Question orale n° 811 :
Crise sanitaire dans les forêts jurassiennes

15e Législature

Question de : Mme Marie-Christine Dalloz
Jura (2e circonscription) - Les Républicains

Mme Marie-Christine Dalloz interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation préoccupante de la filière bois jurassienne qui fait face depuis quelques années à des conditions climatiques anormales, entraînant une succession de crises sanitaires dans les forêts du département. Les conséquences en sont d'autant plus dramatiques que les résineux ainsi que les buis et frênes, dont le Jura est particulièrement fourni, représentent une majeure partie du territoire forestier et constituent un maillon essentiel de l'économie des entreprises, des particuliers et des collectivités. L'ensemble des acteurs de la filière est actuellement durement impacté par plusieurs épidémies : de scolytes pour les résineux (épicéas et sapins pectinés), de pyrales pour le buis et de chalarose pour le frêne. Depuis fin 2018, les volumes de bois parasités se sont considérablement accrus, provoquant une crise sur les marchés. Au-delà de l'aspect économique, il en va de l'avenir des territoires ruraux et de la possibilité des générations futures de continuer d'y vivre. La forêt jurassienne est un poumon économique et écologique en péril, pour lequel il est urgent d'agir. Elle lui demande donc quelles solutions sont envisagées à l'échelle nationale et dans quelle mesure l'ONF peut contribuer avec les entreprises locales à la transformation en bois énergie.

Réponse en séance, et publiée le 27 novembre 2019

FILIÈRE BOIS JURASSIENNE
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour exposer sa question, n°  811, relative à la filière bois jurassienne.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je souhaite connaître vos intentions concernant la réponse à apporter aux conséquences dramatiques du réchauffement climatique pour les forêts de France en général et du Haut-Jura en particulier, conséquences qui se font sentir sur le plan environnemental autant que sur le plan économique.

La forêt de mon département est composée en grande majorité de résineux, comme les épicéas et les sapins pectinés, et de feuillus comme le buis et le frêne. Ces essences sont aujourd'hui menacées par la propagation de nombreux parasites, dont un coléoptère appelé scolyte, qui creuse des galeries sous l'écorce des épicéas, coupant la circulation de la sève ; le manque d'eau participant à l'aggravation du dessèchement de l'arbre, celui-ci ne produit plus assez de sève pour évacuer le parasite. En Bourgogne-Franche-Comté et dans le Grand Est, on a recensé 2 millions de mètres cubes d'épicéas scolytés en 2018. En Bourgogne-Franche-Comté, c'est 60 % de la forêt publique et 40 % de la forêt privée qui sont touchés.

La pyrale du buis, qui augmente les risques d'incendie, et la chalarose du frêne constituent d'autres menaces pour notre écosystème et pour la stabilité économique de nos territoires. L'ampleur de l'épidémie a durement frappé l'ensemble des acteurs de la filière bois en faisant chuter les prix sur le marché ; les communes forestières, qui tiraient des revenus de la vente d'épicéas, sont contraintes de repousser leurs investissements en raison de la forte baisse de leurs recettes.

Monsieur le ministre, la forêt est en crise. C'est pour assurer l'avenir des générations futures que nous devons préserver ce patrimoine environnemental. Je vous demande donc urgemment de lancer un plan de sauvegarde de la filière bois et de répondre aux urgences budgétaires des communes forestières par des aides de trésorerie, qui pourraient être négociées avec la Banque des territoires. Nous ne sommes qu'au début de la crise ; il conviendra ensuite de réfléchir au remplacement des espèces disparues.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Merci pour votre question qui est à la fois une question d'actualité, au vu de la conjoncture actuelle, et une question à laquelle il faut répondre sur le fond. La forêt de votre département, qui compte 250 000 hectares de surfaces boisées dont un tiers de peuplements résineux, est touché à la fois par le réchauffement climatique et par les scolytes. À ce jour, sur les deux régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, près de 7 000 hectares – essentiellement des peuplements d'épicéas – ont subi l'infestation des scolytes, ce qui est considérable.

Je mesure pleinement la situation à laquelle la filière forêt-bois est actuellement confrontée. Lors du Conseil supérieur de la forêt et du bois, le 8 octobre dernier, j'ai annoncé un plan de soutien exceptionnel à la filière qui comporte deux volets : à court terme, une aide de 6 millions d'euros à l'exploitation et à la commercialisation des bois colonisés par les scolytes, dont nous évaluerons les effets dans quelques mois ; à moyen terme, une aide de 10 millions d'euros à la reconstitution des peuplements, avec un taux d'intervention de 80 %. Nous avons engagé des discussions avec les conseils régionaux des régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté pour inscrire cette aide dans le cadre de leurs programmes de développement rural régionaux.

Ces attaques d'insectes, conjuguées aux difficultés induites par le changement climatique, doivent nous conduire à nous interroger sur le renouvellement des peuplements de nos forêts. En effet, selon les rapports du GIEC – groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat –, les essences présentes dans les forêts françaises ne sont pas les plus adaptées au réchauffement climatique. La feuille de route que j'ai communiquée au Conseil supérieur de la forêt et du bois prévoit donc la remise d'un plan d'adaptation des forêts françaises au mois de mars prochain. Ce sera l'un des défis majeurs que devra relever le futur directeur général de l'Office national des forêts, l'ONF, que vous allez auditionner et qui prendra ses fonctions dans les semaines à venir.

Nous avons deux défis : le premier, que nous devons prendre sérieusement, est celui de la bataille contre les scolytes que nous menons à travers le plan d'urgence ; le second est celui de l'adaptation, à moyen et à long terme, de nos forêts actuellement composées de résineux et de feuillus au changement climatique. Je suis donc favorable à vos propositions. Ensemble, en associant les communes forestières, l'ONF, les propriétaires privés et le Centre national de la propriété forestière, nous gagnerons la guerre contre les maladies et adapterons la forêt au changement climatique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J'ai bien noté l'annonce d'un plan de soutien de 16 millions d'euros : c'est un début, mais j'espère que vous avez conscience que l'on ne pourra pas s'en satisfaire durablement. Aujourd'hui, il faut mener des expérimentations, comme la plantation de différentes variétés pour étudier leur adaptation climatique.

Un autre sujet m'importe : l'accompagnement des communes forestières, dont les pertes de recettes sont catastrophiques. Monsieur le ministre, ne pouvez-vous pas trouver des aides de trésorerie, auprès de la Banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations. C'est fondamental.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Christine Dalloz

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2019

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