Concertation et débat public relatif à un projet d'expropriation foncière
Question de :
Mme Huguette Bello
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Huguette Bello interroge Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur le projet d'acquisition foncière par le Conservatoire du littoral d'environ 150 hectares sur le site du Cap la Houssaye - Éperon à Saint-Paul (Réunion). S'ils sont évidemment favorables à la préservation et à la valorisation de ce paysage exceptionnel de savane, les propriétaires concernés (une centaine de familles) remettent en cause le protocole d'expropriation. Ils déplorent en effet que la DUP d'expropriation soit assortie d'un dossier d'enquête sommaire dépourvu d'avis qualifiés, de délibérés du Conservatoire du littoral, de cartographies ou encore de solutions alternatives. Le court délai imparti à l'enquête publique, qui s'est déroulée entre le 1er et le 24 octobre 2019, n'a pas permis une véritable concertation et donne à cette procédure une urgence qui n'a pas lieu d'être puisque la quasi-totalité de ces espaces ne sont pas habités et qu'ils sont déjà classés « espaces naturels remarquables du littoral » et comme tels déclarés inconstructibles. Elle lui demande quelles mesures elle compte prendre pour créer les conditions d'un dialogue avec les propriétaires concernés et pour l'organisation d'un véritable débat public.
Réponse en séance, et publiée le 11 décembre 2019
EXPROPRIATION FONCIÈRE SUR LE SITE DU CAP LA HOUSSAYE-ÉPERON
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer la question n° 827 de Mme Huguette Bello, relative à l'expropriation foncière sur le site du Cap la Houssaye-Éperon.
M. Jean-Paul Lecoq. La question de ma collègue Huguette Bello porte sur le projet d’acquisition foncière par le Conservatoire du littoral d’environ 150 hectares, à Saint-Paul de La Réunion, sur le site du Cap la Houssaye-Éperon.
Il s’agit d’un paysage exceptionnel de savane, déjà classé « espace naturel remarquable du littoral » et comme tel déclaré inconstructible.
Par le passé, le Conservatoire a acquis à l'amiable près de 200 hectares ; il s’engage à présent dans une procédure d'expropriation.
Les propriétaires concernés, soit une centaine de familles, sont évidemment favorables à la préservation et à la valorisation de ce paysage exceptionnel de savane ; néanmoins ils remettent en cause le protocole d'expropriation, à l'instar de l’ensemble des élus.
Ils déplorent que le Conservatoire ne respecte pas les engagements pris en 2001 auprès de l'ensemble des socioprofessionnels de La Réunion : mener au préalable un débat approfondi et ne pas mener au même moment l'enquête d’utilité publique et l'enquête parcellaire. À l’époque déjà, l’absence de concertation avait suscité une forte inquiétude. Près de deux décennies plus tard, non seulement il n’existe toujours pas de concertation, mais de plus les enquêtes sont menées conjointement.
En outre, la déclaration d’utilité publique est assortie d’un dossier d’enquête sommaire, dépourvu d'avis qualifiés, des délibérations des conseils d’administration du Conservatoire du littoral, de cartographies ou encore de solutions alternatives.
Le délai très court imparti à la double enquête publique, qui s’est déroulée entre le 1er et le 24 octobre dernier, n’a évidemment permis ni débat public ni concertation, et donne à cette procédure un caractère d'urgence qui ne se justifie pas, puisque la quasi-totalité de ces espaces sont inhabités et qu’ils sont – répétons-le – strictement inconstructibles.
Face aux difficultés rencontrées pour faire entendre leurs positions et propositions, les propriétaires se sont constitués en un collectif, pour demander l'instauration d'un véritable dialogue.
Le collectif souhaite également qu’un débat public ait enfin lieu sur ce projet environnemental d’envergure, qui concerne l’ensemble des Réunionnais ; en un mot, que soient respectés les engagements de 2001.
Monsieur le ministre, la population réunionnaise veut être associée aux décisions concernant l’avenir de ce site, et attend vos propositions en ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. La savane du Cap La Houssaye, comme plus généralement celle de La Réunion, est infiniment précieuse pour la France, et au-delà pour la planète. Nous devons prendre toutes les décisions susceptibles de la préserver.
Beaucoup d'actions ont été accomplies en ce sens par le passé, vous l'avez dit, notamment les décisions prises en 2016, mais force est de constater qu'elles n'ont pas été suffisantes. Notre responsabilité est désormais d'avancer rapidement, en établissant un plan de sauvegarde très précis.
Ce paysage est en effet fortement menacé, à la fois par la progression rapide de l'urbanisation et par celle d'espèces exotiques envahissantes. La savane a vu sa superficie divisée par trois ces cinquante dernières années, ce que personne ne peut accepter.
Le classement du site en « espace naturel remarquable du littoral » n’a pas empêché la destruction d'une partie de sa superficie, si bien que de nouvelles mesures s'imposent. Pour les définir, nous devons partir des difficultés rencontrées.
La première est la structure foncière morcelée entre plus de cent propriétaires, qui rend difficile une gestion éco-pastorale capable de préserver ou de restaurer ces paysages de savanes.
Le Conservatoire du littoral a donc souhaité engager, après avoir recueilli l’avis favorable de la commune de Saint-Paul, une démarche d’expropriation sur 150 hectares, pour compléter les 200 hectares déjà acquis à l’amiable il y a vingt ans.
Votre question vise à définir de quelle manière s'assurer que la consultation soit menée à bien et que l'ensemble des acteurs locaux s'approprient la démarche.
De nombreux contacts ont été pris auprès des propriétaires fonciers concernés. En 2016, ils ont tous été informés des termes du projet et de la proposition qui leur était faite d'une acquisition amiable.
Quant aux procédures prévues par le code de l’expropriation que vous mentionnez, les propriétaires ont largement pu faire valoir leur avis pendant l’enquête publique d’octobre sur la base d’une notice explicative comprenant les cartes nécessaires à la bonne compréhension du projet ; 120 observations ont d’ailleurs été recensées.
Le commissaire-enquêteur remet aujourd'hui son rapport. Je peux vous assurer que les services de l'État maintiendront dans les prochains mois les contacts avec les auteurs des observations formulées, afin de définir le meilleur chemin vers cet objectif partagé qu'est la préservation de la savane et de son écosystème. Il passe à mon sens nécessairement par l'acquisition de ces parcelles.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le ministre, la question qui vous est posée concerne l'aspect démocratique de la démarche. Vingt années se sont écoulées, comme vous l'avez dit, sans que les personnes concernées aient l'impression que des mesures étaient prises ; aujourd'hui vous soulignez l'urgence écologique – à raison – : en matière d'écologie et de climat, la situation nous impose d'agir rapidement. Cela ne signifie pas qu'il faille agir n'importe comment.
Ces derniers mois ont mis au jour l'existence d'une autre urgence dans notre pays, de nature démocratique. Les démarches administratives, notamment les enquêtes publiques, doivent permettre l'expression démocratique. Un collectif des propriétaires est désormais constitué à la Réunion : nous vous demandons de considérer que vous disposez maintenant d'un interlocuteur représentatif, grâce auquel vous pourrez agir certes rapidement, mais aussi efficacement et démocratiquement.
Auteur : Mme Huguette Bello
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Ville et logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 2019