Financement des ateliers socio-linguistiques dans les territoires
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Mme Danièle Obono alerte Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les conséquences du resserrement des financements des Ateliers sociolinguistiques (ASL) aux étrangères et étrangers primo-arrivants. Depuis 2017, le financement des ASL est passé sous la coupe du ministère de l'intérieur et ne concerne que les personnes nouvellement arrivées en France. Pour les personnes présentes depuis longtemps en France et nécessitant des cours de français, les offres proposées par les associations se voient réduites du fait d'une diminution des moyens qui y sont dédiés. Cela nuit fortement à la cohésion sociale sur les territoires. Elle lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question.
Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019
FINANCEMENT DES ATELIERS SOCIOLINGUISTIQUES
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, n° 697, relative au financement des ateliers sociolinguistiques.
Mme Danièle Obono. Ma question, qui s'adressait à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, porte sur les ateliers sociolinguistiques.
Depuis le début de mon mandat, je suis interpellée par de nombreuses associations sur le resserrement par le ministère de l'intérieur du financement des ateliers sociolinguistiques – les ASL – aux seuls étrangers primo-arrivants. Si nous voulions interroger Mme la ministre de la cohésion des territoires, c'est parce qu'il nous semble problématique de faire dépendre ce financement du seul ministère de l'intérieur, alors que les ateliers sociolinguistiques contribuent, de notre point de vue, à l'insertion des personnes étrangères souhaitant apprendre le français ou améliorer leur connaissance du français, donc à la cohésion des territoires. Le choix de resserrer ce financement, qui répond à une logique purement comptable, a au moins deux conséquences majeures et néfastes.
Le premier effet néfaste concerne les personnes désireuses d'apprendre. En effet, cette décision réduit fortement l'accès aux ateliers sociolinguistiques des personnes résidant depuis longtemps sur le territoire, puisqu'ils sont désormais réservés aux primo-arrivants. Un centre social de ma circonscription, qui organise beaucoup d'ateliers de ce type, estime ainsi que seuls 12 % de leur public y sont éligibles. Ainsi, bien que la demande soit extrêmement forte, l'accès est restreint du fait des nouveaux critères édictés en 2017.
Le deuxième effet néfaste concerne les associations proposant des cours de français. Toutes les argumentations techniques ne pourront pas masquer la réalité : les associations ont moins de moyens pour mettre en œuvre ces ateliers. Alors qu'elles courent déjà après des bouts de chandelles pour réussir à proposer ces activités d'intérêt général, elles se retrouvent obligées de refuser des personnes qui auraient pourtant besoin de ces formations. Elles ont d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises, avec le mouvement Le français pour tous, en organisant des rassemblements. Je tiens à saluer l'action sur le terrain, au quotidien, de ces associations et de leurs membres, bénévoles dans leur grande majorité, qui assurent le lien indispensable pour l'apprentissage de la langue française, enjeu pour la cohésion sociale et territoriale. Nous estimons qu'il est inconcevable de restreindre l'accès à la langue pour les personnes arrivées il y a plusieurs années, souvent des femmes, et ayant décidé d'améliorer leur connaissance de la langue pour s'insérer plus facilement dans le tissu social et économique. En février 2018, le rapport Taché avait d'ailleurs préconisé de permettre l'accès de toutes et tous à la langue, sans critère administratif, je le rappelle.
Les ateliers sociolinguistiques permettent chaque année à des milliers de personnes d'améliorer leur pratique de la langue, dans le cadre du projet qu'elles déterminent elles-mêmes. Le portage associatif des cours de français permet, au-delà des compétences linguistiques, de travailler sur la citoyenneté et l'engagement collectif, dans une logique d'insertion locale.
En restreignant l'accès à la langue française et en éparpillant les budgets alloués aux associations, votre gouvernement fait le choix, une fois de plus, d'opposer les publics, dans la lignée des politiques menées depuis 2017. Nous souhaitons donc savoir quelle réponse vous êtes prêts à apporter à ces associations, qui fournissent un service essentiel pour la cohésion sociale, pour leur permettre de face à leurs difficultés budgétaires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame Obono, vous m'interrogez sur le financement des ateliers sociolinguistiques s'adressant aux étrangers primo-arrivants.
L'intégration est une politique prioritaire aux yeux du Gouvernement. Si l'on veut assurer la bonne intégration des étrangers qui viennent, en toute régularité, s'installer en France, il convient d'abord de les accompagner pour assurer leur intégration linguistique, je vous rejoins naturellement sur ce point. On le sait, les premières années sont déterminantes. C'est la raison pour laquelle ce gouvernement a décidé de renforcer fortement les efforts déployés en la matière en faveur des étrangers primo-arrivants.
Ainsi, comme l'a acté le comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018, le parcours d'intégration a été profondément rénové, avec un doublement des heures de français et des heures d'instruction civique, et la mise en place d'un accompagnement renforcé vers l'emploi.
Désormais, dans le cadre du contrat d'intégration républicaine, sont proposés, aux étrangers dont le niveau de français est inférieur au niveau Al du cadre européen commun de référence pour les langues, des parcours de formation linguistique spécifiques : des formations de 100, 200 ou 400 heures, voire 600 heures pour les étrangers non lecteurs, non scripteurs et non scolarisés antérieurement, sont dispensées par des prestataires de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'Office propose également des formations linguistiques de 100 heures vers le niveau A2 et de 50 heures vers le niveau B1.
En complément de ces formations dispensées sur tout le territoire national, le ministère de l'intérieur accompagne financièrement, à travers son réseau territorial et en phase avec les besoins locaux, des acteurs associatifs investis dans la formation linguistique des étrangers primo-arrivants, notamment au titre des ateliers sociolinguistiques, qui occupent une fonction primordiale en matière de formation de proximité. L'activité de formation au bénéfice des étrangers présents depuis plus de cinq ans en France, conduite par les ASL, qui ne sont pas destinés exclusivement aux primo-arrivants, peut être subventionnée sur décision du préfet par un autre programme budgétaire de l'État, le 147, « Politique de la ville ». Cela permet aux structures associatives de pérenniser leur soutien aux migrants qui souhaitent continuer à être accompagnés sur la durée de leur présence en France.
M. le président. Je vous redonne la parole, madame Obono, pour une réplique très brève, car vous avez déjà été très prolixe en posant votre question.
Mme Danièle Obono. Ma question, qui, je le répète, s'adressait à la ministre de la cohésion des territoires, portait sur le problème du resserrement du champ du dispositif aux seuls primo-arrivants. Vous avez indiqué que ce n'était pas exclusif alors que, dans les faits, les associations et les préfectures appliquent cela de manière très restrictive.
M. le président. Merci.
Mme Danièle Obono. J'espère que vous saurez donner les instructions permettant aux associations de proposer ce service à tous les étrangers qui souhaitent y accéder.
M. le président. Merci.
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question orale
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019