Question orale n° 698 :
Orpaillage illégal

15e Législature

Question de : M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Gabriel Serville attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'orpaillage illégal en Guyane. Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019

LUTTE CONTRE L'ORPAILLAGE ILLÉGAL EN GUYANE
M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour exposer sa question, n°  698, relative à la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane.

M. Gabriel Serville. Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, voilà une dizaine de jours, les militaires ont détruit trois sites récemment abandonnés par des orpailleurs clandestins sur la crique Bagot, à quelques kilomètres de la station de captage qui irrigue en eau potable les foyers de l'agglomération de Cayenne et de Cacao. Les orpailleurs avaient toutefois décampé bien avant l'arrivée des forces de l'ordre. Ce nouvel épisode malheureux nous indique que les activités de pillage des ressources du sous-sol guyanais se développent manifestement à grande vitesse autour de la capitale, avec la multiplication de chantiers clandestins de petite taille générant toutes les externalités désastreuses que l'on peut imaginer pour la santé publique et la sécurité. Au moment même où notre voisin brésilien déploie plus de 3 000 militaires à la frontière pour lutter contre la criminalité, notre gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de l'ampleur de la tragédie humaine et écologique qui se joue sur le territoire guyanais.

Hélas, nous ne sortirons jamais de cette impasse, tant nous paraît énorme la disproportion entre la nature du fléau et les moyens mis en œuvre pour le combattre. Est-il utile de rappeler ici qu'en vertu de l'article 5 de notre Constitution, le Président de la République est garant de l'intégrité du territoire national et qu'à ce titre, il doit mobiliser les moyens permettant de lutter efficacement pour éradiquer définitivement ce fléau ?

Nous sommes en situation d'échec, et il est plus que temps de changer de stratégie. Pour bien mettre les choses en perspective, je rappelle que 500 unités des forces de l'ordre sont régulièrement mobilisées pour lutter contre 15 000 garimpeiros armés jusqu'aux dents, qui évoluent dans leur milieu naturel et qui, surtout, n'ont rien à perdre. Par comparaison, le 17 mai 2018, pas moins de 1 800 hommes, dont 455 militaires, et des dizaines de fourgons ont été déployés pour déloger 200 zadistes à Notre-Dame-des-Landes. Cherchez l'erreur !

Saurait-on accepter que 15 000 clandestins creusent et pillent les ressources du sous-sol de la Bretagne, du Var ou de la Nouvelle Aquitaine ? Certainement pas ! Pourquoi donc ce qui ne serait pas admissible en France hexagonale le serait-il dans la France d'outre-mer, singulièrement en Guyane ?

Monsieur le secrétaire d'État, n'est-il pas plus que temps de tirer un bilan sincère des opérations Harpie ? Il n'en demeure pas moins que je souhaite rendre hommage aux femmes et aux hommes qui les conduisent, dans des conditions extrêmement difficiles. Ma question est simple : quand le Gouvernement va-t-il enfin déclarer la guerre à l'orpaillage clandestin et illégal qui gangrène le territoire guyanais ? C'est une question de souveraineté nationale.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur Serville, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement ne se résout pas à la situation que vous venez de décrire. Nous agissons avec beaucoup de détermination pour renforcer la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, qui s'inscrit dans la continuité de la mise en œuvre de l'accord du 21 avril 2017, lequel prévoyait la création d'un état-major orpaillage illégal placé auprès du préfet de Guyane, dispositif tout à fait inédit.

L'opération Harpie, lancée le 11 février 2008, a également permis de renforcer le volet répressif de la lutte contre l'orpaillage illégal. Au quotidien, ce sont plus de 300 hommes et femmes qui œuvrent contre ce phénomène, qu'il s'agisse des forces armées en Guyane, des services du procureur de la République ou de tous les autres services de l'État, dans le cadre d'une coordination très étroite, que nous avons encore voulu renforcer. Permettez-moi d'avoir une pensée pour les familles des cinq militaires qui ont perdu la vie dans le cadre de l'opération Harpie.

En 2018, plus de 26 millions d'euros d'avoirs criminels ont été saisis, près de 200 armes à feu confisquées et plus de 4 000 étrangers en situation irrégulière interpellés. Depuis 2008, plus de 15 000 patrouilles ont permis de détruire plus de 5 300 motopompes, soit le nombre nécessaire pour réaliser plus de 2 600 chantiers alluvionnaires. Dans la même période, près d'1 tonne de mercure a été saisie, ce qui a empêché de l'utiliser pour polluer des rivières. L'orpaillage illégal génère une manne financière importante, certains puits produisant de 3 à 4 kilogrammes d'or par mois, soit l'équivalent d'environ 100 000 euros de gains. Cela génère évidemment, de la part des orpailleurs illégaux, une grande violence, notamment vis-à-vis des représentants de l'État.

Il s'agit également, comme vous l'avez rappelé, d'œuvrer sur un terrain particulièrement difficile, grand comme le Portugal et constitué à 90 % de forêt équatoriale, avec 720 kilomètres de frontières avec le Brésil et 540 kilomètres avec le Suriname. La comparaison avec Notre-Dame-des-Landes n'est donc pas tout à fait adaptée, vous en conviendrez. Néanmoins, les moyens que nous déployons sont à la hauteur de ces enjeux : je tiens à dire que toutes les techniques sont mises en œuvre, notamment en matière de renseignement judiciaire, pour observer les communications des orpailleurs sur une zone aussi étendue.

Le Gouvernement a en outre décidé de développer le volet diplomatique de la lutte contre l'orpaillage illégal en nommant un officier de liaison relations internationales dédié plus particulièrement au développement de la coopération avec le Suriname et le Guyana.

Soyez assuré que nous poursuivons cette action avec beaucoup de détermination et beaucoup d'engagement.

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, même si le temps de parole est écoulé – je rappelle aux uns et aux autres que chaque question ne peut excéder six minutes, réponse du Gouvernement et réplique du député incluses.

M. Gabriel Serville. Monsieur le secrétaire d'État, j'entends vos explications, mais le sentiment que nous avons, en Guyane, est que le Gouvernement est en train de transporter de l'eau dans un panier crevé : autant de sites détruits, autant de sites reconstruits dans la foulée. Il serait temps de mettre en place une commission d'enquête parlementaire afin de mieux comprendre ce qui se passe sur ce territoire.

Données clés

Auteur : M. Gabriel Serville

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019

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