentissage de la parole, à l'éveil et à la découverte. Durant cette période, les différences de niveaux peuvent être importantes, ce qui rend l'évaluation de fait suggestive. Par ailleurs, les parents regrettent l'absence de la dimension d'accompagnement dans la définition du rôle des inspecteurs en charge du contrôle et dans la nature même de ce contrôle. Ils comprennent le bien-fondé de cet article et ne remettent pas en cause la nécessité de s'assurer que chaque enfant bénéficie effectivement d'une instruction. Toutefois, ils évoquent une trop grande disparité de l'appréciation des acquis d'un inspecteur à l'autre. Aussi, elle souhaite connaître les évolutions envisagées pour l'adaptation du contrôle pour les enfants de moins de six ans mais également un travail plus coordonné avec les parents dans le cadre des contrôles opérés par les inspecteurs.

Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2019

CONTRÔLE DE L'INSTRUCTION SCOLAIRE DISPENSÉE PAR LES FAMILLES
M. le président. La parole est à Mme Lise Magnier, pour exposer sa question, n°  695, relative au contrôle de l'instruction scolaire dispensée par les familles.

Mme Lise Magnier. Ma question porte sur le contrôle de l'instruction en famille. Les parents qui font le choix de ce type d'instruction m'ont en effet alertée sur le contrôle réalisé par l'inspection d'académie. Sans aucunement remettre en cause ce contrôle, dont ils comprennent et acceptent la nécessité, ils s'interrogent sur son contenu et les conditions de sa mise en œuvre. Tout d'abord, avec l'instruction obligatoire dès 3 ans, qui est une très bonne chose, les parents s'interrogent sur les critères d'évaluation du niveau attendu par l'inspection académique pour ces très jeunes enfants. En effet, la période comprise entre les 3 ans et les 5 ans de l'enfant est dédiée à l'apprentissage de la parole, à l'éveil et à la découverte. Les différences de niveau entre les enfants – qu'ils soient scolarisés ou non, d'ailleurs – peuvent être importantes. Ma première question, monsieur le ministre, porte sur la teneur des critères d'évaluation que vous souhaitez développer pour les tout-petits.

Plus généralement, les parents qui font le choix de l'instruction en famille regrettent parfois un manque d'accompagnement et de coconstruction dans le cadre des contrôles effectués. J'ai constaté, pour ma part, que ces derniers se caractérisaient par de grandes différences en termes d'exigence ou, autrement dit, de tolérance. Les parents vivent parfois ce contrôle comme une épreuve, plutôt que comme un moment d'échange avec un professionnel de l'éducation, car ils craignent que leur enfant n'entre pas dans les cases – que l'on pourrait qualifier d' « étroites » – définies par l'éducation nationale. Un enfant de 8 ans peut en effet ne pas maîtriser la lecture mais être polyglotte et capable de résoudre des équations. Un inspecteur peut néanmoins estimer que les parents doivent le scolariser, car la case lecture n'est pas cochée, tandis qu'un autre inspecteur invitera les parents – et les accompagnera en ce sens – à développer l'apprentissage de la lecture au cours des mois suivants.

Alors que les écoles dites « alternatives » sont de plus en plus nombreuses et que les nouvelles approches pédagogiques font leurs preuves, envisagez-vous, monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la recherche, de faire évoluer le contenu et les grilles de ce contrôle pour mieux tenir compte de l'évolution globale de l'enfant, de sa curiosité, de son ouverture au monde et de ses acquis et, ainsi, de promouvoir un suivi éducatif plus équitable, plus équilibré, nécessaire à chaque enfant ? La formation des inspecteurs peut-elle également évoluer pour qu'ils exercent un rôle d'accompagnement des parents qui font le choix de l'instruction en famille, et non de sanction, comme les familles le ressentent trop souvent ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame Magnier, je vous remercie d'avoir soulevé cette question très importante, en dégageant, ce faisant, de nombreuses pistes de progrès.

Comme vous l'avez dit, l'abaissement de l'âge de l'instruction de 6 à 3 ans, que vous avez salué – je vous en remercie – entrera en application à la rentrée prochaine. L'inégalité que nous voulons combattre à la racine, vous le savez, concerne l'acquisition du langage. Il est exact qu'en fixant l'âge de l'instruction à 3 ans, l'article 2 du projet de loi étend le contrôle de l'instruction dans la famille aux enfants âgés de 3 à 5 ans, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Cela ouvre un espace de contrôle – destiné à éviter certaines pratiques – mais aussi un espace de coopération. L'acquisition progressive du langage constitue évidemment l'épine dorsale du contrôle pédagogique. Nous introduisons en conséquence un critère d'évaluation dans le projet de loi, à savoir la maîtrise progressive de chacun des domaines du socle commun, de façon à ce que les enfants puissent partir sur un pied d'égalité au moment de l'entrée au cours préparatoire. Le socle commun sera donc étendu par voie réglementaire au cycle 1, autrement dit à l'école maternelle. La réflexion sur l'extension du socle commun aux enfants âgés de 3 à 5 ans pourra s'appuyer sur le travail très concret réalisé dans le cadre de ce cycle.

Votre inquiétude porte aussi sur les modalités du contrôle pédagogique, tout particulièrement concernant les très jeunes enfants.

Le code de l'éducation prévoit déjà que la progression retenue pour l'acquisition des connaissances et des compétences de l'enfant doit être compatible avec l'âge de l'enfant et son état de santé. Un entretien avec les parents est également prévu, afin qu'ils puissent préciser à cette occasion la démarche et les méthodes pédagogiques qu'ils appliquent.

Par ailleurs, les inspecteurs de l'éducation nationale connaissent à la fois les aptitudes et les comportements. Ils bénéficieront d'un accompagnement avec la publication d'un guide dédié à ce type de contrôle.

J'espère que ces éléments sont de nature à vous rassurer. L'état d'esprit est la confiance, qui donne son nom à la loi.

Données clés

Auteur : Mme Lise Magnier

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 26 mars 2019

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