Assurance chômage et particulièrement pour les professionnels du spectacle.
Question de :
M. Michel Larive
Ariège (2e circonscription) - La France insoumise
M. Michel Larive interroge Mme la ministre du travail. Le 20 février 2019, patronat et syndicats ne sont pas parvenus à un accord sur la convention d'assurance chômage. Cet échec a ouvert la voie à la reprise en main du dossier par le ministère du travail. C'est donc Mme la ministre, elle seule, qui définira l'avenir de l'assurance chômage par décret. Le 26 février, elle annonçait se saisir de cette opportunité : « Tout notre projet, c'est d'aller vers un marché du travail plus souple et plus ouvert ». Cette déclaration montre l'échec de la négociation, orchestré par le Gouvernement via une lettre de cadrage. La nature des économies exigées au détriment des seuls allocataires ne pouvait être acceptée par les syndicats. La pénalisation des contrats courts ne pouvait l'être par le patronat. Les partenaires sociaux sont donc tenus pour responsables et le code du travail les dessaisit du dossier au profit de la ministre. Bien joué ! Entre Noël et nouvel an, elle a pris les décrets d'application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont l'intitulé - en novlangue gouvernementale - est une parfaite antiphrase. Pôle Emploi y devient juge et partie. L'agence peut désormais décider seule des sanctions appliquées aux demandeurs d'emplois, comme la suppression des allocations. L'agence propose l'emploi, définit le caractère raisonnable de celui-ci et applique la sanction en cas de refus ! Ce modèle de droit porte un nom : l'arbitraire ! Elle transforme, dans sa logique ordo-libérale, le travail en emploi, l'emploi en job. Elle transforme le chômeur en coupable de sa situation. Elle transforme le service public de l'emploi en outil répressif. L'intention était dans la loi, sa mise en œuvre dans le décret. Il lui demande de faire preuve de transparence en exposant ses projets à la représentation nationale et au peuple. Ce flou entretenu par la majorité concerne également les professionnels du spectacle. Bien qu'ils soient parvenus à signer unanimement un accord sur les annexes 8 et 10 de la convention, ils souhaiteraient connaître les tenants et les aboutissants de l'ensemble du texte. Il lui demande de ne pas faire l'affront aux professionnels du spectacle d'attendre que soient préparés, en toute discrétion, des décrets qui sortiront pendant les vacances d'été, lorsque le festival d'Avignon ne sera plus un enjeu politique ! Compte tenu de sa manière brutale et inhumaine de gérer la question du chômage, il lui demande si elle considère qu'il convient de revenir à la table des négociations plutôt que de laisser à l'exécutif le pouvoir de décision de cette prochaine convention.
Réponse en séance, et publiée le 19 juin 2019
CONVENTION D'ASSURANCE CHÔMAGE
M. le président. La parole est à M. Michel Larive, pour exposer sa question, n° 760, relative à la convention d'assurance chômage.
M. Michel Larive. Le 20 février dernier, patronat et syndicats ne sont pas parvenus à un accord sur la convention d'assurance chômage. Cet échec a ouvert la voie à la reprise en main du dossier par le Gouvernement. C'est donc l'exécutif qui définira, par décret, l'avenir de l'assurance chômage.
Le 26 février, Mme la ministre du travail a annoncé se saisir de l'occasion. Je cite ses propos : « Tout notre projet, c'est d'aller vers un marché du travail plus souple et plus ouvert ».
Cette déclaration démontre que l'échec de la négociation a été orchestré par une technocratie dominante, au moyen d'une lettre de cadrage : la nature des économies exigées au détriment des seuls allocataires ne pouvait être acceptée par les syndicats ; la pénalisation des contrats courts ne pouvait l'être par le patronat. Les partenaires sociaux sont tenus pour responsables de l'échec, et le code du travail les dessaisit du dossier au profit de l'exécutif. Bien joué !
Mme Pénicaud a pris, entre Noël et le Nouvel An, les décrets d'application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont l'intitulé – en novlangue gouvernementale – est une parfaite antiphrase. Pôle emploi y devient juge et partie : l'agence peut désormais décider seule des sanctions appliquées aux demandeurs d'emploi, comme la suppression des allocations ; elle propose l'emploi, définit le caractère raisonnable de celui-ci et applique la sanction en cas de refus. Ce modèle de droit porte un nom : l'arbitraire.
Fidèle à sa logique ordo-libérale, la ministre du travail transforme le travail en emploi, l'emploi en job, le chômeur en coupable de sa situation, le service public de l'emploi en outil répressif. L'intention était dans la loi, sa mise en œuvre dans le décret. Nous lui demandons de faire preuve de transparence en exposant ses projets à la représentation nationale et au peuple.
Le flou entretenu par la majorité présidentielle concerne également les professionnels du spectacle. Bien que ces derniers soient parvenus à signer unanimement un accord sur les annexes VIII et X de la convention, ils souhaiteraient connaître les tenants et les aboutissants de l'ensemble du texte. Ne leur faites pas l'affront d'attendre que la ministre ait préparé en toute discrétion des décrets qui sortiront pendant les vacances d'été, lorsque le festival d'Avignon ne sera plus un enjeu politique !
Ne croyez-vous pas, raisonnablement, qu'il faudrait revenir à la table des négociations plutôt que laisser à l'exécutif le pouvoir de décision concernant la prochaine convention ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Soyez-en convaincu, monsieur le député : le Gouvernement n'entretient aucun flou et a fait preuve d'une volonté de dialogue et de transparence tout au long du processus de réforme de l'assurance chômage, dont il a présenté ce matin les principales dispositions.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler que le cadre de la réforme a fait l'objet de discussions parlementaires approfondies dans le cadre de l'examen de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Ensuite, la transmission aux partenaires sociaux du document de cadrage, en septembre dernier, a été précédée d'une phase de concertation visant à établir un diagnostic partagé avec l'ensemble d'entre eux.
Enfin, à la suite de l'échec des négociations, en février dernier – vous l'avez rappelé –, la ministre du travail a engagé une phase de concertation approfondie et intense sous la forme d'une série d'échanges bilatéraux avec tous les acteurs concernés.
L'annonce aujourd'hui même par le Premier ministre et par Mme Pénicaud du contenu détaillé de la réforme est le fruit de ce processus, de ces différents travaux et échanges.
Ainsi que le Premier ministre l'a annoncé la semaine dernière dans sa déclaration de politique générale, la réforme a pour objet de transformer en profondeur notre système d'assurance chômage en visant quatre objectifs principaux : mettre fin au recours abusif aux contrats courts – vous nous rejoignez probablement sur ce point ; faire en sorte que la reprise d'emploi soit toujours plus intéressante que le maintien au chômage ; revoir les règles d'indemnisation des salariés qui perçoivent les salaires les plus élevés ; enfin, renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Ces mesures constituent un ensemble cohérent qui permettra de favoriser l'emploi durable et de lutter contre la précarité.
Par ailleurs, le décret de décembre 2018 que vous avez évoqué, relatif au contrôle de la recherche d'emploi, avait trois objectifs : personnaliser davantage l'offre raisonnable d'emploi pour mieux tenir compte des situations individuelles ; simplifier la procédure de sanction pour rendre les sanctions plus crédibles ; revoir l'échelle des sanctions pour la rendre plus juste. L'idée était, d'une part, de s'assurer que l'équilibre des droits et devoirs est respecté, et, d'autre part, d'aider et de remobiliser des demandeurs d'emploi qui ne recherchaient plus activement un emploi parce qu'il étaient découragés, n'employaient pas la bonne méthode ou n'étaient pas suffisamment accompagnés. Il ne s'agit donc en aucun cas de culpabiliser les demandeurs d'emploi, mais bien de les ramener sur le chemin de l'emploi.
M. le président. La parole est à M. Michel Larive.
M. Michel Larive. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, quoique vous ne m'ayez pas répondu à propos du régime spécial des intermittents. Or, sous couvert d'harmonisation du régime d'assurance chômage, l'ensemble des personnes occupant des emplois intermittents – lesquels n'existent pas seulement dans le secteur du spectacle – vont subir une forte dévalorisation de leur pouvoir d'achat, puisqu'ils ne pourront prétendre à aucune allocation chômage ou presque. En outre, vous ne nous garantissez en aucun cas la continuité par rapport à l'accord d'avril 2016 – j'avais pourtant déjà posé cette question à Mme Nyssen puis à M. Riester, avant de vous l'adresser aujourd'hui.
Auteur : M. Michel Larive
Type de question : Question orale
Rubrique : Chômage
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Travail
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 2019