Rôle conseil du pharmacien d'officine
Question de :
M. Paul Christophe
Nord (14e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
M. Paul Christophe interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences de l'arrêté du 12 juillet 2017 portant modification des exonérations à la réglementation des substances vénéneuses. Cette décision visait à restreindre l'usage de la codéine par des jeunes dans des cocktails récréatifs, dits « Purple drank ». En réalité, elle a privé le conseil officinal de médicaments à base de codéine, en soumettant leur dispensation à une prescription médicale obligatoire. Cette décision pose la question de la place du pharmacien dans la bonne dispensation des médicaments sans ordonnance. Si beaucoup de médicaments relèvent de la prescription médicale, certains peuvent en effet être dispensés sur le conseil du pharmacien et répondent à une demande des patients pour des pathologies mineures, sans nécessité d'une consultation médicale. Le re-listage massif de médicaments conseils utiles aux patients restreint, un peu plus, le champ d'action des pharmaciens et tend à dévaloriser leur rôle de conseil. Très récemment, l'Ordre national des pharmaciens a proposé la création d'une catégorie des médicaments « de prescription pharmaceutique », sur le modèle pratiqué en Suisse ou au Canada. Il souhaiterait savoir quelles suites elle envisage de donner à cette proposition. Plus largement, il lui demande de lui indiquer les mesures qu'elle prendra pour revaloriser le rôle de conseil du pharmacien.
Réponse en séance, et publiée le 13 décembre 2017
PRESCRIPTION PHARMACEUTIQUE ET RÔLE DES PHARMACIENS
M. le président. La parole est à M. Paul Christophe, pour exposer sa question, n° 7, relative à la prescription pharmaceutique et au rôle des pharmaciens.
M. Paul Christophe. Madame la ministre des solidarités et de la santé, le 12 juillet dernier, vous avez pris un arrêté pour inscrire la codéine et autres dérivés de l'opium sur la liste des médicaments délivrés uniquement sur ordonnance. Cette décision visait à restreindre l'usage de la codéine par des jeunes dans des cocktails récréatifs à base d'antihistaminique et de soda, dits « purple drank », qui ont malheureusement provoqué plusieurs décès.
En réalité, ce relistage massif de médicaments a privé le conseil officinal de moyens d'action et a restreint, un peu plus, le champ d'intervention des pharmaciens, dévalorisant ainsi leur rôle de conseil. En effet, si beaucoup de médicaments relèvent de la prescription médicale, certains peuvent être dispensés sur le conseil du pharmacien et répondent à une demande des patients pour des pathologies mineures, sans nécessiter une consultation médicale.
L'arrêté tend à se focaliser sur les détournements ponctuels d'usage en dépit de l'intérêt général. C’est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais tout d'abord savoir si un retrait de l'arrêté est prévu au profit d'une autre solution revalorisant le rôle de conseil du pharmacien, tout en préservant la santé des jeunes adultes. Tout récemment, l'ordre national des pharmaciens a proposé la création d'une catégorie de médicaments dits « de prescription pharmaceutique », sur le modèle pratiqué en Suisse ou au Canada. Je souhaiterais connaître votre avis sur cette proposition.
Madame la ministre, la profession a besoin de sécurité, de stabilité et de reconnaissance. Le pharmacien n'est pas un épicier : il est un professionnel de santé diplômé et compétent. Comment comptez-vous revaloriser son rôle dans le parcours de soins du patient ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, les abus de médicaments psychotropes évoluent régulièrement, s'agissant en particulier des médicaments à base de codéine. Vous le savez, ces dernières années a été constatée une multiplication, chez des mineurs et des jeunes adultes, du phénomène dit « purple drank», qui a entraîné des décès.
Le 12 juillet dernier, j'ai effectivement signé un arrêté à effet immédiat inscrivant tous les médicaments contenant de la codéine sur la liste des médicaments disponibles sur ordonnance : je ne le regrette pas, parce qu’il n’y a plus eu de décès depuis sa publication. Désormais, les patients ne pourront obtenir un médicament à base de codéine qu'avec une prescription médicale. Cette mesure répond à la difficulté qu’il y a, dans les grandes villes, à dégager le temps du conseil pharmaceutique, qui est plus facilement offert dans les territoires où le pharmacien connaît mieux sa patientèle.
Cependant, le rôle d'acteur de soins de premier recours du pharmacien d'officine et son expertise pharmaceutique doivent être davantage valorisés et utilisés, notamment au regard du virage ambulatoire en cours et de l'augmentation des déserts médicaux. Voilà pourquoi, depuis le 6 octobre dernier, près de 3 000 pharmaciens réalisent par exemple la vaccination contre la grippe saisonnière. Cette expérimentation sera amplifiée. Convaincue de l'intérêt de ce nouveau rôle des pharmaciens d'officine, je mettrai tout en œuvre pour les accompagner dans de nouvelles offres de services.
Une réflexion pourrait, par exemple, être engagée sur la prise en charge par les pharmaciens d'officine de pathologies courantes sur la base d'arbres décisionnels fondés sur des données prouvées et sur une évolution en cohérence du mode de rémunération. Une réflexion plus globale sur les leviers à mettre en œuvre pour rendre plus homogène la qualité de la dispensation en officine pour l'ensemble des médicaments devrait être engagée parallèlement. Elle pourrait concerner des médicaments à prescription médicale obligatoire et à prescription médicale facultative. Le travail est en cours. Je n’adopte pas aujourd’hui l’expression « prescription pharmaceutique » en tant que telle.
M. le président. La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul Christophe. Je vous remercie, madame la ministre, de toute l'attention que vous portez au rôle des officines et au maillage territorial qui nous tient à cœur, compte tenu surtout de la désertification médicale que nous subissons depuis quelques années.
Je souscris bien évidemment à votre réflexion et me tiens à votre disposition si vous souhaitez organiser un groupe de travail ad hoc.
Auteur : M. Paul Christophe
Type de question : Question orale
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2017