Création de réseaux d'initiative publique d'infrastructures télécom mobile
Question de :
M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Philippe Vigier attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la création de réseaux d'initiative publique (RIP) d'infrastructures télécom mobile. Le déploiement des réseaux mobiles répond aux mêmes enjeux que le déploiement des réseaux téléphoniques au cours du siècle dernier et du très haut débit (THD) dernièrement, pour lesquels l'intervention de l'État avait été nécessaire. Si aujourd'hui, les opérateurs privés ont déjà bien entamé le déploiement dans les zones denses, la ruralité reste toujours le parent pauvre de la couverture des opérateurs mobiles. Les investissements privés restent insuffisants et les divers programmes « zones blanches » mis en œuvre successivement depuis une quinzaine d'années ont montré toutes leurs limites. Le « new deal mobile » lancé il y a plus d'un an est certes une première réponse à cette fracture numérique. Il ne serait cependant pas acceptable d'expliquer aux citoyens qu'ils auront accès au service dans 5 à 10 ans à l'heure de la mobilité et du numérique. Les derniers débats dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale témoignent de cette exaspération des élus qui traduit celle des citoyens. Aussi, la création de « RIP d'infrastructures télécom mobiles » est nécessaire afin de faciliter l'intervention des collectivités publiques en faveur du développement numérique face à l'insuffisance d'initiatives privées. À l'échelle du département d'Eure-et-Loir, la mise en œuvre du « new deal mobile » concernerait au total la création de 21 nouveaux sites pour l'ensemble des quatre opérateurs mobiles dans les prochaines années alors que les études menées par le conseil départemental révèlent la nécessité d'une centaine de sites environ pour apporter la couverture radio à l'ensemble des administrés dans leur lieux de vie, de travail et sur les principales routes euréliennes. Par conséquent, le volume octroyé par le new deal mobile est largement insuffisant d'ici 2022 et au-delà de cette échéance, les volumes de sites ne sont pas encore connus. Dans ce contexte, le conseil départemental, sous l'impulsion de son président Claude Térouinard, s'est mobilisé pour apporter, en complément du dispositif de l'état « new deal mobile », une solution technique visant à construire ces nouveaux pylônes complémentaires. Tout cela vise à répondre à la demande des Euréliens et des élus locaux qui se sont exprimés via le guichet unique départemental et à accélérer le déploiement des sites. M. le député tient à saluer cette initiative volontariste pour laquelle l'adhésion de toutes les parties prenantes (État, collectivités, opérateurs) est une nécessité absolue. Il lui demande si elle peut garantir que le Gouvernement souhaite favoriser juridiquement ce type d'initiative du monde rural et par ailleurs impliquer les opérateurs qui sont les seuls détenteurs des licences mobiles.
Réponse en séance, et publiée le 11 décembre 2019
CRÉATION DE RÉSEAUX D'INITIATIVE PUBLIQUE D'INFRASTRUCTURES TÉLÉCOM MOBILE
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour exposer sa question, n° 845, relative à la création de réseaux d'initiative publique d'infrastructures télécom mobile.
M. Philippe Vigier. Chacun sait que parmi les différentes fractures que connaît notre pays, certaines sont liées au numérique et à la téléphonie. S'agissant du numérique, je tiens à saluer les décisions prises par le Gouvernement et rappeler à l'Assemblée qu'elles ont permis une accélération du déploiement des réseaux numériques et de l'internet très haut débit, en particulier grâce à l'exonération, au bénéfice des opérateurs, de l'imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux fixes – IFER. Nous commençons, dans tous nos territoires, à mesurer leurs effets positifs.
Reste la question de la téléphonie mobile. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, vous avez été un des ambassadeurs qui ont favorisé la conclusion du fameux « new deal mobile ». Un tel accord était indispensable compte tenu du retard que nous accusons en matière de déploiement de la 4G. Ainsi, au moment où le Gouvernement lance une consultation pour l'attribution des licences 5G, certains territoires ne sont toujours concernés que par la 2G ou la 3G, voire ne sont pas du tout desservis s'ils se trouvent éloignés des grandes voies de communication – comme les autoroutes ou les lignes à grande vitesse – où se concentrent les antennes relais.
Si je prends l'exemple de mon département, le new deal mobile y prévoit la construction de vingt et un pylônes au cours des cinq à huit années à venir afin d'améliorer la desserte. Or le compte n'y est pas : selon l'évaluation précise que nous avons effectuée avec le président du département d'Eure-et-Loir grâce à l'aide d'entreprises spécialisées, près d'une centaine de pylônes seraient en réalité nécessaires. La même situation peut être observée en de nombreux points du territoire national.
Nous ne pouvons pas expliquer à la population du département qu'elle devra attendre cinq, voire dix ans pour bénéficier de la 4G alors que d'autres territoires – en particulier les métropoles – vont bientôt accéder à la 5G !
Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement pourrait être favorable à la création de réseaux d'initiative publique d'infrastructures de télécommunications mobiles. Associant l'État, en tant que régulateur, à des opérateurs et des collectivités – départements, régions ou intercommunalités –, ils permettraient une mutualisation des moyens susceptible d'accélérer le déploiement des antennes relais et ainsi d'apporter une réponse rapide à nos concitoyens. La téléphonie, c'est la fin de l'isolement ; son développement permettra de réduire une de ces fractures tant redoutées dont souffre le pays et dont les effets sont de plus en plus visibles.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Monsieur le député, je vous remercie de vos propos : il est vrai que nous avons accéléré le déploiement des réseaux numériques. Songez qu'en 2019, nous en serons à 4 millions de prises raccordables supplémentaires, soit le double du chiffre réalisé il y a deux ans !
Le new deal mobile est l'un des principaux sujets que j'ai eu à traiter à mon entrée en fonctions. Qui peut accepter que dans certaines zones d'habitation, il soit encore nécessaire d'aller au fond du jardin et de lever le bras pour espérer capter un faible signal ? Personne ! Or pour y remédier, il fallait profondément changer la donne – c'est-à-dire changer les habitudes, y compris celles de l'État. En effet, jusqu'à présent, l'État octroyait les fréquences en les mettant aux enchères, ce qui conduisait évidemment les opérateurs de téléphonie à couvrir en priorité les zones les plus denses, le critère financier étant le seul pris en compte. C'est cela que nous avons changé.
J'ai signé ce new deal en janvier 2018. Au moment où je vous parle, un peu plus d'un an et demi après, 5 117 communes sont passées des anciennes technologies – 2G et 3G – à la 4G. À la fin de l'année 2020, 10 000 communes au total auront opéré ce basculement.
Par ailleurs, nous avons lancé un programme de couverture des « zones blanches », dont vous avez souligné la persistance. Plus de 1 170 zones blanches sont en cours de traitement. Chaque année, le traitement de 700 à 900 zones blanches supplémentaires sera engagé. Les principaux axes routiers et ferroviaires seront également traités. Dans votre département, la construction d'une vingtaine de pylônes a effectivement été jugée nécessaire. Certes, il en faudrait davantage encore.
J'insiste sur deux points. Premièrement, pour vous donner une idée de la portée du new deal, celui-ci débouchera sur l'installation de près de 12 000 pylônes supplémentaires. Ces installations s'ajouteront à celles qui résulteront de l'activité normale des opérateurs de téléphonie.
Deuxièmement, vous avez demandé très clairement, monsieur Vigier, si l'État soutiendrait d'autres initiatives, prises par exemple par le département, pour accélérer encore le processus d'accompagnement, au-delà du new deal. La réponse est mille fois oui. De mon côté, grâce au new deal, j'ai réussi à obtenir des opérateurs 12 000 pylônes supplémentaires. C'était nécessaire, et je m'en réjouis. Si d'autres acteurs obtiennent des opérateurs qu'ils aillent encore plus loin, je puis vous assurer que je serai à leurs côtés.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Vous avez fortement accéléré la mise en œuvre de cette politique, monsieur le ministre, et je tiens à le saluer. Simplement, il nous faut désormais un véhicule législatif pour autoriser la création de réseaux d'initiative publique, car c'est le meilleur moyen de mutualiser l'action des opérateurs. Cela permettrait de passer de vingt à cent le nombre de pylônes pouvant être érigés en Eure-et-Loir. En outre, comme on ne pourra pas dire que le Gouvernement n'a pas agi, les collectivités seraient face à leurs responsabilités.
La couverture convenable du territoire et, surtout, l'accès de nos concitoyens à la téléphonie mobile sont-ils, oui ou non, une priorité absolue ? Il s'agit, je le répète, d'une des grandes fractures qui traversent notre pays. La mesure que je préconise serait un bon moyen d'avancer. Je vous remercie de votre réponse. Nous sommes à vos côtés pour accélérer le mouvement.
Auteur : M. Philippe Vigier
Type de question : Question orale
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 2019