Contrôle de l'aptitude à la conduite des séniors
Question de :
M. Christophe Jerretie
Corrèze (1re circonscription) - La République en Marche
M. Christophe Jerretie attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le contrôle de l'aptitude à la conduite des seniors. De manière régulière, et encore très récemment, des accidents de la route mettant en cause des automobilistes âgés sont à regretter, suscitant toujours une grande émotion et dont chaque cas nourrit le débat, complexe car sensible, sur les conditions d'un potentiel contrôle spécifique, qui aujourd'hui n'existe pas. Seule une possibilité générale est prévue, celle pour le préfet de prescrire un examen médical, en vertu de l'article R. 221-14 du code de la route, à la suite d'un signalement d'une situation particulière et pouvant alors s'appliquer, dans un cas d'espèce, aux séniors. Assurément, il ne s'agirait pas de stigmatiser les séniors, qui par ailleurs, représentent la tranche d'âge avec la part de responsabilité dans les accidents mortels en 2017 la moins importante, mais de renforcer la prévention des conséquences pouvant résulter d'une diminution de certaines de leurs capacités, notamment la réactivité. La liberté d'aller et venir a une valeur constitutionnelle, dans laquelle s'inscrit pleinement celle de pouvoir circuler, mais comme toute liberté, elle doit être conciliée et la protection des individus, aux premiers rangs desquels les séniors eux-mêmes, se matérialise très largement au travers de la sécurité routière, priorité nationale du Gouvernement. Ainsi, dans cette recherche nécessaire et perpétuelle d'une meilleure conciliation, il aimerait connaître les mesures envisagées par le Gouvernement en matière de contrôle de l'aptitude à la conduite des seniors.
Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019
CONTRÔLE DE L'APTITUDE DES SENIORS À LA CONDUITE
M. le président. La parole est à M. Christophe Jerretie, pour exposer sa question, n° 708, relative au contrôle de l'aptitude des seniors à la conduite.
M. Christophe Jerretie. Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, je ne suis pas le premier à vous interroger sur ce sujet, et il serait certainement vain de penser que je serai le dernier ; je le déplore, et sans doute le déplorons-nous tous. Je tiens à appeler votre attention sur la sécurité routière, plus particulièrement sur la conduite des seniors.
Le 15 septembre 2018, à Turenne, dans mon département, la Corrèze, un terrible accident mettant en cause un automobiliste âgé de 85 ans fut à regretter, provoquant le décès d'une enfant de 15 mois. À chaque drame, l'émotion est infinie, et chacun de ces cas nourrit des débats complexes, que nous savons sensibles, sur les conditions d'un potentiel contrôle spécifique des personnes âgées, actuellement inexistant. Comme vous le savez, seule une possibilité générale est prévue : celle qui permet au préfet de prescrire un examen médical à la suite du signalement d'une situation particulière. Mais ce n'est évidemment pas suffisant : il faut aller au-delà. Nous autres, les élus, recevons les familles victimes sans pouvoir leur apporter de réponse, ne pouvant que constater la situation.
Assurément, dans ce débat, il ne faut pas se tromper et stigmatiser les personnes âgées pour leur part de responsabilité, car nous savons que celles-ci ne sont pas les principales responsables des accidents. Si je vous soumets cette question, c'est que mon objectif est de renforcer la prévention. D'ailleurs, dans nos communes, nous ouvrons aux personnes âgées, notamment aux retraités, la possibilité de participer à des stages de remise à niveau sur le code de la route ainsi que des stages de conduite en simulateur, notamment dans ma commune, à Naves. On constate que ces sessions, organisées par les CCAS, sont très prisées, mais elles reposent malheureusement sur le volontariat.
Si l'on compare entre les pays européens, on observe en la matière une grande diversité et aucune ligne directrice. Ainsi, en Italie, les conducteurs doivent renouveler leur permis tous les dix ans avec un certificat médical, puis tous les deux ans à partir de 80 ans. En Allemagne, comme en France, il n'existe aucune limite administrative de validité. Personne n'a donc su déterminer la ligne la plus raisonnable à suivre sur cette question.
L'enjeu est pourtant conséquent car il faut concilier la liberté d'aller et de venir avec la responsabilité de chacun de sauver des vies, notamment quand cela touche les plus jeunes, sujet très délicat. Où en sommes-nous dans la réflexion sur l'amélioration de la prévention ? Imposer est certes toujours délicat, mais la bonne formule consiste peut-être à inciter. Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous quelques éléments à nous fournir sur ce sujet afin que nous puissions répondre à la famille dont j'ai parlé, ainsi qu'aux autres concernées sur le territoire français ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur Jerretie, comme vous le rappelez justement, les conducteurs âgés provoquent moins d'accidents que les autres. En revanche, ils courent davantage de risques d'être tués lors d'un accident corporel, leur fragilité physique, qui s'accroît avec l'âge, expliquant une remontée du taux de mortalité de ces conducteurs après 75 ans : vingt-trois personnes tuées pour cent blessés hospitalisés, contre onze parmi les moins de 65 ans. D'une manière générale, les conducteurs âgés, dont les capacités diminuent, compensent en adoptant un comportement plus prudent.
Le Gouvernement, qui souhaite préserver la mobilité et l'autonomie des seniors, promeut un certain nombre d'initiatives à l'attention des conducteurs seniors. Ainsi, comme vous l'avez évoqué, les associations, les collectivités locales, les caisses d'assurance maladie et les assureurs organisent, avec le soutien de l'État, des stages destinés à actualiser leurs connaissances et à améliorer la prise de conscience de leurs limites. De même, une large sensibilisation à l'aptitude médicale à la conduite est régulièrement menée en direction des professionnels de santé et des seniors. Le comité interministériel de la sécurité routière de janvier 2018 a par ailleurs décidé de sensibiliser davantage les médecins traitants pour qu'ils abordent le sujet avec leurs patients. En outre, le Conseil national de la sécurité routière travaille actuellement sur le sujet « seniors, mobilité, conduite », et rendra ses conclusions au Gouvernement d'ici quelques mois.
Au plan réglementaire, les articles R. 226-1 et R. 221-10 du code de la route prévoient un contrôle médical périodique pour les personnes atteintes d'une affection médicale incompatible avec la délivrance ou le renouvellement d'un permis de conduire ou susceptible de donner lieu à la délivrance d'un permis de conduire d'une durée de validité limitée. Les conducteurs concernés sont tenus de déclarer toute affection médicale, sous peine de voir leur responsabilité personnelle engagée en cas d'accident. Ces dispositions sont complétées par l'article R. 221-14 du code de la route, qui permet aux proches, lorsqu'ils le jugent nécessaire, de faire un signalement au préfet, lequel peut alors imposer un contrôle médical au titulaire du permis de conduire. Cette disposition importante impose un examen au cas par cas ; les préfets y accordent une grande attention. En revanche, en raison de son absence d'efficacité, il n'est pas prévu d'instaurer un contrôle médical spécifique pour les conducteurs seniors, au-delà des dispositifs que je viens de rappeler.
M. le président. La parole est à M. Christophe Jerretie.
M. Christophe Jerretie. Je remercie M. le secrétaire d'État pour la clarté de sa réponse. Je reste en attente des résultats de l'étude du Conseil national de la sécurité routière pour les transmettre aux personnes concernées : ils compléteront sa réponse, qui a été très franche, très directe et très juste.
Auteur : M. Christophe Jerretie
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019