Difficultés d'accès aux soins en orthophonie : quelle réponse ?
Question de :
M. Stéphane Baudu
Loir-et-Cher (1re circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Stéphane Baudu interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés d'accès aux soins en orthophonie. Les orthophonistes alertent depuis plusieurs années le gouvernement sur la dégradation de leurs conditions d'exercice, tant en milieu hospitalier qu'en secteur libéral. À l'hôpital public comme dans les établissements relevant du secteur privé, le phénomène de désertification médicale n'épargne pas la profession et il est renforcé par des grilles salariales qui sont un véritable frein à l'attractivité. Depuis 2013, les orthophonistes relèvent du grade de Master (Bac +5), or les grilles indiciaires de la fonction publique hospitalière les assimilent encore aujourd'hui à des qualifications de niveau Bac +3. Ce manque de reconnaissance, tant de leur niveau de formation que de leurs responsabilités et de leur autonomie, conjugué au problème de démographie médicale bien connu, provoque la vacance de nombreux postes à l'hôpital et en établissement médico-social. Parallèlement, le besoin de soins en orthophonie ne cesse d'augmenter tant le champ des pathologies nécessitant une prise en charge est large et accru par la prévalence de certaines affections (AVC, cancers ORL, troubles de la communication) ainsi que par le vieillissement de la population. Cet effet de ciseaux entre l'offre et la demande de soins engendre la saturation des cabinets libéraux sur lesquels se reporte le déficit hospitalier. De manière générale, il entraîne des prises en charge tardives et donc une dégradation de la qualité des soins apportés aux patients. Face à cette situation, la fédération nationale des orthophonistes a fait connaître depuis plus d'un an une série de propositions concrètes. La question de la rémunération doit évidemment trouver une réponse pérenne et cohérente mais d'autres axes de travail peuvent être ouverts dans les domaines du recrutement, de la prévention, des modalités d'accès aux soins ou du lien avec les aidants. Il souhaiterait connaître ses intentions pour répondre concrètement à cette situation au moment même où le projet de loi santé en discussion au Parlement, vise justement à résorber les déserts médicaux et garantir à tous les citoyens un accès à des soins de qualité.
Réponse en séance, et publiée le 19 juin 2019
DIFFICULTÉS D'ACCÈS AUX SOINS EN ORTHOPHONIE
M. le président. La parole est à M. Stéphane Baudu, pour exposer sa question, n° 784, relative aux difficultés d'accès aux soins en orthophonie.
M. Stéphane Baudu. Je voulais appeler l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés d'accès aux soins orthophoniques.
Depuis plusieurs années, les orthophonistes alertent le Gouvernement sur la dégradation de leurs conditions d'exercice, tant en milieu hospitalier qu'en secteur libéral. Le phénomène de désertification médicale n'épargne pas la profession, ni à l'hôpital public ni dans les établissements relevant du secteur privé. Il est renforcé par des grilles salariales qui constituent un véritable frein à l'attractivité du métier.
Depuis 2013, les orthophonistes doivent avoir atteint le grade de master, soit un niveau bac+5. Or les grilles indiciaires de la fonction publique hospitalière les assimilent toujours à des agents ayant une qualification de niveau bac+3. Ce manque de reconnaissance, tant de leur niveau de formation que de leurs responsabilités et de leur autonomie, conjugué au problème de démographie médicale, provoque la vacance de nombreux postes à l'hôpital et en établissement médico-social.
Parallèlement, le besoin de soins orthophoniques ne cesse d'augmenter. Le champ des pathologies nécessitant une prise en charge est large et s'accroît du fait de la prévalence de certaines affections – accident vasculaire cérébral, cancers des voies aérodigestives supérieures, troubles de la communication – ainsi que du vieillissement de la population.
Cet effet de ciseaux entre l'offre et la demande de soins entraîne une saturation des cabinets libéraux, sur lesquels se reporte le déficit hospitalier. De manière générale, il aboutit à des prises en charge tardives et donc à une dégradation de la qualité des soins apportés aux patients.
Face à cette situation, la Fédération nationale des orthophonistes a fait connaître, depuis plus d'un an, une série de propositions concrètes. La question de la rémunération doit évidemment trouver une réponse pérenne et cohérente, mais d'autres axes de travail peuvent être explorés dans les domaines du recrutement, de la prévention, des modalités d'accès aux soins ou du lien avec les aidants.
Je souhaiterais connaître les intentions de Mme la ministre pour répondre concrètement à ce problème, au moment même où le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé vise à résorber les déserts médicaux et à garantir à tous nos concitoyens un accès à des soins de qualité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. Vous appelez notre attention sur l'accès aux soins en orthophonie et le manque d'attractivité des postes dans les établissements de santé, au regard notamment du niveau de rémunération, les grilles salariales assimilant les orthophonistes – vous l'avez très bien expliqué – à des professions ayant une qualification de niveau licence ou bac+3, et non de niveau master ou bac+5. Votre question porte en priorité sur la rémunération des professionnels titulaires, membres du corps des orthophonistes de la fonction publique hospitalière. Vous abordez notamment le sujet du traitement indiciaire.
Permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de mesures récentes ou en cours d'application.
D'une part, le décret du 9 août 2017 a organisé le reclassement, au 1er septembre 2017, de cinq professions de rééducation, dont les orthophonistes, de la catégorie B vers la catégorie A de la fonction publique hospitalière, au niveau des grades 1 et 2 des infirmiers en soins généraux.
Ce premier reclassement a permis une importante revalorisation du traitement de base, puisque les orthophonistes commencent aujourd'hui leur carrière dans une grille relevée de 40 points d'indice par rapport à la grille indiciaire de catégorie B – cela représente environ 187 euros brut par mois.
Un second reclassement, intervenu le 1er janvier 2019, a amplifié cette revalorisation. Un troisième relèvement, qui aura lieu le 1er janvier 2020, permettra d'atteindre la grille définitive.
Au terme de cette montée en charge, la rémunération globale des orthophonistes hospitaliers, incluant le traitement de base et les primes indexées, aura augmenté de plus de 300 euros par mois en début de carrière, et de plus de 500 euros par mois en fin de carrière. La grille des orthophonistes culminera alors à un niveau identique à celle des masseurs-kinésithérapeutes, des infirmières de bloc opératoire et des puéricultrices, qui sont toutes des professions de santé pour lesquelles la durée de la formation initiale est supérieure à trois ans après le baccalauréat.
Il convient de laisser à ces mesures le temps de porter leurs fruits, leur période de mise en œuvre n'étant pas encore achevée. Dans le contexte budgétaire actuel, ces mesures salariales méritent d'être rappelées. Elles sont certes jugées insuffisantes par les professionnels – nous en avons bien conscience –, mais elles sont sans équivalent parmi les autres corps de la fonction publique.
Si cette revalorisation statutaire est indispensable, elle ne suffira pas à elle seule à relever tous les défis de l'attractivité de la profession à l'hôpital – le Gouvernement en est conscient. L'amélioration de l'accès aux soins en orthophonie passera également par l'instauration d'une plus grande souplesse au bénéfice des professionnels qui souhaitent conjuguer carrière hospitalière et exercice libéral. Cette ambition est inscrite dans le plan « ma santé 2022 » ainsi que dans le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. L'exercice à temps non complet sera désormais autorisé pour des fonctionnaires hospitaliers titulaires, ce qui permettra le développement d'un exercice mixte, conformément au souhait de nombreux professionnels.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Baudu.
M. Stéphane Baudu. Je suis pleinement conscient de la revalorisation en cours, mais celle-ci est trop lente, partielle et insuffisante. J'appelle le Gouvernement à engager une concertation avec la Fédération nationale des orthophonistes, afin de travailler sur les modalités de rémunération mais aussi sur l'attractivité de la profession. Les conditions d'exercice à l'hôpital sont un élément parmi d'autres de l'attractivité.
Auteur : M. Stéphane Baudu
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 2019